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« Quels enjeux pour le tram liégeois ? »

mardi 27 janvier 2009,

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NB : Ce compte-rendu est encore un brouillon, il sera complété et amélioré dans les jours à venir.

De nombreuses personnalités et organisations avaient été invitées à cette table-ronde, convoquée il est vrai dans des délais très brefs, qui n’ont pas pu ou pas voulu y participer. Nous regrettons leur absence.

Intervention de François Schreuer, président d’urbAgora

Pourquoi la table-ronde d’aujourd’hui ? L’implantation d’un tram à Liège est le combat fondateur d’urbAgora, puisque l’association est née suite à la pétition « oui au tram, non à l’autoroute », lancée en septembre 2007, qui demandait une réorientation vers les transports en commun de l’argent public prévu pour le développement du réseau autoroutier. L’association est fort urbaine, au sens où la plupart des membres habitent dans le milieu urbain. On pourrait dire qu’urbAgora se profile comme un lobby des urbains, face aux lobbys des rurbains qui sont très nombreux, depuis le Touring club jusqu’aux constructeurs des villas 4 façades. Nous promouvons une qualité en ville, et nous essayons de le faire avec une approche transversale, c’est-à-dire que ne nous contentons pas d’un seul prisme — la mobilité ou l’urbanisme —, mais que nous essayons de croiser une réflexion sur l’aménagement du territoire avec une réflexion sociale, avec une réflexion sur la mobilité, et que nous accrochons à cela une préoccupation pour l’architecture, pour le logement, pour espaces verts, etc... tout cela dans la perspective d’améliorer la qualité de vie, et d’amener, aussi, plus de justice pour les habitants de la ville.

Pourquoi « urbAgora » ? La racine « urb » fait référence à la ville, au territoire densément bâti ; « agora » renvoie à l’envie de discuter, à la conviction que si nous avons quelque chose à amener, nous qui ne sommes pas tous des experts ni des spécialistes des questions que nous abordons, c’est d’ouvrir le débat public, de créer une culture du débat public dans l’agglomération liégeoise, puisque ce débat existe peu, notamment faute d’institutions pour l’y tenir : il manque à Liège une Communauté urbaine. Aucune structure supra-communale démocratique n’existe qui permette de tenir un débat à l’échelle des 15-20 communes qui constituent la ville morphologique, disons qui font le bâti continu.

Pourquoi y a-t-il urgence aujourd’hui sur le dossier du tram ? Après un nombre appréciable d’années d’inertie, le dossier est entrain de s’emballer. Nous sommes dans une situation où il existe déjà des plans des tracés qui sont actuellement soumis aux bourgmestres concernés par le cabinet du ministre André Antoine, qui est donc ministre de la mobilité et de l’aménagement du territoire et qui a décidé de faire de ce dossier le cheval de bataille de sa fin de législature. La discussion en est au stade du choix des rues dans lesquelles le tram va passer, ce qui est sans doute précipité et qui en tout cas nous oblige à ouvrir le débat maintenant car dans 3 mois, les principales décisions auront déjà été prises, à tout le moins si M. Antoine a les moyens de ses ambitions.

Pourquoi faire cette table-ronde à Seraing ? Parce que pour nous la ville n’est pas quelque chose de centré sur un centre-ville, mais une ville qui s’articule autour de plusieurs polarités importantes et Seraing est indéniablement l’une d’entre elles. Donc, dès lors qu’on veut parler de la ville, non pas au sens administratif mais humain et morphologique, Seraing est un endroit tout à fait important. Mais en plus de cela, il y a un enjeu particulier à Seraing, qui est celui du « Masterplan ». Il s’agit de l’opération de rénovation urbaine la plus importante qui est entreprise depuis des dizaines d’années, avec l’ambition de reconvertir pas moins de 800 hectares de terrains industriels en une ville plus orientée vers le logement et le tertiaire. On est donc dans une mutation très très profonde de la ville. Il y a un débat de mobilité qui est évident : Seraing doit être la seule ville en Belgique, ou pas loin, à avoir plus 60 000 habitants et pas de desserte ferroviaire digne de ce nom (et ceci concerne en particulier la rive droite, où se concentrent la majorité des habitants, et qui ne sont pas desservie du tout) et la desserte en transports en commun de manière générale est insuffisante. Face à ce constat, plusieurs idées existent. En particulier, la ligne 125A, actuellement exploitée uniquement comme ligne industrielle, qui relie Flémalle à Kinkampoix, donc branchée sur les Guillemins, a un potentiel particulièrement intéressant. Cette idée est notamment mise sur la table par le bourgmestre de Seraing, M. Mathot, qui préconise son utilisation pour une desserte de type RER. Et puis il y a surtout la question de savoir où va passer le tram : va-t-il rester en rive gauche ou bien va-t-il passer en rive droite pour aller desservir le nouveau boulevard urbain, qui est l’axe fort du Masterplan ? C’est là l’option que nous défendons, mais c’est loin d’être acquis. Il y a donc matière à discuter de tout cela, il y a matière aussi à discuter de la manière dont on articule le transport ferroviaire et les autres transports en commun.

Je voudrais surtout profiter de cette intervention pour développer les grandes orientations que défend urbAgora concernant le tram, qui sont le résultat d’une discussion et peuvent bien sûr être enrichies, notamment par un débat comme celui-ci.

1. Premièrement, le tram pour nous, et contrairement à l’approche, par exemple, de la SRWT [Société régionale wallonne du transport], ne doit pas être qu’un moyen de mobilité. Ce qu’il s’agit de faire, en construisant le tram, ce n’est pas un simple « upgrade » matériel, une amélioration technique d’un réseau existant face à une demande en hausse. Le tram doit selon nous être un véritable outil urbain, jouer un rôle de revalorisation des quartiers denses de la première couronne, doit jouer un rôle de rééquilibrage de l’espace urbain, de reconquête de l’espace urbain au profit des modes doux, avec des sites propres intégraux, au profit des piétons, d’espaces publics de qualité, d’espaces verts, dont on sait qu’ils manquent assez dramatiquement dans certains quartiers de la ville au détriment des gens qui y habitent.

2. On pense aussi que le tram est un moyen tout à fait privilégié de construire la ville de demain. C’est à dire qu’on observe aujourd’hui un retour à la ville : les statistiques sont désormais positives pour plusieurs communes de l’arrondissement, et notamment pour la ville de Liège qui regagne 1500 à 2000 habitants par an. Ceci pose un problème de justice sociale, ce qu’on appelle la gentrification, c’est-à-dire qu’on a des quartiers populaires qui voient les prix de leurs logements augmenter. Une des réponses à cela, c’est d’augmenter le nombre de logements, d’urbaniser de nouveaux quartiers. Non pas d’urbaniser comme aujourd’hui en étendant la ville à l’infini, mais d’urbaniser de façon dense à l’intérieur de la ville, en exploitant les espaces intersticiels, et notamment en exploitant les très nombreuses friches industrielles qui sont disponibles, par exemple à Herstal, du côté de Montignée-St-Nicolas-Ans, ou à Seraing, où on a au coeur de la ville des réserves foncières qui peuvent être très importantes.

Deuxième idée : on pense que le tram ne pourra jouer son rôle que si à moyen terme on prépare l’arrivée d’un réseau plus large, c’est-à-dire que le tram joue un rôle de desserte fine en centre ville. Mais néanmoins il y a un enjeu de mobilité à l’échelle de la grande agglomération, de la ville périphérique, qui est celui d’un RER. On parle ici des deuxième et troisième couronnes. Et là il est évident qu’on doit pouvoir exploiter le potentiel gigantesque du réseau ferroviaire liégeois qui est actuellement sous-exploité. Ce RER doit à notre avis venir dans un second temps. Le premier temps doit être consacré aux zones denses. Parce que si on ne fait pas ça, on va probablement aller vers un nouvel exode urbain, parce que ça ne sert à rien d’amener les gens au centre via le chemin de fer si après on ne sait pas leur offrir de quoi atteindre leur destination finale. Mais néanmoins, il faut penser à un RER liégeois, un REL, et préparer ce REL dès maintenant. Cela passe par la réouverture d’anciennes gares et points d’arrêt : la gare de Vivegnis, les Vennes, Cheratte, Amercoeur, Chaudfontaine... il y a beaucoup d’exemples. Il faut aussi prévoir ce réseau de tram en interaction avec le futur réseau SNCB : il faut choisir son tracé pour favoriser demain l’intermodalité avec un réseau de type RER. L’exemple typique est Amercoeur, où on a un axe structurant qui monte vers le plateau de Fléron et qui croise une ligne SNCB sans qu’il n’y ait d’interconnexion entre les deux. Il faudrait une gare d’échange entre la SNCB qui a là une ligne importante et appelée à devenir de plus en plus importante vers Visé et Maastricht, et la desserte urbaine.

En parlant d’intermodalité, il faut aussi parler d’intégration tarifaire, ce qui n’existe toujours pas en région liégeoise.

Une autre manière de préparer le RER est d’augmenter petit à petit les fréquences. Sur certaines lignes, il n’y a qu’un train tous les deux heures le week-end. C’est insuffisant : il faut aller vers un train toutes les 30 minutes sur les principales lignes qui rayonnent depuis le centre-ville.

En troisième lieu, sur le tracé, on va devoir se positionner rapidement et éclaircir un peu ce qui se joue. Notamment, il faut décider de ce tracé en fonction d’une série de critères, et ne pas se positionner en partant de cas particuliers, des quartiers qu’on connait bien ou où on habite...

Voici les critères que nous semblent pertinents :
— premier critère, bien sûr, c’est la demande : la SRWT fait des comptages, on sait que certains axes sont saturés et il faut en tenir compte ;
— choisir des tracés qui vont promouvoir l’intermodalité avec d’autres réseaux ;
— privilégier le passage au coeur des quartiers, aller chercher les gens là où ils vivent : les écoles, les hôpitaux, les centres d’emplois, les centres commerciaux. Il ne faut donc pas que le tram reste en tangentielle, le long du fleuve ou le long des Coteaux. Il faut que le tram aille là où ça se passe.
— poser une condition ferme en faveur d’un site propre intégral priorisé : c’est la condition sine qua non qui permettra au tram d’atteindre une vitesse commerciale qui lui permettra de rivaliser avec d’autres modes de transports ; c’est aussi un gain des coûts d’exploitation (un tram qui va lentement coûte plus cher qu’un tram qui va vite) et c’est primordial vu qu’on travaille dans un cadre budgétaire limité.

Enfin, dernière question dont on parlera ensemble, c’est celle de la concertation : comment faire pour que tout cela se passe en bonne intelligence avec les futurs usagers et futurs riverains du tram ? Comment faire en sorte que ce ne soit pas imposé d’en haut ? Vous savez qu’il existe depuis peu en région wallonne le « DAR » — décret d’autorisation régionale — qui permet au parlement de voter des permis d’urbanisme. Normalement ces permis relèvent de l’exécutif. Maintenant, pour certains projets « exceptionnels », dits « d’intérêt régional », le parlement peut voter des permis, ce qui a pour conséquence immédiate l’accélération considérablement les procédures, en éliminant toute une série de phases de concertation et de recours possibles. Cela peut être positif d’aller vite, mais c’est surtout effrayant dans la capacité d’imposer une décision unilatérale venant d’en haut, par exemple de certains fonctionnaires namurois qui ne connaissent pas très bien la ville et ses enjeux, ou de techniciens de sociétés privées chargées d’implanter le tram, puisqu’on est très probablement dans le cadre d’un partenariat public/privé (PPP).

Intervention de Marie-Claire Schmitz, responsable mobilité d’Inter-environnement Bruxelles

Je vais parler de l’expérience bruxelloise de l’implantation de lignes de tram, les freins rencontrés et les processus mis en place pour les dépasser.

Bruxelles dispose d’un réseau de tram dont certaines parties sont en site propre et d’autres sont partagées avec les automobilistes. Ces tronçons partagés posent de réels problèmes avec l’augmentation de la pression automobile, parce que les trams sont englués dans la circulation : des problèmes de perte d’efficacité, de ponctualité, de régularité, et de fréquence. Or, il faut savoir que la régularité est un point essentiel pour les usagers : avoir un moyen de déplacement fiable est un des premiers critères de choix des usagers.
Ces blocages ont amené la STIB à restructurer son réseau, parce que plusieurs lignes se concentraient sur un même tronçon, et comme ces lignes étaient irrégulières, on pouvait avoir 3 trams qui arrivaient d’un seul coup, puis aucun pendant 15 minutes. Donc la STIB a décidé de couper ces lignes, ce qui fait plus de correspondances à prendre, et donc des ruptures de charges qui sont très pénalisantes pour les usagers. Donc le site propre est essentiel pour assurer une desserte efficace.

Sur ces tronçons, il y a aussi eu des demandes de permis de réaménagement pour qu’ils soient en sites propres. Et là, certaines demandes n’ont pas abouti parce que les communes, face à la pression de certains usagers, des commerçants surtout, revenaient en arrière par rapport à leur accord initial. Ils avaient peur d’être traités d’ « anti-voiture » et de perdre un potentiel électoral, alors que souvent les citoyens sont plus favorables que ce que pensent les élus politiques. On l’a vu notamment dans des villes françaises où ils ont réimplanté le tram : des citoyens et les commerçants qui étaient réticents au début en sont très satisfaits après. Il faut donc de la volonté politique pour mettre en place les sites propres. S’il y a en général un consensus pour ralentir la vitesse de circulation et sécuriser les voiries, ce consensus n’est pas acquis lorsqu’il s’agit de faire des choix réels : supprimer une bande de circulation, supprimer des places de stationnement, fermer une rue à la circulation, etc... ce qui fait parfois dire à la STIB qu’il n’y a que le souterrain qui roule. Or, le souterrain ne permet pas de réaménager l’espace, de réduire l’espace octroyé à la voiture et donc ne permet pas d’atteindre les objectifs de réduction de la pression automobile que la Région bruxelloise s’est fixés, ou des objectifs nationaux ou européens. Le tram doit bien être vu comme un mode de transport complémentaire et non pas supplémentaire : on vise un transfert modal et non pas une multiplication de l’offre.

Suite à ces blocages, la Région bruxelloise a demandé à Inter-environnement bruxelles de mettre en place des processus de participation pour pouvoir désamorcer ces blocages en amont (avant d’arriver à la demande de permis, et à la commission de concertation, là où tous les avis négatifs viennent en bloc). Nous avons travaillé sur trois endroits :
sur une chaussée, on a travaillé vraiment très en amont : il n’y avait pas encore de projet défini pour cette zone. On s’est mis sur l’espace public et on a recueilli les avis des riverains, des commerçants, sur « comment ils vivaient ce lieu-là ». On a fait des ateliers et des craintes se sont exprimées : en termes de nuisances, de bruit, de vibrations. C’est vrai que certains anciens trams créent des vibrations, mais maintenant avec les systèmes de poutres-rails qui amortissent les vibrations, ce ne sont plus des nuisances très fortes. Une autre crainte était la perte d’emplacements de stationnement, la crainte d’embouteillages ou de déplacement du trafic vers d’autres rues, la perte de clientèle pour les commerçants, les nuisances liées aux chantiers, etc... Ce que la concertation a amené, c’est l’unanimité quant à la nécessité de faire un ré-aménagement sur ce tronçon, qui était une ouverture au changement.
sur deux autres tronçons, on est intervenu un peu plus en aval, lorsqu’il y avait déjà un bureau d’étude désigné, avec plusieurs propositions de scénarios. Avec un quinzaine de personnes de profils assez diversifiés, on a réfléchi aux différentes options qui étaient présentées. Cela s’est terminé par une exposition dans le quartier où les habitants pouvaient encore réagir.
Tout cela pour dire que cette phase d’information, de consultation, avant une décision est très importante pour ne pas arriver à des blocages. Le temps qui peut sembler perdu dans ces processus est récupéré par le fait que le permis va passer plus facilement et que le projet sera mieux accepté. Les avantages sont aussi :
d’informer la population, de la sensibiliser aux enjeux de la mobilité ;
une meilleure compréhension est synonyme de meilleure acceptation des projets ;
permettre aux gens de se rendre compte qu’il y a des avis et des intérêts divergents et qu’il est mieux de tendre vers une décision commune ;
identifier dès le départ les aspects controversés et améliorer le projet grâce à l’expertise et au vécu des citoyens.

Deux points encore.

1)Le confort et l’accessibilité des véhicules et des arrêts : des planchers bas, de larges ouvertures, l’affichage des noms des arrêts. Dans les arrêts, avoir une bonne protection contre les intempéries, indiquer le temps d’attente réel (ce qui permet que le temps d’attente ne soit pas perdu : si je sais que le tram est là dans 5 minutes, j’ai le temps d’aller chercher mon pain, ou même si je reste là, je ne suis pas nerveux à attendre)

2)Pour l’intermodalité : ne pas oublier les cyclistes. Il faut prévoir des stationnement vélo, prévoir la possibilité d’emmener son vélo dans le véhicule. A Bruxelles c’est le cas à certaines heures.

Une dernière remarque sur la publicité : être attentif à ce que les trams ne soient pas des affiches publicitaires ambulantes présentant les atouts de la dernière 4x4...

Intervention de Thomas Moor, historien et vice-président d’urbAgora

Je vais parler des aménagements publics et de l’architecture qui accompagne la mise en place d’un tram (ou autre Transport en commun).

Les choix que l’on va devoir faire en termes de tracés vont aussi être des choix d’intervention sur l’espace public, d’autant plus si on intervient aussi sur un rééquilibrage de l’espace en fonction des différents modes de transport. On a alors une réelle opportunité d’améliorer le cadre de vie quotidien des habitants.

Or, une des caractéristiques de l’architecture est qu’elle est quotidienne. On la fréquente tout le temps. Qu’on le veuille ou non, on est constamment dans un environnement qui est bâti et aménagé.

Les pouvoirs publics ont donc la responsabilité de l’aménagement de l’architecture publique et des espaces publics. Cette architecture a une valeur symbolique. Cela parait évident pour un théâtre, mais cela est aussi le cas pour d’autres bâtiments : l’architecture crée une ambiance, une image. En Belgique par exemple, quand on parle d’administration publique, on a en tête des longues files d’attente, des locaux mal éclairés, pas confortables... et pourtant, c’est la première porte d’entrée du citoyen vers la chose publique. Donc, on peut dire que l’architecture est l’expression des valeurs d’une société à travers un bâti, à un moment donné de son histoire.

Quels sont les cas de figure concrets pour lesquels l’implantation du tram va avoir des effets dans l’aménagement de l’espace public ?

Il y a bien entendu tout ce qui est réaménagé sur les tracés ;
Les centres de dépôt et de maintenance, les terminus : il va y avoir des agents qui vont travailler dans des bureaux, donc il va falloir aménager des équipements qui n’existent pas encore ;

Il y a la question fondamentale des stations. Elles peuvent être assez légères, similaires à celle qu’on connait des bus, mais elles peuvent être plus importantes. Il y a là plus une question de design : la forme des abris, des poubelles, l’éclairage... tout ça ne sont pas des questions anodines ;
— au niveau de l’aménagement du sol : l’architecture va faire la synthèse à un moment donné d’un processus. Par exemple, les commerçants souhaitent avoir de l’espace pour mettre des terrasses si c’est de l’horeca, d’autres souhaiteront avoir des pistes cyclables, et il faut encore faire passer les voitures et le tram... à un moment donné, ce sont des concepteurs qui vont devoir faire la synthèse de ces intentions-là : des architectes et associés (paysagistes et autres). Ce sont eux qui vont traduire durablement cette question-là. Donc il est évident qu’il faut pouvoir exprimer avec clarté ce que l’on souhaite au départ : quel est le programme ? A quel endroit ? Que veut-on faire co-exister ? A quels endroits va-t-on supprimer totalement les voitures ? Où va-ton les faire co-habiter avec du vélo ? Quel type d’éclairage veut-on ? Le tout avec quelles contraintes financières ? Le concepteur va aussi choisir le matériaux en fonction des financements... donc il y a toute une série de choix à faire. Pourquoi ne pas investir dans une piste cyclable sécurisée plutôt que mettre des pavés en grès ?

Il y a eu quelques exemples à l’étranger, qui ont été fait soit en relation avec le bus, ou bien avec le tram. Je vais prendre le cas de Nice, où en décembre 2008 un atelier d’architecture a remporté l’Equerre d’argent, qui est le grand prix de l’architecture française, pour l’aménagement d’une station terminus et d’un parking relais. On a tous l’impression qu’un parking, ça ressemble à n’importe quel autre parking, qu’une station de tram ressemble à une station de tram... or, si ce projet a reçu ce prix, c’est qu’il y a un réel enjeu dans ces aménagements. Mais il faut y réfléchir dès le moment où on réfléchit aux tracés.

À Paris aussi, la RATP a mis en place une politique d’aménagement des stations de métro intéressante. On connait les stations de métro d’Hector Guillemard, art nouveau. Aujourd’hui cela fait partie du patrimoine, tout le monde trouve ça normal, mais on oublie qu’à l’époque, le projet était extrêmement critiqué par les élus, par les commerçants, et il a fallu que dans la RATP, des personnes croient dans ce projet et aillent de l’avant. Aujourd’hui, on ne peut pas imaginer Paris sans ses bouches de métro. Et la RATP a continué jusqu’à aujourd’hui. Evidemment, l’architecture qu’elle développe dans ses bâtiment n’est plus l’art nouveau. On est à une toute autre époque. Je vais lire un texte du directeur, pour vous dire quelle est son intention. Il s’exprime à l’occasion de l’inauguration de bureaux pour les agents du bus :

« [Nous voulons] inventer le foncier de demain : pour mener cette politique, de département du Patrimoine de la RATP organise régulièrement des concours d’architecture et d’urbanisme, impliquant les utilisateurs, les élus et les riverains afin de garantir la qualité de ses réalisations. En effet, la commande architecturale constitue pour la RATP un facteur décisif de son implication dans la ville comme acteur urbain responsable. De plus, la qualité des ouvrages réalisés contribue à la fierté d’appartenance à l’entreprise de ses agents et à l’affirmation d’une marque reconnaissable par tous. » |1|

Comment arriver à avoir une architecture qui est la synthèse des différentes contraintes d’un site ? Je pense que le meilleur processus est le processus de concours. Cela signifie réunir un jury composé de différentes personnes (des riverains, des élus, des représentants de la SRWT, d’autres) qui vont juger un projet non pas sur des facteurs de concurrence économique mais sur l’intelligence du projet, c’est-à-dire qu’on va le choisir parce que c’est celui-là, parmi les différents présentés, qui correspond le mieux à nos attentes. Le concours est une formule à promouvoir dans le cadre des espaces publics, et plus on définit ce travail en amont, plus on définit clairement ce qui est important, plus on se facilite la tâche pour la suit, plus il est accepté par la population, plus il sera durable car il prendra en compte les différentes attentes de la société et plus il sera utilisé.

Débat

(interventions regroupées a postériori par thématiques, sans ordre d’importance)

1. Questions de méthode

Si on veut bien réussir un projet : ne surtout pas le faire dans la précipitation

La démarche d’urbAgora est plus prospective, essaie de définir quels sont les points stratégiques, et comment résoudre les problèmes. Un de ces problèmes à Liège est qu’on a des quartiers à densité faible, et que les transports en commun (TC) sont plus pertinents là où on a des flux. L’étude commandée par le ministre précédent, José Daras, se basait sur les flux, mais pas uniquement de transport en commun : aussi des voitures. C’est une grosse différence avec l’approche SRWT. En partant aussi des possibilités de faire passer un TC (par exemple à Saint-Nicolas, il y en aurait besoin, mais sauf au prix de quelques expropriations, la configuration des lieux rend cela compliqué). Ils avaient identifié 4 axes principaux : Ans, Fléron, Seraing et Herstal et l’idée était de dire grosso modo une fois qu’on arrive au centre « élargi » les antennes arrivent sur une boucle centrale qui correspond plus ou moins à la boucle du 4 et comme on a deux antennes de part et d’autres, on a une double fréquence sur la boucle centrale. Ca a l’avantage qu’on ne doit plus aller jusqu’au coeur – la place St Lambert – pour faire l’échange et repartir dans l’autre direction. Ca c’est une première approche.

L’autre approche est celle de la SRWT. Elle a adopté une approche purement comptable, en observant les flux de TC. Et l’axe le plus chargé est l’axe de fond de vallée. Mais la SRWT ne s’est pas projetée dans l’avenir en disant « comment faire en sorte que dans 20 ans je puisse accroître mon rôle de 50% ? », par exemple. Elle s’est dit « je vais au devant de grosses difficultés, et donc là où c’est le plus urgent, j’interviens ».

2. Questions de tracé

Volonté de pouvoir se déplacer de commune périphérique à périphérique sans devoir passer par le centre (idée de la boucle).

Ce qui est prévu est tout le long de la Meuse et rien dans la perpendiculaire. Or, il y a deux autres endroits à désengorger : côte de Fléron et côte d’Ans. Puis idée de la boucle lignes 1 et 4, dont on n’entend plus parler, alors que cela parait a priori plus saturé que l’axe le long de la Meuse, où il y a plus de voies disponibles. Antoine dit qu’il y a un projet de croix mais pas le budget pour faire les deux.
Il faut aller bien au-delà de ce qui est prévu le long de la Meuse, aller au-delà de « déboucher la ligne 1 ». Ok il faut se baser sur des chiffres de fréquentation, mais ce critère ne suffit pas, ni pour déterminer un tracé, ni pour déterminer des priorités.

3. Le cas du Sart-Tilman

Y faire passer la ligne de tram ? Les flux ne sont pas continus (à certaines heures de la journée, et 8mois sur 12), donc plus compliqué. Il y a quand même l’hôpital avec des gens à toutes les heures et les consultations qui sont en expansion.

il y a une explosion de parkings, qui sont directement sursaturés. Cela ne veut pas dire qu’il y a plus de gens qui vont sur le site, mais peut-être que certains y allaient en TC faute de parking... Pour l’hôpital : les gens qui s’y rendent ont de problèmes de santé, donc souci accru de pouvoir s’y rendre facilement et rapidement (pas tourner une demi-heure pour caser la voiture qqpart), y compris sans savoir conduire.

la ligne 48 n’est pas touchée par du rail, ne le sera pas par le tram, donc il y a un problème. Ne pourrait-on pas utiliser une technique de BHNS (bus à haut niveau de service) serait mieux adapté que faire un investissement lourd type rail ou même trolley, qui parait démesuré.
problème est que l’urbanisation au Sart Tilman est une urbanisation autour de la voiture, et on ne sait pas revenir en arrière. Les pôles à desservir sont multiples (les instituts universitaires, l’hôpital, Boncelle et potentiellement un parking de dissuasion, le Country hall qui est sous-utilisé mais peut demander des déplacements gigantesques), il y a l’enjeu d’une connexion sur la vallée de l’Ourthe et Beaufays d’un côté auquel répond en partie la ligne 28, il y a la question de la connexion avec la vallée de la Meuse, Seraing etc... Tout cela est trop éclaté pour qu’on puisse faire passer une ligne sur le site. Faut-il penser à densifier le Sart Tilman à long terme ? Y faire un noyau d’urbanisation non étudiant ? Mais l’urbanisation apporte aussi des contraintes...

une autre stratégie : une partie de la solution pourrait être de ramener au centre ville une partie des instituts universitaires (qui arrivent en fin de vie), ceux qui ne demandent pas des locaux énormes, notamment les sciences humaines. Avec tout ce que ça a de positif pour la vie du centre.

dans ces deux hypothèses, on essaie de joindre les espaces de vie et les espaces de travail
historiquement, dans les 30 Glorieuses, on est dans l’idée de faire de Liège une métropole, reliée à Anvers, en puisant des idées notamment aux USA : construction autour de la voiture, rings autoroutiers, etc... et à Liège le Sart Tilman n’a pas été fait pour urbaniser la zone mais pour la protéger : Marcel Dubuisson veut empêcher l’urbanisation qu’il y aura à Fléron. C’est la raison pour laquelle les bâtiments sont disséminés dans la nature. Et fin 70 : déclin, donc on a arrêté le truc au moment de réfléchir aux transports. Le système imaginé l’époque était un TAU (transport automatisé urbain). Donc la question est « comment intègre-t-on les TC dans le principal poumon vert de Liège ? »

cette situation a aussi encouragé la dispersion de l’habitat... est-ce que les étudiants n’iraient plus en voiture si on améliorait les TC vers les zones denses de Liège ? D’où viennent-ils, les étudiants ? Des 4 façades de la périphérie ?

si l’université veut attirer un autre public (international notamment), il faut envisager autre chose. La verdure attire aussi les étudiants et est un atout de l’université.
comparaison Herstal haut-sart : bcp d’emplois (1500, moins de 18 emplois à l’ha), assez dispersé. Il y a des bus qui fonctionnaient bien au départ, maintenant ils sont vides. Une étude se fait via le plan de mobilité et seule une petite amélioration par l’intermodalité (gare de Milmore) est possible.
les bâtiments sont éloignés.... pas si éloigné que ça a vélo... on peut envisager un système vélib ?

4. Intermodalité

« Train = 2e et 3e courone, et tram = maillage fin » : beaucoup d’éléments plaident pour cela, mais on a quand même du rail en plein coeur de la ville. Par exemple la ligne 38 qui passe en plein coeur du quartier, on avait la place pour faire un site propre de transports en commun au lieu d’un ravel (qui est sympathique mais pas réfléchi dans un plan global). Un autre exemple, en partant d’Ans pour rejoindre Herstal en passant par Liers, il y avait aussi une ligne de train qu’on a en partie rebouchée.

Donc la question de l’interaction tram/train doit se poser. C’est aussi une question de coûts : est-ce qu’on doit avoir deux réseaux interconnectés avec des noeux, ou est-ce qu’on peut aussi avoir du matériel qui va rouler pour partie sur des rails existantes et pour partie sur un nouveau tracé ? Puis le tram serait que d’un seul côté de l’eau... on a des lignes de train des deux côtés.

Débat : à part peut-être à Seraing, où le train passe-t-il au coeur des quartiers ? A Jupille on n’est pas au milieu de l’habitat : d’un côté l’habitat et de l’autre les industries ; c’est plutôt au bord de l’habitat... et on n’aura jamais une finesse de desserte en train comme en tram ou bus : il est difficile de concevoir des trains qui s’arrêtent à moins d’1km entre deux stations. Un autre frein est qu’il faudrait des services parfaitement cadencés pour les omnibus, or vu la ponctualité à la SNCB, ce n’est pas gagné, surtout qu’en cas de retard on donne la priorité aux IC. Puis ce sont des niveaux de pouvoir différents, donc tout cela rend les choses plus difficiles.

Dans les quartiers à moins forte densité, il faut penser à d’autres types de matériel que le tram : le BHNS par exemple (bus à haut niveau de service). C’est un bus en site propre, pour lequels on achète son billet dans la station et non pas dans le véhicule (comme pour le tram) de manière à gagner du temps. Ca ferait une combinaison de TC bcp plus complète qu’aujourd’hui. Les axes forts en tram, les axes un peu moins forts en BHNS, les axes encore moins forts en bus normal mais avec un système de priorités. Vient s’ajouter là-dessus le train. C’est un peu plus compliqué puisque les lignes ne sont pas du même exploitant. Pour les entreprises privées, elles peuvent utiliser les lignes mais il faut que cela soit rentable, donc pour l’instant ne le font que pour des lignes internationales. Un autre hypothèse qui est creusée du côté flamand est que De lijn devient exploitant de certaines lignes de chemin de fer à caractère régional, en comblant le déficit. Mais vu l’état des finances wallonnes...

Autres

— On doit promouvoir du matériel écologique. La pollution des bus dérange fort (particules + bruit). ; éclairage « vert », potentialités des industries pour la récupération d’énergie...(situer les dépôts à proximité), etc
— Le tram doit être à portée de pied : les gens ne vont pas faire 500 m pour aller prendre le tram... (cf passer là où ça se passe)
— On devrait se baser sur un cadastre du réseau ferré (aussi désaffecté, ravel...)
enjeu de la logistique par train et voie d’eau plutôt que par camion (ex : interbroe, Spa)
est-il pensable que ce soit le TEC qui s’occupe des stations vélo ? Puisque c’est à ces endroits qu’il faut le faire...
— Objectif transfert modal massif...et donc se préparer aux conséquences de ce transfert modal massif (+ 50 à 100% de fréquentation, pas 6%...exemple de Montepellier)

|1| RATP, Le nouveau bâtiment du Centre-bus RATP de Thiais. Réalisé par les architectes Dominique Marrec et Emmanuel Combarel. premier bâtiment entièrement revêtu de Ductal®,Dossier de presse, juin 2007.