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 Réorganiser le réseau de bus liégeois ? Oui, mais comment ?

mardi 14 mars 2017,

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Conférence de presse de l’asbl urbAgora. Mardi 14 mars 2017.

Le grand chantier du réseau de transport public liégeois avance fort laborieusement, chacun l’aura constaté. Mais il avance bel et bien. La première ligne de tram semble de plus en plus probable |1|. Le Réseau express liégeois (REL), valorisant la remarquable infrastructure ferroviaire dont dispose l’agglomération, est lui aussi en train de se concrétiser — et il pourrait d’ailleurs rouler avant le tram, remettant ainsi au centre des préoccupations la question, si négligée jusqu’à présent, de l’intermodalité.

Quant au bus, il n’est pas en reste : la nécessité d’une réorganisation du réseau — dont l’architecture n’a plus été remise en question depuis des décennies — semble faire consensus, même si celui-ci ne signifie pas nécessairement que les ambitions seront revues à la hausse.

La première ligne du tram aura en effet un impact majeur sur le réseau de bus : l’actuelle ligne 1 sera supprimée. De nombreuses autres lignes de l’actuel réseau de bus verront leur tracé significativement réduit, et leurs usagers « rabattus » sur la ligne de tram. Ainsi, les ligne 2, 3 ou 58 seront arrêtées à Sclessin, où les voyageurs seront invités à changer de moyen de transport. À l’autre extrémité de la ligne de tram, les lignes 5, 6 et 7 semblent destinées à voir leur parcours se terminer à Coronmeuse. La ligne 4 sera coupée en deux et ne desservira plus qu’une demi-boucle urbaine. Les lignes 20 et 30 (et sans doute d’autres) seront arrêtées aux Guillemins. Plusieurs lignes (lesquelles ?) venant de la Basse-Meuse ou du plateau trouveront sans doute un nouveau terminus à la gare de Bressoux.

Dans ces conditions, la réorganisation du réseau qui s’impose naturellement va d’abord consister en une réduction significative du nombre de kilomètres parcourus par les bus. Les économies substantielles qui sont à la clé répondent à la demande explicitement formulée par le gouvernement wallon — et néanmoins peu raisonnable, nous allons y revenir — d’une exploitation du réseau, après l’arrivée du tram, à coûts constants.

1. L’étude des 14 axes

C’est dans ce contexte, face à l’augmentation régulière de la congestion automobile et aux gros problèmes de vitesse et de régularité constatés sur le réseau TEC, qu’une étude, actuellement en cours, a été lancée visant à la définition et au renforcement de « 14 axes de bus structurants » (en fait 15). Menée par les bureaux Transitec, Greisch, Canevas et AAST, cette étude vise principalement à une amélioration du service (par une réduction des temps de parcours et surtout par un meilleur respect des horaires) sur 14 lignes de bus identifiées comme prioritaires, desservant, depuis le centre de la ville (ou plus exactement depuis la première ligne de tram) 7 destinations.

— La Haute-Meuse (Boncelles et Flémalle) avec les ligne 2 et 3 (depuis Sclessin) ;

— La Basse-Meuse (Herstal, Oupeye et Cheratte) avec les lignes 5, 6 et 7 (depuis Coronmeuse) ;

— Beyne-Heusay et Fléron, avec la ligne 10 ;

— Ans, avec la ligne 12 et une nouvelle ligne 112, à créer, desservant Saint-Nicolas et le nouvel hôpital du CHC à Glain ;

— Embourg et Chênée, avec les lignes 30 (depuis les Guillemins) et 33 (la ligne 31 est également évoquée) ;

— Le Sart Tilman, avec les lignes 48 et 58, ainsi qu’avec une nouvelle ligne métropolitaine 148 reliant le campus aux quartiers de la rive droite de la Meuse ;

— Rocourt et Vottem, avec les lignes 70 et 71 ;

Sur tous ces axes, représentant ensemble plus de 100 km de réseau, des mesures intéressantes — parfois réellement ambitieuses — sont préconisées dans le but de fluidifier la circulation des bus (nouveaux sites propres, nouveaux feux de signalisation, etc).

L’étude se réfère explicitement à la notion de Bus à haut niveau de service (BHNS). Si ce concept reste relativement flou, et peut donc servir à désigner des systèmes de transport allant de la simple ligne de bus priorisée à des services beaucoup plus évolués (site propre intégral sur un axe dédié, fréquence très élevée, guidage des véhicules pour permettre l’accès de plein pied, etc), son coût n’en reste pas moins significatif. Le CERTU évaluait en 2009 |2| le coût d’investissement d’un BHNS dans une fourchette de 4 à 10 millions d’euros du kilomètre, auquel il faut appliquer 10 années d’inflation. Bref, créer 100 km d’axes BHNS dans la région liégeoise coûterait au bas mot 500 millions d’euros... Il est donc à craindre qu’il y ait un certain écart entre l’ambition affichée et sa réalisation.

2. Pour un réseau de bus évolutif

Chose plus préoccupante à nos yeux, cette étude, en partant d’un état existant du réseau sans s’interroger d’abord sur la structure générale de celui-ci, en renforçant des axes existants (à deux exceptions près) plutôt qu’en réfléchissant à de nouveaux services possibles, va contribuer à figer une situation existante, comme s’il s’agissait de fixer de façon définitive l’architecture (légèrement améliorée) d’un réseau de bus après l’arrivée du tram (autour duquel tout s’organise) et du REL (qui est évoqué ici et là, sans plus).

Pourtant, le tram — et de même le REL —, s’il est une réussite, va amener vers le transport public, des dizaines de milliers de nouveaux usagers quotidiens. Dans le moyen terme, il va aussi faire muter le tissu urbain, en générant de nouvelles activités, en redistribuant certaines fonctions, etc. Pour répondre à ces nouveaux besoins, il faudra pouvoir utiliser le bus — qui est l’élément le plus labile du réseau, celui qui lui permet de s’adapter rapidement et facilement — pour faire évoluer le réseau.

De surcroît, nous sommes et restons convaincus que la ligne 1 du tram appellera nécessairement — par l’augmentation de la demande qu’elle générera, par les difficultés énormes de circulation qu’elle entrainera, par le risque de relégation de la rive droite dont elle actuellement porteuse,... — la création d’une seconde ligne, sur le tracé identifié par la Transurbaine, entre Ans et Chênée, avec des antennes vers Bressoux et vers Angleur (et un barreau Sud vers les Guillemins). Bien sûr, d’aucuns (et notamment les auteurs de « l’étude des 14 axes ») préfèreraient y installer du « Bus à haut niveau de service » (BHNS) ou des variantes de celui-ci, mais cette solution, plus coûteuse par passager transporté |3|, n’est pas en mesure de répondre à l’augmentation à venir de la demande. Elle ne permet pas non plus, faute d’interopérabilité, de combiner des tracés nouveaux en utilisant l’infrastructure de la première ligne. La création de cette seconde ligne — dont nous pensons qu’elle doit être réalisée dans les dix ans — rebattra complètement les cartes du réseau de bus, amenant là encore à une profonde réorganisation.

L’approche actuellement retenue par les autorités publiques — approche à coût constant et redéfinition en un temps — est donc profondément insatisfaisante à nos yeux. À cette logique statiste, nous proposons dès lors de substituer un principe d’évolutivité du réseau de bus, à travers des évaluations régulières et dans une perspective d’augmentation progressive de l’offre, pour accompagner un report modal et une décrue de la demande de mobilité automobile.

Si l’on veut discuter d’une « réorganisation du réseau de bus », il s’agit donc moins, au moins dans un premier temps, d’entrer dans un débat casuistique sur chaque ligne, chaque arrêt, chaque situation particulière, que de mettre en place une méthodologie pouvant être utilisée pour adapter régulièrement le réseau de bus à l’évolution des réseaux structurants (train et tram) et à l’évolution des besoins. C’est là le fond et l’enjeu de la présente communication.

3. La nécessité d’une matrice origine destination

À l’heure actuelle, on connait relativement mal les besoins en mobilité des habitants de l’agglomération. Bien sûr, on peut facilement identifier les principaux flux de mobilité, en transport public ou en voiture. La mise en service de la carte « Mobib » a d’ailleurs amélioré les choses de ce côté, en produisant d’importantes quantités de données sur l’usage du service de transport proposé par le TEC. L’analyse de ces flux ne permet cependant pas d’interroger la pertinence du réseau dans son ensemble, et de disposer des données qui permettraient de modéliser de façon suffisamment précise d’autres architectures possibles du réseau. La SRWT fait donc ce qu’elle a toujours fait : déterminer l’attractivité d’une ligne en fonction de la demande qui y est observée. Et si le tracé de la ligne correspond mal au besoin de nombreux usagers potentiels ? C’est simple : cette demande est réputée ne pas exister.

Avec l’étude sur les « 14 axes de bus structurants » qui est actuellement en cours, ce même travers est une nouvelle fois reproduit : aucune réflexion sérieuse sur le réseau dans son ensemble n’a été menée préalablement au lancement des travaux d’étude. Ceux-ci consistent dès lors essentiellement à élaborer des mesures (utiles, bien sûr) d’amélioration du service sur les lignes les plus fréquentées du réseau, ou du moins sur celles qui subsisteront après l’entrée en service de la première ligne du tram.

Cette démarche a notamment pour conséquence de sanctuariser l’organisation actuelle du réseau, très centralisée, alors que la nécessité d’un maillage du territoire par le transport public est aujourd’hui largement soulignée par la littérature scientifique |4|.

C’est pourquoi, pour urbAgora, il est indispensable de repartir d’une feuille blanche, en commençant par identifier les besoins de mobilité dans l’agglomération — en ce compris ceux qui ne sont pas ou pas bien rencontrés aujourd’hui par le TEC —, ce qui passe par l’établissement d’une « matrice origine destination », soit un tableau permettant de quantifier les déplacements de personnes entre secteurs géographiques à une échelle assez réduite. Sans disposer de ces données, il sera difficile d’adapter finalement le réseau de transport public aux besoins de mobilité des habitants de l’agglomération.

4. Principes et méthodologie

L’attente de ces données n’interdit cependant pas d’élaborer une série d’outils — de formaliser une série de principes dans l’organisation souhaitable d’un réseau — qui pourront être déployés en fonction des besoins. Là encore, « l’étude des 14 axes » ne dit pas grand-chose sur ce plan méthodologique, se contentant de travailler des axes existants.

Nous tentons de formuler ici les éléments de base d’une boîte à outils conceptuelle en vue de guider la réorganisation d’un réseau.

4.1. Multipolarité

L’agglomération doit être pensée comme un ensemble de pôles urbains interagissant en réseau et non comme une structure hiérarchisée selon le seul principe de dualité entre un centre et une périphérie. La présence d’une gare IC (i.e. connectée au réseau de chemin de fer national) constitue le principal critère permettant de définir un pôle. Il est souhaitable de densifier l’offre de services (commerce, administration, enseignement, santé, etc) autour de ces pôles, afin de maximiser leur attractivité et l’accessibilité des services.

4.2. Maillage

Corollaire du point précédent, le réseau doit être revu pour soutenir cette multipolarité, en créant des liaisons nouvelles desservant les pôles principaux. Ce principe doit permettre des gains de temps significatifs pour les usagers du réseau (par exemple, un habitant de Saint-Nicolas doit pouvoir rejoindre la gare des Guillemins sans passer par la Place Saint-Lambert), mais il recèle également des gains significatifs de capacité sur le réseau, en soulageant les axes les plus saturés (typiquement : les bouts de ligne avant leur arrivée dans l’hypercentre) et en offrant, dans certains cas, des tracés alternatifs pour rejoindre une même destination. Cette logique de maillage implique notamment de (mieux) relier entre eux les principaux pôles périphériques, c’est-à-dire de créer des lignes de rocade.

4.3. Hiérarchisation... modérée

Les Liégeoises et les Liégeois ont l’habitude de circuler sur un réseau de transport public non hiérarchisé : si l’on excepte la fréquence, qui est très variable selon les lignes, en fonction de la demande, le service offert sur l’ensemble du réseau est globalement homogène. Ses variations, en tout cas, répondent peu à une logique de hiérarchisation ou de priorisation de certains axes. Le chemin de fer pourrait être perçu comme élément structurant du réseau mais l’absence, tant qu’à présent, d’intégration tarifaire (i.e. la possibilité de passer d’un mode à l’autre avec le même titre de transport) et le faible nombre d’abonnés disposants de la possibilité de combiner le train et le bus — ou simplement une perception trop peu développée de la possibilité d’utiliser le train comme transport urbain — ont jusqu’à présent très fortement limité ce potentiel.

L’arrivée combinée du tram et du REL va profondément changer cette situation, en offrant des axes forts, beaucoup plus performants — en vitesse commerciale, mais aussi en fréquence, en ponctualité ou en confort — que les services actuellement proposés. La tentation est donc forte, parmi les décideurs wallons, d’obliger les usagers à se rabattre, chaque fois que la chose est possible, sur ces axes structurants (d’autant plus que cela permet de substantielles économies dans l’exploitation du réseau de bus). C’est ce que nous avons nommé l’arête de poisson (dont toutes les arrêtes sont parallèles et branchées sur un axe central). À nos yeux, ce raisonnement présente cependant plusieurs dangers.

— Tout d’abord, la capacité du tram ou du REL ne sera pas infinie, et le risque est réel qu’en concentrant les flux de passagers entrant dans la ville sur ces seuls modes, ces derniers soient rapidement saturés — ou à tout le moins que le confort d’utilisation en soit fortement réduit.

— Ensuite, cette approche mène inévitablement à une réduction de la desserte fine des zones centrales, la plus grande partie des flux étant concentrée sur un nombre très limité de grands axes (qui, a fortiori, proposent moins d’arrêts). Au contraire, le maintien de lignes de bus sur des itinéraires complémentaires au tram et au REL permettront de conserver voire de développer un maillage fin des espaces centraux.

— Mais surtout, il a été largement montré que les ruptures de charge (le fait de devoir changer de moyen de transport) sont particulièrement dissuasives sur l’attractivité d’un réseau de transport public. Lorsque la qualité du service est très élevée (comme dans un réseau de métro), elle compense cet inconvénient. Lorsque par contre, la rupture de charge est synonyme d’un risque d’attendre pendant une durée indéterminée dans de mauvaises conditions (sous la pluie, dans un endroit mal éclairé voire insécurisant, etc). C’est ce qui risque de se produire avec le tram liégeois.

Pour ces raisons, nous insistons sur la nécessité de limiter le recours au rabattement et d’utiliser les bouts de ligne, lorsqu’ils ont été relayés par le tram, pour contribuer au maillage du réseau ou simplement pour offrir des itinéraires alternatifs, laissant ainsi le choix aux usagers d’opter pour une solution (la plus rapide, mais qui implique une rupture de charge) ou pour une autre (la plus lente, qui est aussi la plus confortable).

4.4. Des lignes traversantes

Les places du centre-ville liégeois sont aujourd’hui largement occupées par de vastes gares de bus, abritant le terminus d’une très grande partie des lignes du réseau. Cette organisation ne se justifie guère que par le manque d’imagination de ses concepteurs et par le manque de sites propres, qui ralentit bon nombre de lignes au point qu’il est difficile de les allonger sans anéantir complètement la fiabilité de leur horaire.

Nous pensons souhaitable de faire évoluer cette situation, en « branchant », deux à deux, certaines lignes, pour créer des lignes traversantes, qui occuperont moins d’espace public dans le centre urbain, mais proposeront également des liaisons directes entre des quartiers entre lesquels une rupture de charge est aujourd’hui imposée.

4.5. Des lignes de bus métropolitaines

Le REL et le tram, même dans une optique ambitieuse, ne pourront assurer une desserte de tous les pôles métropolitains. Dans cette optique, la création de quelques lignes de bus métropolitaines nous semble souhaitable. La présence de deux lignes de ce type est l’un des points positifs que nous notons dans l’étude sur les « 14 axes ».

Ces lignes métropolitaines devront offrir une vitesse commerciale plus élevée, et donc proposer un moins grand nombre d’arrêts, adopter un tracé plus direct et utiliser au maximum des sites propres, dans le but de permettre des déplacements plus longs à travers l’agglomération.

Une des questions qui se pose au sujet de ces lignes métropolitaines touche à la façon dont elles peuvent, le cas échéant, « préparer » l’arrivée du tram. Si le renforcement de l’offre sur un axe donné est effectivement une manière de stimuler l’usage du transport public sur cet axe, et d’inciter à la densification urbaine qui justifiera ensuite un mode plus lourd, consentir des investissements de type BHNS sur un axe destiné au tram peut s’avérer, in fine, beaucoup plus coûteux, voire différer l’arrivée du tram si les travaux tant que les travaux BHNS ne sont pas amortis. Dans cette optique, la création de la ligne 112 nous semble, au mieux, une transition en attendant la Transurbaine — et les investissements que l’on réalisera éventuellement sur cet axe doivent en tenir compte.

4.6. Des solutions nouvelles pour la desserte de proximité

Enfin, dans certains cas, il nous semble nécessaire d’envisager des services de bus à caractère local, pour permettre la desserte d’un quartier peu desservi par les réseaux principaux. Dans cette optique, l’utilisation de technologies nouvelles (véhicules automatiques, service à la demande via smartphone ou appel téléphonique, etc) devra sans doute être envisagée.

5. Quelques exemples concrets

Pour illustrer les principes évoqués au point précédent, il n’est sans doute pas inutile de donner quelques exemples de la manière dont les choses pourraient se passer. Ceux-ci sont à considérer comme des hypothèses, à intégrer dans le cadre d’un schéma d’ensemble qui serait basé sur la matrice origine destination évoquée plus haut, plus que comme des revendications. Il ne s’agit aussi que de quelques exemples de principes qui pourraient être déclinés dans d’autres lieux.

5.1. La ligne 4 redéfinie

La ligne la plus fréquentée du réseau wallon est sans doute aussi celle qui offre l’un des moins bons services : ses usagers sont régulièrement englués dans des embouteillages homériques (rue Grétry, rue Buisseret, en Hors-Château,...) qui réduisent très fortement la vitesse commerciale, les bus marquent l’arrêt à des « terminus » en rive droite sans que le relai avec le bus précédent ne soit systématiquement assuré, etc. De grands changements s’annoncent cependant puisque la ligne 4 ne passera plus par l’hypercentre et ne sera plus une boucle.

Qu’en faire ? La laisser à l’état de demi-boucle ? Ou imaginer un prolongement utile ? L’idée défendue par l’administration de la Ville de Liège nous semble ici particulièrement pertinente : au lieu d’arrêter le bus 4 place des Déportés (où se fera la connexion avec la ligne 1 du tram), prolonger cette ligne vers Coronmeuse, en empruntant ce qui sera alors l’ancien tracé du bus 1 (le tram passant quant à lui sur les quais), de façon à maintenir une desserte fine du quartier Saint-Léonard (que le tram n’assurera plus), tout en créant une connexion inexistante entre Saint-Léonard et la rive droite (Outremeuse, Longdoz,...). Longueur totale de la ligne : environ 7,5 km.

Notons que ce tracé suppose cependant de modifier la configuration (particulièrement perfectible) de la nouvelle place des Déportés telle que dessinée dans le permis unique du tram.

5.2. Fusionner les lignes 21 et 24

Dans la logique de l’arrête de poisson, la ligne 24 risque de ne plus atteindre le centre-ville, rabattue sur le tram à Coronmeuse ou place des Déportés ; ajoutant une rupture de charge dans bon nombre d’itinéraires ; réduisant la desserte de plusieurs quartiers. Il n’y a pourtant là nulle fatalité : il suffit que l’on « branche » les lignes 24 et 21 l’une sur l’autre, qu’on les fasse passer par l’axe Cathédrale/Pont d’Avroy |5|/Saint-Gilles dans un sens et Darchis/Saint-Paul/Magnette/Quais dans l’autre ; et voilà un nouveau service qui connecte le quartier du Laveu et le cœur historique, qui assure une bonne desserte de la place Cathédrale ou de la place du XX Août. Et qui libère de l’espace dans le centre-ville pour d’autres usages que des espaces de stationnement pour les bus. En toute complémentarité avec le tram, dont le tronçon le plus central (et donc le plus chargé) sera (un peu) soulagé par cette nouvelle connexion.

La même logique pourrait être appliquée à d’autres lignes — les lignes 23 et 30 (Sainte-Walburge - Embourg), par exemple, ou les lignes 17 et 20 (Droixhe - Cointe).

5.3. Une rocade Ans-Jemeppe-Ougrée-Campus

La gare d’Ans est appelée à devenir l’un des pôles principaux du réseau liégeois — a fortiori lorsque la Transurbaine sera réalisée. La gare des bus de Jemeppe est la seconde en importance dans l’agglomération après le pôle du centre-ville. Ougrée-Bas va prochainement voir se construire, grâce à des fonds européens, un immense P+R dans les sous-sols des ateliers centraux, autour desquels un nouveau morceau de ville est en construction (arrêt REL, pôle culturel, bureaux, kots...). Le quartier se trouve en contrebas du campus universitaire, du CHU, du parc scientifique. Ces pôles sont cependant mal reliés entre eux. Une ligne de grande rocade, reliant ces quatre pôles pourrait être très pertinente, en complétant à l’Ouest la desserte du campus, en reliant les Hautes écoles sérésiennes à la principale implantation universitaire, en offrant au public ansois ou saint-niclausien une connexion directe avec le campus, qui sera beaucoup plus performante que ce qui lui est proposé actuellement (tout en soulageant certains axes particulièrement chargés du réseau).

5.4. La ligne « 148 »

Cette proposition d’un nouvel axe fort d’accès au Sart Tilman via la rive droite de la Meuse, mise sur la table au cours de la législature précédente par l’ULg et la Région, connait une certaine fortune, ce dont nous nous réjouissons. Reste à déterminer son tracé exact. Notre intuition est que le meilleur tracé l’oriente vers la Citadelle et Vottem (P+R) |6|, après avoir desservi la rive droite (Vennes, Longdoz,...), où la correspondance sera assurée avec le REL et, demain, avec la Transurbaine. Cette ligne relierait notamment le site universitaire du XX Août au campus du Sart Tilman. Elle relierait également les deux grands hôpitaux publics de l’agglomération (le CHU et le CHR Citadelle).

Il importe aussi que cette ligne s’éloigne suffisamment des quais de la Dérivations pour assurer une desserte correcte des quartiers riverains, ce qui suppose certains travaux d’aménagement, notamment pour rejoindre la rue Grétry depuis le quartier des Vennes (notamment au niveau du pont du chemin de fer qui surplombe la rue des Vennes).

5.5. Un axe rapide sur la N3 entre Hognoul et Fléron (voire Soumagne)

L’axe de la Nationale 3 a historiquement été envisagé comme l’axe transversal naturel à une ligne de fond de vallée (l’étude Sémaly-Transitec, notamment, concluait en ce sens). Les études des dix dernières années, ont cependant réorienté le second axe de tram vers Chênée et vers Glain. L’axe de la N3 n’en reste pas moins majeur, ce dont témoigne notamment la très forte demande sur les lignes 10 et 12. Nous proposons de fusionner ces deux lignes en une seule, tout en prenant des mesures très fortes de priorisation pour garantir une fiabilité suffisante de cet axe particulièrement long (et donc sujet à un manque de ponctualité). La fusion de ces lignes reliera directement les deux rives, offrant un accès direct à Outremeuse depuis Ans ou à Sainte-Marguerite depuis Amercœur — aujourd’hui manquant et qui sera d’autant plus précieux que les circulations automobiles orthogonales à l’axe de la première ligne du tram deviendront beaucoup plus compliquées dès que les travaux de celui-ci auront débuté.

5.6. Des accès directs aux Guillemins depuis Saint-Nicolas ou depuis la rive droite

La gare des Guillemins est la principale gare de la Province de Liège. Curieusement, sa desserte en bus reste cependant assez mauvaise depuis plusieurs quartiers importants et proches. Même Outremeuse ne dispose pas d’un accès direct aux Guillemins (la ligne 4 décrivant une ample boucle vers le Pont de Fragnée avant d’y revenir). C’est a fortiori le cas de la Bonne-Femme, de Grivegnée ou de Bressoux-Haut (en rive droite), ou de Burenville, Glain ou Saint-Nicolas (en rive gauche). La création d’une connexion directe entre ces quartiers et la gare semble nécessaire. Elle pourrait prendre la forme d’une ligne de proche rocade d’environ 15 km (ou de deux lignes plus courtes si la fiabilité des itinéraires retenus apparaît trop faible) reliant le plateau ansois à la rive droite via la gare des Guillemins, telle que représentée sur le schéma ci-dessus |7|.

5.7. La gare de Milmort, pour desservir les Hauts-Sarts

La gare de Milmort est aujourd’hui un paisible point d’arrêt ferroviaire tranquille et périurbain. Elle est toute proche du zoning des Hauts-Sarts, le plus grand de Wallonie, mais il n’y a pas même un cheminement piéton correct pour relier ces deux sites. De surcroît, plusieurs lignes de bus ont leur terminus à faible distance de la gare (les lignes 5 et 7, voire les lignes 24 et 87) ou passent à proximité (les lignes 71 et 76) sans faire le crochet. Voilà un exemple paradigmatique de l’absolu manque de complémentarité entre réseaux.

Ce constat posé, la proposition d’impose d’évidence : prolonger les lignes de bus qui peuvent l’être jusqu’à la gare, voire un peu au-delà, pour faire émerger un pôle multimodal périphérique, à proximité immédiate de l’un des principaux lieux d’emploi de la Région — la desserte fine de celui-ci pouvant être effectuée de différentes manières (vélos partagés, véhicules autonomes, etc). La prolongation vers Milmort et Liers de certains trains qui s’arrêtent aujourd’hui en gare d’Herstal pourrait constituer la cerise sur le gâteau.

L’ensemble de ce dispositif offrirait, depuis un grand nombre de destinations (desservies par le rail) des performances compétitives avec la voiture dans l’accès aux Hauts-Sarts.

6. La question des moyens

Avant d’en terminer, revenons un instant sur l’inévitable question des moyens nécessaires à mener la politique que nous préconisons.

Sur le plan des coûts individuels privés et des coûts sociaux globaux, la chose est entendue : chaque fois qu’un automobiliste se tourne vers le transport public, ses finances personnelles, la santé publique ou la balance des payements de la Belgique se portent mieux. On pourrait également souligner que l’investissement dans le transport public stimule l’économie, génère de l’emploi durable, améliore la qualité de vie en ville, peut agir contre l’étalement urbain. Mais tout cela, paraît-il, ne suffit pas encore, à susciter les investissements massifs qui seraient nécessaires en Belgique dans le transport public.

On se contentera donc de souligner que Liège est une des grandes villes européennes où l’on a le moins investi dans le transport public ces vingt dernières années. Et que, de manière générale, la Wallonie investit moins dans ses grandes villes que les pays voisins.

On rappellera aussi le TEC Liège-Verviers — qui transporte quasiment un passager wallon sur deux (48,6 % de l’ensemble des passagers transportés par la SRWT en 2015, pour être exact) — est aujourd’hui, de très loin, le moins bien financé par passager transporté, le moins doté en matériel par passager transporté (il ne reçoit en effet qu’environ 36 % des moyens du groupe). Et ce constat serait encore beaucoup plus marquant si l’on ne considérait que les seules lignes de l’agglomération liégeoise, à l’exclusion des lignes rurales, notamment dans les arrondissements de Huy-Waremme et de Verviers (mais les statistiques publiées ne permettent pas, à notre connaissance, de distinguer précisément ces sous-ensembles).

Ces chiffres éloquents reflètent l’inconfort extrême qui règne sur certaines lignes du réseau liégeois, de plus en plus nombreuses à être saturées aux heures de pointe — ce qui, au demeurant, réduit fortement l’attractivité d’un réseau qui pourrait donc, si les moyens suivaient, transporter beaucoup plus de passagers.

Si la logique gouvernementale d’une exploitation du réseau à moyens constants devait être appliquée, il ne fait guère de doute que la situation empirerait globalement. Nous appelons tous les acteurs du débat public — partis politiques, syndicats, associations, commentateurs, citoyens engagés,... — à dénoncer et à combattre cette logique mortifère.

7. Conclusion

Beaucoup d’occasions ont été manquées ces dernières années dans le développement du réseau de transport public de l’agglomération. La façon dont le dossier du tram a été conduit en témoigne cruellement (sans intégration dans une réflexion d’ensemble, sans réel souci d’intermodalité, sans guère de concertation,...).

La réorganisation du réseau de bus qui se dessine offre une occasion rare, sinon de rattraper toutes les erreurs commises, en tout cas d’impulser une dynamique réellement fédératrice pour l’ensemble des usagers du réseau, on offrant, rapidement, une amélioration substantielle du service qui leur est offert et en amplifiant le cercle vertueux que le tram pourrait déclencher.

Pour cela, il faut cependant que l’autorité publique fasse montre à la fois d’une ambition plus forte que celle qui transparait aujourd’hui dans l’étude des « 14 axes » et d’une souplesse d’esprit plus marquée pour s’engager dans une logique évolutive, plutôt que de rechercher un nouveau standard destiné à durer un demi-siècle.

|2| Bus à haut niveau de service, du choix du système à sa mise en œuvre, CERTU, 2009, p. 42.

|3| Comme l’a montré l’étude sur la Transurbaine, en 2011.

|4| Lire notamment le numéro 129 de la revue « Transports urbains », novembre 2016.

|5| Qu’il s’agirait donc de rouvrir à la circulation de cette (seule) ligne de bus.

|6| Lire à ce sujet Sainte-Walburge n’est pas qu’une voie d’accès au CHR, 13 février 2017.

|7| L’idée d’une ligne de rocade en rive droite entre les Guillemins et Bressoux a été développée en 2011 dans une communication concernant le site de la Chartreuse : Chartreuse : au risque de l’enfermement.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

 

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