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Interpellation citoyenne

Médiaciné : quel impact sur les riverains et sur le centre-ville ?

lundi 24 avril 2017, par Laurent Nisen

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Interpellation citoyenne au Conseil communal de Liège

Monsieur le bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les échevins,
Mesdames et Messieurs les conseillers,

La participation très massive à l’enquête publique relative au projet « Médiaciné », qui vient de se terminer, au début de ce mois, ainsi qu’à la précédente, terminée au mois de février dernier, a montré que bon nombre de nos concitoyens s’inquiètent des conséquences que pourrait avoir la réalisation de ce projet de complexe cinématographique de 10 salles, dans le quartier du Longdoz.

C’est aussi mon cas et j’aimerais profiter de la possibilité qui est ouverte aux citoyens de la Ville d’interpeller le Conseil communal pour évoquer plusieurs préoccupations à cet égard. Et je vous remercie, Monsieur le bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevins, Mesdames et Messieurs les conseillers, de prendre le temps d’écouter les miennes.

a) L’activité culturelle et la vitalité du centre-ville

Liège a la très grande chance d’avoir un centre-ville vivant et animé. On y fait la fête. On y va au spectacle, au restaurant. Son Carré est réputé bien au-delà de nos frontières. Et si beaucoup de nos visiteurs étrangers trouvent Liège accueillante, c’est notamment parce qu’ils y trouvent une ambiance et une chaleur peu communes. Je suis pourtant persuadé, comme bon nombre d’acteurs de l’hypercentre, que cette vitalité n’est pas acquise à tout jamais et qu’elle pourrait s’étioler, comme elle l’a fait dans bien d’autres centres urbains, si l’on n’y prend pas garde, si l’on ne la protège pas.

Les cinémas, commerciaux ou associatifs, en drainant des centaines de milliers de personnes, chaque année, dans l’hypercentre de Liège contribuent sans aucun doute à cette vitalité. Ils le font directement, en soutenant l’activité du secteur HoReCa, en animant l’espace public de leur présence. Ils le font aussi indirectement en faisant du centre-ville un lieu partagé, symboliquement ouvert à tous, où tous les publics sont les bienvenus y compris ceux qui ne peuvent pas s’offrir une place au théâtre ou à l’opéra. Or il semble probable que la construction d’un nouveau multiplexe dans le Longdoz n’entraine la fermeture du cinéma Palace, et la fragilisation de l’activité des Grignoux. Ce serait un moment particulièrement critique.

Bien sûr, le développement de grands outils culturels, dans lequel la Ville a joué un rôle très important et qu’il faut saluer, soutient la vitalité du centre-ville. Je pense au nouveau théâtre, place du XX Août, à la rénovation de l’Opéra qui a consacré l’ancrage liégeois de cette institution majeure, à la construction des cinémas Sauvenière, grâce à un montage original associant la Ville, la Communauté française, la Région et l’asbl des Grignoux, à la rénovation des Bains de la Sauvenière, devenus une lumineuse « Cité miroir » qui accueille maintenant une scène musicale avec le Refektor. Mais alors que ces efforts importants ont été faits, mobilisant des montants très importants d’argent public, pourquoi laisser une opération commerciale vider le centre d’une partie importante de sa substance ?

b) Le modèle du centre commercial va-t-il supplanter celui de la ville piétonne ?

De nombreux centres commerciaux se sont développés à Liège au cours des dernières décennies, avec des conséquences très importantes pour les noyaux commerçants traditionnels, qui ont fondu comme neige au soleil dans beaucoup de quartiers de notre ville. Loin de créer de l’emploi, ces nouveaux temples de la consommation ont surtout délocalisé l’activité au bord des voies rapides, détruisant massivement le lien social dont le commerce de proximité est souvent l’adjuvant. Malgré un constat assez largement partagé à cet égard, les centres commerciaux continuent inexorablement à se développer dans l’agglomération et même sur le territoire de la Ville. Je pense par exemple à l’extension, récemment autorisée, de la galerie « Belle-Île ». Le projet « Médiacité », même s’il est situé en milieu urbain dense, participe de cette dynamique, de cette forme urbaine qui se regarde le nombril et tourne le dos à son environnement, opposant aux riverains murs aveugles, entrées de parking, locaux poubelles et autres escaliers de secours tandis que les visiteurs arrivent en voiture dans un parking souterrain.

Monsieur le bourgmestre, vous appeliez au début de la législature à un « moratoire sur le développement de nouvelles galeries commerciales » dans l’agglomération. Ne pensez-vous pas qu’il est temps de donner l’exemple, en exigeant des promoteurs d’autres types de projets : des projets orientés vers une mobilité plus mixte (80% des visiteurs de « Médiaciné » viendraient en voiture, alors que de nombreuses lignes de bus passent à proximité), une plus grande liaison aux quartiers environnants et des fonctions plus compatibles avec le bien-être des habitants ?

c) Un quartier en souffrance

Le quartier du Longdoz est l’un des plus denses et des plus peuplés de la Ville. Son positionnement très central et ses infrastructures routières en font un lieu de passage quotidien pour des dizaines de milliers de véhicules. Il n’empêche que ce quartier est sous-équipé : on n’y trouve guère d’infrastructures sportives, aucune crèche ni de maison de quartier, ni de maison de jeunes, aucun espace vert public ni de logements social. Il semble tout simplement avoir été oublié, réduit à une fonction utilitaire au service du reste de la ville. Pendant que ses habitants étouffent sous le trafic automobile et le parking sauvage.

Les quais de la Dérivations soufrent largement d’un trop-plein de voitures, le fait est connu. Les abords de la Médiacité sont régulièrement congestionnés, aux périodes de grande affluence commerciale. Ajouter chaque jour plusieurs centaines de voitures est-il souhaitable dans un tel contexte ? Nombreux sont les Liégeois à ne pas en être convaincus.

Les abords de la Médiacité soufrent également d’un grand nombre de voitures ventouses, qui empoisonnent la vie des habitants des quelques rues enclavées entre la galerie commerciale et la Dérivation. Ce problème régulièrement dénoncé par les riverains, est également souligné dans l’étude d’incidences sur l’environnement. Faut-il vraiment imposer aux habitants de subir cette pression aussi en soiré et le dimanche, qui sont aujourd’hui leurs seuls moments de répit ?

Cette situation est d’autant plus préoccupante que les grands projets de mobilité semblent pour le moment ignorer la rive droite. Que fait la Ville pour faire avancer le projet d’une seconde ligne de tram, la Transurbaine, qui est tellement indispensable pour le développement de la rive droite ? Peut-on espérer un arrêt du futur REL dans le quartier du Longdoz, sur le site de la Bonne-Femme ?

Est-ce que tout ce que la Ville a à proposer aux habitants de la rue Stouls est une façade aveugle de 19 mètres en face de chez eux, agrémentée peut-être d’escaliers de secours mais ne proposant pas d’autre interaction que le spectacle répété des voitures entrant et sortant d’un parking souterrain ? Outre leur qualité de vie, c’est aussi la valeur des maisons de ces Liégeois et de ces Liégeois qui se verrait amputée par la mise en place d’un tel projet. Il me semble donc qu’il faille apporter une vraie réponse à ces personnes confrontées à un projet qui les nie complètement.

Aussi, je voudrais conclure cette interpellation, Mesdames et messieurs les conseillers communaux, par trois questions auxquelles j’espère que vous pourrez me donner des réponses précises.

Tout d’abord, en ce qui concerne les habitants des rues Stouls, de Seraing et d’Harscamp, quelle garanties pouvez-vous leur donner au sujet de leur qualité de vie, dont beaucoup sont convaincus qu’elle serait fortement dégradée par l’arrivée de « Médiaciné » ?

Par ailleurs, j’aurais à cœur de savoir dans quelle mesure vous pensez que ce projet puisse rompre l’isolement actuel du quartier du Longdoz et participer à la vie du quartier ?

Enfin, et c’est ma dernière question, je souhaiterais connaître l’évaluation que vous faites de l’impact qu’aurait ce projet sur le centre-ville, et notamment dans les domaines culturel, social et économique ?

Je vous remercie, Monsieur le bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevins, Mesdames et Messieurs les conseillers, pour l’attention que vous aurez réservée à cette interpellation.

Pour l’asbl urbAgora,

Laurent Nisen
président

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

 

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