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Tram : et maintenant, la ligne 2 !

vendredi 24 février 2017,

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Eurostat a finalement validé, il y a quelques jours, la débudgétisation |1| du montage financier de la ligne 1 du tramway de Liège — c’est-à-dire l’extraction de cet investissement hors des comptes publics au motif de sa réalisation via un Partenariat Public Privé (PPP) —, dans un débat dont les termes resteront sans doute définitivement obscurs à 99 % de la population. Le soulagement semble général et nous devrons sans doute nous aussi préférer un tram médiocre à pas de tram du tout.

Pour urbAgora, l’heure n’est cependant plus à débattre de ce montage. Bien sûr, nous resterons longtemps sidérés de l’énorme gaspillage d’argent public dont ce prétendu « partenariat » est synonyme. Ce sont en effet plusieurs centaines de millions d’euros qui, au terme de la convention, auront été inutilement transférés vers le « partenaire » privé et vers ses actionnaires. De surcroît, contrairement à ce qu’affirment les défenseurs de ce modèle, ce PPP est loin de prémunir le pouvoir public contre tous les risques inhérents à la réalisation et à l’exploitation de ce tram, puisqu’ils endosseront les risques liés au sous-sol ou les variations du prix de l’énergie, notamment.

Bref.

Nous retenons donc du choix de ce PPP que la Région wallonne a beaucoup d’argent à dépenser et qu’il ne saurait donc plus être question, quand on jette 300 ou 400 millions d’euros par les fenêtres, d’un motif budgétaire pour refuser la construction de la seconde ligne. C’est là une vraie bonne nouvelle, car justement, la construction de cette seconde ligne de tram (et de tram uniquement — le BHNS que certains souhaitent ne suffisant pas à répondre à la demande prévisible) va rapidement s’avérer un impératif pour le devenir de Liège. En effet, dans un contexte où l’accessibilité automobile au centre-ville va fortement diminuer avec la construction de la ligne 1 (ce qui sera une bonne chose,... pourvu que l’on fournisse des solutions alternatives de mobilité), la demande de mobilité collective va globalement augmenter dans l’agglomération. Et les bus ne seront pas en mesure d’offrir une réponse adaptée à cette demande sur tous les axes du réseau.

Pour le dire de manière imagée, la ligne 1 nous emmène au milieu du gué : des développements supplémentaires — la ligne 2 (ou « Transurbaine » |2|) et le REL, en particulier — seront nécessaires pour franchir la rivière.

C’est donc vers cette seconde ligne — et vers le REL — que l’attention doit désormais se reporter. Ce second axe est pour nous clairement prioritaire sur des bouts de ligne (vers Jemeppe et vers Basse-Campagne) actuellement peu justifiés par la demande et surtout extrêmement mal pensés dans leur dessin actuel |3|.

Il faut donc aujourd’hui garantir l’extension future du réseau et l’intermodalité, si importante, entre le tram et le train. Dans cette optique, nous continuerons à demander, jusqu’au début des travaux s’il le faut, un double avenant au permis.

  • D’une part, l’aménagement du site de Bressoux doit être entièrement revu, pour améliorer l’intermodalité avec le chemin de fer, absolument calamiteuse dans le projet retenu, mais aussi pour préserver la possibilité d’une extension future vers Jupille (en passant au-dessus des voies de chemin de fer, donc), pour réserver la zone nécessaire à la construction dans l’avenir d’un franchissement ferroviaire de la Meuse et pour ouvrir la gare vers la plaine de Bressoux, site de développement urbain de première importance dans les années à venir.
  • D’autre part, nous continuons à penser que le double passage par Feronstrée et par les quais pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Ce tracé compromet en effet la possibilité de réaliser plusieurs extensions futures (via le Pont Maghin, par exemple, ou vers la place Vivegnis, seul lieu possible d’un pôle intermodal train-tram-téléphérique |4|). Il compliquera aussi fortement le passage de la Transurbaine vers la rive droite. Enfin, à plus long terme, il compromet un scénario de piétonnisation complète des quais tel que nous l’avons proposé en 2015 |5| ou tel que d’autres ont pu le défendre dans le passé. Le tracé à deux voies par Feronstrée doit donc être remis à l’ordre du jour, malgré les quelques difficultés qu’il pose. Il est techniquement réaliste. Il permettra accessoirement de substantielles économies.

*

Au-delà de ces considérations sur l’avenir, un retour approfondi de la manière dont le dossier a été géré au cours des presque dix dernières années nous semble indispensable. Sur trois points, en particulier, nous voudrions ne plus avoir à vivre un processus aussi défavorable aux habitants de la ville que celui que nous vivons actuellement.

  • Un tram pensé contre les habitants de la ville. Ce tram a été conçu comme un équipement métropolitain et non comme un équipement urbain. L’imaginaire qui a présidé à sa conception est celui de périurbains (que sont presque tous les décideurs qui ont eu la main sur le dossier) souhaitant profiter des services de la ville sans y habiter. Il fallait donc, pour les porteurs de cette vision instrumentale de la ville, que le tram soit d’abord un outil de pénétration urbaine avant d’être un outil de desserte des quartiers. De même, l’insertion dans les environnements traversés est souvent minimale, reléguée au dernier rang des priorités, comme en témoigne notamment l’absence de toute dynamique de contrat d’axe |6| dans ce projet. Le résultat de cette logique antiurbaine, c’est que dans plusieurs quartiers, la desserte en transport en commun sera objectivement dégradée par l’arrivée du tram, notamment par l’éloignement parfois très important des stations de tram là où les lignes de bus dont la suppression est annoncée assurent aujourd’hui un maillage beaucoup plus fin. De même, la logique de l’« arête de poisson » (i.e. le rabattement excessif de lignes de bus sur le tram) augmentera le nombre de ruptures de charges et les temps de parcours pour une partie des usagers quotidien du réseau TEC.
  • Un tram pensé sans les habitants de la ville. Tout au long du processus, la concertation autour de ce projet se sera réduite au strict minimum. Malgré de nombreuses demandes, il n’aura jamais été possible d’obtenir que soit réuni un comité d’accompagnement ouvert à la société civile. Les propositions constructives formulées par le secteur associatif, parfois très en amont du projet, ont été purement et simplement ignorées. Là où d’autres villes ont fait des enquêtes publiques sur leur tram des moments de construction collective d’une vision de la ville, en y consacrant le temps nécessaire, les remarques formulées dans le cadre de l’enquête publique par des centaines de citoyens ont été envoyées au classement vertical, au motif de l’urgence liée au projet « Liège 2017 ». Une ville comme Montpellier, par exemple, a négocié le tracé presque mètre par mètre avec les habitants, y consacrant des mois. Ce temps « perdu » a ensuite généré un formidable engouement de la population et une identification forte de celle-ci à son tram. Nous aurions aimé connaître la même émulation populaire à Liège. À Liège, le tram aura été dessiné « d’hélicoptère » par des ingénieurs parisiens très peu soucieux de la vie quotidienne des usagers, de l’insertion urbaine fine,... sans qu’aucun responsable politique de premier plan n’entre réellement dans le fond du dossier ou n’en thématise les enjeux.
  • Un tram pensé comme une simple ligne et non pas comme l’élément d’un réseau. Enfin, malgré l’existence de divers référentiels plus globaux (l’étude Sémaly-Transitec ou le PUM, même si ce dernier n’a jamais été publié) le tram liégeois n’a jamais été construit comme le premier élément d’un réseau à venir. Dans l’esprit de ses concepteurs, la ligne de tram se suffit manifestement à elle-même. L’intermodalité avec le rail a ainsi été totalement négligée (même aux Guillemins, elle sera tout au mieux passable). La construction de futures lignes de tram n’a en rien été anticipée par un pouvoir wallon considérant en substance que Liège devait déjà être contente avec une ligne unique. La réorganisation du réseau de bus, quant à elle, viendra bien après que le permis ait figé une situation — on fera donc... comme on pourra, en sachant que le PPP ne permettra pas de modifier les espaces délégués à la gestion du secteur privé.

Nous manquons de mots pour fustiger cet amateurisme et ce mépris, qui démontrent, s’il était besoin, l’impérieuse nécessité de reprendre au niveau urbain le contrôle de projets de ce type. La Région wallonne, en tant qu’institution, a fait dans le pilotage de ce projet, année après année, la démonstration de son manque de considération pour la réalité urbaine liégeoise. Il est essentiel d’en tirer les conclusions.

*

Nous resterons, avec urbAgora, très attentifs à ce dossier. Le tramway est une nécessité — couplé au REL, il s’agit sans équivoque de la meilleure solution disponible pour répondre à la saturation du réseau des bus dans une agglomération ayant les caractéristiques de celle de Liège — et la construction de la ligne 1 va permettre d’enfin soulager l’axe le plus chargé du réseau. Sa réalisation doit cependant être considérée comme le début d’un processus visant à doter Liège d’un réseau de transport en commun digne d’une agglomération de plus de 500.000 habitants, qui passera notamment par la mise en œuvre rapide de la seconde ligne, transversale. Il est grand temps d’avancer : nous avons un train de retard dans le paysage des grandes villes d’Europe occidentale ; tâchons de ne pas en avoir deux.

|1| Soit le fait de transformer, au plan comptable, l’investissement en un service annualisé.

|2| Le terme « Transurbaine » désigne, dans le débat liégeois, la ligne 2 du tram, à la suite de l’étude finalisée en 2011 par le CREAT pour le compte du GRE et de la Ville de Liège. Lire à ce sujet « Les enseignements de la ’Transurbaine’ », communiqué d’urbAgora du 8 décembre 2011.

|3| Lorsque le tram ira à Seraing, il y a tout lieu de le faire emprunter le boulevard urbain (en rive droite) pour desservir Ougrée, le Molinay puis le coeur de ville avant de rejoindre Jemeppe, plutôt que de traverser la zone industrielle de Tilleur. Quant à Herstal, une extension vers la place Jaurès (et ensuite vers la Licour) serait infiniment plus pertinente qu’un tracé tangentiel au fleuve qui est en fait beaucoup trop éloigné des polarités urbaines de la commune.

|6| Un « contrat d’axe » est un processus visant à faire de l’arrivée d’un axe de transport structurant un levier de développement urbanistique et social, en facilitant l’accès aux stations, en densifiant le bâti autour d’elles ou en promouvant des pôles de service dans leur environnement immédiat.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

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