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Avis sur le CoDT bis

jeudi 14 janvier 2016,

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Le CoDT bis

Début décembre, le président de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et des transports du Parlement wallon, Edmund Stoffels, a sollicité l’avis d’urbAgora sur la seconde version du Code régional du développement territorial (alias CoDT bis).

Même si nous considérons que notre expertise sur ce dossier est limitée et si nos ressources disponibles dans le délai imparti étaient très réduites, il nous a semblé important de remettre un avis, et d’ouvrir, à la suite, une discussion, avec les personnes intéressées, sur ce dossier. Nous organiserons au mois de mars ou d’avril, une soirée thématique sur ce texte. D’ici là, nous vous invitons à nous aider à comprendre ses enjeux en utilisant le forum ci-dessous.

Liège, le 14 janvier 2015

À l’attention d’Edmund Stoffels, Président de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et des transports du Parlement de Wallonie, Square Arthur Masson 6, 5012 Namur

Monsieur le président,

Nous remercions la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et des transports d’avoir sollicité l’avis de notre association sur le nouveau CoDT.

Nous aurions été heureux de pouvoir vous proposer un commentaire systématique du document, mais nos ressources limitées et le temps disponible nous ont amené à vous remettre un avis sous forme de quelques remarques d’ordre général et d’une série de suggestions sur le contenu du texte.

Les principaux enjeux de cette réforme, à nos yeux, devraient être :

  • La simplification et la lisibilité de la loi. Le prescrit légal régional qui est actuellement en vigueur sur les matières territoriales est à ce jour inaccessible au plus grand nombre de nos concitoyens. Sa simplification constitue un impératif démocratique. Le texte actuellement soumis à discussion nous semble aller dans le bon sens.
  • La transparence dans les procédures, pour permettre une information effective du public. Cette remarque concerne non seulement le principe — il nous semble essentiel de garantir l’accès du public à un certain nombre de documents — mais également la manière de le faire, qui doit être fortement simplifiée et tenir compte de l’état de la technique. En particulier, les données publiques doivent être systématiquement disponibles en ligne, dans des formats ouverts, et d’une manière qui permette la consultation automatique des données (il ne faut pas obliger, par exemple, le citoyen à consulter chaque jour ou chaque semaine une page web pour connaître la date du début d’une enquête publique, il faut que cette information puisse être récupérée automatiquement dans un logiciel, par l’intermédiaire d’un standard ouvert, RSS ou autre). À nos yeux, si la possibilité de consulter des documents à l’administration doit bien sûr rester possible, cette forme d’accès, lorsqu’elle est la seule disponible, constitue à la fois un frein prodigieux à la participation des citoyens (et a pour conséquence que seuls les personnes ayant un intérêt direct vont généralement faire l’effort de se rendre à l’administration), et un gaspillage de ressources publiques qui ne l’est pas moins.
  • Une meilleure reconnaissance du fait urbain et l’organisation de sa complémentarité avec les territoires ruraux. Les villes, et particulièrement les grandes villes, jouent un rôle moteur au service de l’ensemble du territoire et de tous les habitants de la Région. Elles concentrent une série de fonctions indispensables à l’ensemble de la population, mais dont le financement pèse souvent beaucoup plus lourdement sur les urbains. Ce rôle est, à notre sens, beaucoup trop peu reconnu et valorisé en Wallonie.
  • La préservation de la ressource foncière, notamment agricole, et la protection des paysages. Alors que des terroirs entiers ont été abîmés de manière irréversible par la péri-urbanisation et que l’urbanisation se poursuit à un rythme déraisonnable, il est plus qu’urgent de protéger ce qui demeure. Concrètement, le législateur doit, selon nous, affirmer beaucoup plus clairement le principe (qui est déjà une réalité de fait) selon lequel la qualification d’un terrain en zone bâtissable au plan de secteur n’est pas un critère suffisant à le bâtir. D’autres critères doivent entrer en ligne de compte, comme la densité du projet ou son inscription dans un noyau dense, le caractère durable de la construction, l’accessibilité en transports en commun.
  • La promotion de la densité du bâti et de sa mixité fonctionnelle ; aussi bien en milieu rural (le village traditionnel est une forme d’urbanisme tout aussi soutenable que la grande ville, contrairement au péri-urbain) qu’en milieu urbain, et sa localisation, partout où c’est possible, autour des noeuds de transport public.
  • La maîtrise foncière publique. Il semble acquis, dans le débat contemporain, que la maîtrise foncière est un élément déterminant, pour ne pas dire vital, de réussite des projets urbains complexes, même lorsque ceux-ci sont majoritairement développés par le secteur privé. Nous constatons cependant la faiblesse du droit wallon à organiser cette maîtrise foncière et surtout à lui en donner les moyens.
  • La captation de la plus-value foncière. Les investissements réalisés par le pouvoir public créent parfois de très importantes plus-values pour les propriétaires de biens situés à proximité de ceux-ci. Nous souhaitons que le législateur wallon mette en place les outils nécessaires à capter une partie de ces plus-values au service du financement de ces infrastructures et de leur fonctionnement. Nous pensons en particulier aux acteurs qui spéculent en immobilisant des terrains en attendant que ceux-ci prennent de la valeur.

CRAT, CWEDD, etc.

  • Nous demandons que la publicité (en ligne) des avis de la CRAT, du CWEDD, etc., dans le mois suivant leur adoption, soit garantie par le texte décrétal.

CCATM

  • Nous souhaitons que le texte prévoie l’obligation de constituer une CCATM pour toutes les communes de plus de 10.000 ou 20.000 habitants. Nous constatons en effet que de nombreuses communes s’abstiennent de constituer une CCATM, privant par là leurs citoyens d’un précieux espace d’analyse des projets. Si l’on peut comprendre que la gestion d’une CCATM puisse être lourde pour les communes les plus petites, cet argument n’est pas recevable pour les communes plus importantes.
  • Nous souhaitons que le texte garantisse la présence au sein d’une CCATM des villes de plus de 50.000 habitants de tous les partis politiques représentés au sein de son Conseil communal (ce que le système du « quart communal », actuellement en vigueur, ne permet pas).
  • Nous souhaitons que la désignation des membres d’une CCATM ne puisse être votée par un Conseil communal qu’à la majorité qualifiée des deux tiers, de façon à augmenter les chances de voir sa composition respecter le pluralisme et la diversité des sensibilités présentes dans le débat communal, ce qui n’est pas toujours le cas.
  • Nous souhaitons que le texte ouvre la possibilité pour une minorité du Conseil communal (par exemple cinq conseillers communaux, quelle que soit la taille de la commune) et pour les citoyens (par exemple 500 signataires d’une pétition) de saisir la CCATM d’un dossier.
  • Nous souhaitons que le CoDT prévoie la publicité des débats des CCATM et garantisse la publicité, notamment en ligne, des avis des CCATM, dans le mois suivant leur adoption.
  • Nous demandons que la CCATM soit représentée dans les « réunions de projet » visées à l’article D.IV.31.

Permis

  • En ce qui concerne les demandes de permis de tous types, nous demandons au législateur de prévoir, dans les documents à soumettre par le demandeur, une fiche résumé du projet (dans un format numérique standard et ouvert, par exemple PDF), avec une série de mentions obligatoires et intégrant plans et vues. Nous souhaitons que ces fiches soient mise en ligne de façon obligatoire par l’autorité compétente (sauf petits permis), dans un format informatique permettant le suivi automatique des données (par exemple RSS).

Enquêtes publiques

  • Nous demandons que, pour tous les projets modifiant de façon importante les conditions de vie des riverains (en établissant une série de critères, par exemple : plus de 100 logements, ou plus de 10 000 m² de surface bâtie, ou plus de 5 000 m² de commerce, ou plus de 100 places de stationnement, etc.), la longueur de l’enquête publique soit allongée à six semaines.
  • Nous demandons qu’un délai de 10 jours soit garanti entre l’envoi de la convocation et la tenue de la réunion de conciliation suivant l’enquête publique.
  • Nous suggérons que chaque commune soit incitée à confier à une structure non lucrative une mission de diffusion, de promotion et d’animation du débat public autour des enquêtes publiques (ce que fait, par exemple, la Région de Bruxelles Capitale).

Art. D.I.11 (Agréments d’auteurs de projet)

  • Il nous semble nécessaire de prévenir, au niveau décrétal, les conflits d’intérêts dans le chef des auteurs de projet agréés. Un bureau d’études ne devrait pas pouvoir prendre en charge la réalisation d’un document de planification public s’il a un intérêt direct dans l’orientation que celui-ci prendra (par exemple parce qu’il est missionné sur un projet privé dont la réalisation dépend du contenu du document de planification qu’il rédige par ailleurs).

Art. D.IV.25 (permis d’intérêt régional)

  • Nous demandons le retrait de l’article Art. D.IV.25, qui prévoit la possibilité de faire statuer le Parlement sur certaines demandes de permis. Cet article pose selon nous problème sur deux aspects.
    • Sur le principe, nous ne pensons pas que c’est le rôle du Parlement de voter des permis, actes administratifs par excellence. Il s’agirait d’une confusion des rôles entre les différents pouvoirs d’un État de droit. En neutralisant les mécanismes administratifs ou judiciaires qui permettent de contrôler la conformité d’un permis au droit (à l’exception, congrue, de la Cour constitutionnelle), vous placeriez le Parlement dans une position délicate et, pour tout dire, suspecte. Mais, surtout, nous sommes convaincus que les mécanismes de recours sont — ou devraient être utilisés comme — des outils de médiation, et que le développement à long terme de la Wallonie ne se fera pas contre ses habitants, mais en les fédérant autour de projets effectivement porteurs de bien-être, pour toutes et tous, en ce compris pour les générations futures — ce qui est loin d’être le cas de tous les projets énumérés dans le texte.
    • L’énumération des projets qui est faite dans cet article, ensuite, nous semble porter atteinte au caractère général qui devrait être celui d’un texte de loi. Elle rendra ce texte rapidement caduc, et témoigne d’une vision ad hoc de la loi qu’aucun juriste sérieux ne devrait tolérer. Il semble au demeurant difficilement plaidable que chaque permis relatif aux point énumérés relève de « motifs impérieux d’intérêt général », mais surtout qu’il le demeurera pendant les décennies à venir (et l’on sait le temps que prennent les grands projets à se réaliser). La technique évolue, renouvelle les questions, ouvre de nouvelles opportunités. L’arrivée de l’ETCS |1|, par exemple, a complètement modifié l’approche que l’on peut avoir du développement des réseaux ferrés suburbains, en augmentant la capacité des lignes existantes et en rendant donc possible une exploitation plus diversifiée qu’auparavant sur les lignes existantes (là où le doublement de l’infrastructure pouvait paraître inéluctable il y a encore quinze ans). La voiture sans conducteur va, elle aussi, profondément modifier la façon de circuler et de vivre dans nos villes, notamment en augmentant substantiellement la capacité du réseau routier via le principe (déjà opérationnel) des « trains de véhicules ». Elle pourrait aussi générer un effet rebond important sur l’organisation du territoire |2|. La contrainte climatique va constituer un élément de plus en plus important d’évaluation des politiques publiques (là où certains projets d’infrastructure envisagés datent toujours d’avant le choc pétrolier). Et ainsi de suite. Ce que nous vous demandons, Monsieur le Président, c’est de ne pas préjuger de l’évolution de ces débats, et de laisser aux instances compétentes le soin d’évaluer, le moment venu, la faisabilité et la pertinence des projets.

Périmètre de remembrement urbain

  • Dans une perspective de simplification du texte, nous suggérons la suppression de toutes les dispositions relatives à cet outil, dont l’apport ne nous semble pas démontré, et qui duplique des outils existants.

Pour conclure, Monsieur le Président, permettez-nous de vous inviter, vous-mêmes ainsi que les membres de votre commission qui le souhaiteraient, à venir présenter le travail que vous réalisez sur le CoDT, devant notre public, d’ici le printemps prochain.

En l’attente de vous lire, je vous prie de recevoir, Monsieur le président, mes salutations distinguées.

Cyril Soldani
président f.f.

|1| European Train Control System, système standardisé de sécurité, signalisation et contrôle des réseaux de chemins de fer au niveau européen.

 

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