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Une jonction cyclo-pédestre entre Sclessin et Angleur ?

vendredi 24 février 2017,

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Le présent document est une note de travail et non une position de l’asbl urbAgora. Il s’agit d’une analyse qui vise à explorer une hypothèse et à la mettre en débat avec les personnes que le sujet intéresse.

Nous nous intéressons ici à ce que l’on pourrait nommer la porte Sud de Liège — le lieu qui, dans la vallée et à l’heure actuelle, marque la transition entre des quais à vocation uniquement routière et des espaces plus partagés. La principale raison en est que ce quartier connait et va connaître quatre mutations de grande importance.

a) Depuis qu’il a été progressivement délaissé par l’université, le site du Val Benoit était devenu une friche, une jachère urbaine. Il est aujourd’hui en train de devenir, grâce à la SPI et selon le remarquable Master plan dessiné par le bureau Baumans & Deffet, un nouveau quartier mixte, associant activité économique et logement, que fréquenteront quotidiennement des milliers de personnes. Il s’agit d’un lieu emblématique, dont on espère qu’il constituera une démonstration éclatante que le zonage du territoire n’est pas une fatalité ou qu’on peut respecter, à grande échelle, un patrimoine architectural tout en répondant aux attentes contemporaines.

b) Face au Val-Benoit, en rive droite, se trouve le quartier de Rénory, îlot d’urbanité coupé de la ville par les grandes infrastructures ferroviaires et logistiques qui l’entourent et par le fleuve. Ce petit coin paisible pourrait cependant connaître de grandes transformations, selon ce qu’il adviendra du site de l’ancien atelier « traction » de la SNCB, lieu mythique s’il en est pour tous les passionnés du rail, qui est à présent remplacé par un nouvel atelier, plus grand, à quelques centaines de mètres de là, au pied de la colline du Sart Tilman. Le site de l’ancien atelier — près de 10 hectares — est en effet aujourd’hui en vente et son destin semble incertain.

L’atelier traction de Kinkempois, 24 février 2017. Photo : urbAgora.

c) Le tram constitue le troisième élément de cet état des lieux. Un arrêt est prévu à hauteur du site du Val-Benoit, offrant un accès très rapide vers Sclessin, vers les Guillemins ou vers le centre-ville.

d) Enfin, pointons la réouverture annoncée — pour la fin de cette année — d’un trafic voyageurs sur la ligne 125A, dans le cadre du Réseau express liégeois (REL). Si la création d’un point d’arrêt à Kinkempois n’est pas prévue dans l’immédiat, elle représente un potentiel évident, notamment pour la connexion avec le Sart Tilman.

La possibilité d’un nouveau quartier

La mise en vente du site de l’ancien atelier traction de Kinkempois devrait inciter les pouvoirs publics à se préoccuper de l’avenir du quartier — voire à acquérir la maîtrise foncière de ces 10 ha. S’il sont a priori peu accessibles, dans la situation actuelle, l’évolution générale de son environnement urbain, que nous venons d’évoquer, pourrait fortement changer la donne et faire de ce terrain le lieu d’un possible nouveau quartier, très bien connecté avec le campus universitaire, la gare des Guillemins ou le centre-ville.

Localisation des 10 ha de l’ancien atelier « traction » de la SNCB. En bas à gauche de l’image apparaît le nouvel atelier de la SNCB.

Ce qui est certain, c’est que ce site, actuellement non zoné au plan de secteur (comme tous les sites ferroviaires) réclame une action publique pour définir la manière dont il doit évoluer. On sait que le groupe logistique « Portier » avait envisagé de le racheter pour agrandir la plateforme multimodale de Rénory et y améliorer sa connexion au rail |1|. Le fait que le terrain soit en vente semble indiquer que cette possibilité n’a pas abouti.

Une vraie coupure urbaine

À l’heure actuelle, le fleuve et les infrastructures de transport segmentent fortement les espaces de vie dans les quartiers dont nous parlons.

En rive droite, circuler à pied ou à vélo entre les quartiers de Rénory, de Péralta ou de Garde-Dieu impose le voisinage proche de flux automobiles particulièrement denses, dans des espaces souvent trop congrus pour laisser de l’espace aux modes doux.

La jonction, pour les piétons et les cyclistes, entre les deux rives est plus difficile encore. Le pont de Fragnée est une épreuve que beaucoup évident tant le trafic y est intense. Il existe bien une jonction Ravel empruntant le Pont ferroviaire du Val Benoit, qui permet de relier le Val Benoit au quartier Garde-Dieu, mais il s’agit d’un itinéraire peu direct, peu confortable (nombreuses chicanes, passerelle au-dessus de l’autoroute inadaptée aux vélos), peu sécurisant et de surcroît mal connecté à Angleur ou, a fortiori, au site universitaire du Sart Tilman.

La connexion Ravel entre les deux rives est particulièrement chantournée et inconfortable, en plus de ne s’inscrire dans aucune continuité.

Quant au Val-Benoit, l’arrivée du tram — et de l’aménagement urbain qui l’accompagne — devrait améliorer fortement sa connexion à Sclessin et au centre-ville. Il n’en reste pas moins relativement isolé sur l’axe transversal : Rénory est tout proche mais inaccessible. La colline de Cointe ou à la rue Côté d’Or restent elles aussi peu accessible, notamment en raison de la présence de la ligne de chemin de fer qui ne peut être franchie que par un détestable tunnel sous voies ou par le pont des Tilleuls, qui n’est nullement aménagé, pas plus que ses voies d’accès, pour favoriser la circulation des modes doux.

Plan de la future station de tram. La jonction la rue Côté d’Or passe toujours par le couloir sous voies.

Permettre aux projets de se renforcer mutuellement

Cette situation de voisinage entre des poches urbaines insularisées n’est bien évidemment pas seulement préjudiciable aux cyclistes et aux piétons : en favorisant outrageusement les déplacements en voiture, elle attise les problèmes posés par l’omniprésence de celle-ci : bruit, pollution, sentiment d’insécurité pour les autres modes,...

Plus encore, elle fragilise les projets eux-mêmes et engendre des coûts inutiles. C’est évident dans le cas du Val-Benoit, où la construction de parkings supplémentaires est planifiée pour répondre à l’incertitude relative au tram et où l’enjeu de la mobilité est d’ores et déjà prégnant.

C’est aussi le cas pour les infrastructures de transport public. On sait que les concepteurs de la ligne 1 du tram se sont dispensés de toute réflexion sérieuse sur l’insertion des futures stations dans leur environnement urbain proche (ce que l’on désigne généralement par les termes « contrat d’axe »), délaissant en bien des endroits des opportunités de maximiser l’usage futur du tram par de petites améliorations dans les voies d’accès aux stations.

Le même raisonnement est de mise pour le REL, particulièrement dans le cas de la station Rénory, qui doit s’implanter dans un contexte technique et urbain extrêmement délicat : la ligne 125A passe en effet du côté de Rénory, séparée du site du « théâtre de verdure », qui ouvre le quartier d’Angleur, par plusieurs autres voies dont il s’agira de permettre le franchissement. Vu la longueur de ce franchissement, il sera a priori difficile de réaliser un aménagement agréable et sécurisant et la seule manière de garantir l’usage de cette infrastructure, c’est de veiller à la présence d’un flux de déplacement piéton et cycliste important.

Une nouvelle jonction cyclo-pédestre entre Sclessin et Angleur

Compte tenu des éléments développés ici, il nous semble nécessaire de planifier, à moyen terme, la réalisation d’une nouvelle jonction cyclo-pédestre de grande qualité entre Sclessin et Angleur, traversant le site du Val-Benoit et rejoignant le château de Péralta (ancien hôtel communal d’Angleur, hébergeant actuellement plusieurs services communaux de la Ville de Liège).

Cette liaison empruntera trois passerelles. Une première au-dessus de la ligne 125, entre Sclessin et le Val-Benoit, qui améliorera fortement l’accès à la rue Côte d’Or et à Cointe — ainsi qu’au site de l’Institut scientifique de service public (ISSEP), voisin —, depuis l’arrêt de tram attendu à cet endroit. Une deuxième passerelle, la plus importante, la plus visible, la plus coûteuse, reliera le Val-Benoit au quartier de Rénory. Une troisième, enfin, nécessaire pour l’accès à la station REL, s’intégrera dans cette nouvelle liaison et reliera Rénory à Péralta.

L’ensemble de la liaison, depuis la rue Côté d’Or jusqu’au château de Péralta, ne mesure que 1,25 km, contre plus du double pour faire le même trajet via la jonction Ravel existante.

Cette liaison transversale à la vallée sera complémentaire à l’itinéraire cyclable prévu parallèlement à la ligne de tram. Il pourrait en outre être très utilement complété par deux autres liaisons, plus légères à réaliser. Il s’agit tout d’abord de l’aménagement des berges de Meuse en direction de l’aval, permettant de rejoindre le quai Mativa via l’une des bandes désaffectées du Pont Gramme (en attendant sa démolition, le jour où on décidera de valoriser le site du confluent). Il s’agit ensuite d’une piste cyclable reliant le point d’arrêt REL de Rénory à la rue de Belle-Jardinière (par laquelle il est possible de rejoindre le campus), le long de la Route du Condroz.

Le rivage en pot, 24 février 2017. Photo : urbAgora.

On le voit, cette nouvelle jonction, adjointe ces quelques compléments, permet de multiples usages nouveaux. L’accès au Val-Benoit par la nouvelle passerelle (depuis le Sart Tilman, depuis Angleur ou depuis le quartier des Vennes et depuis tout l’itinéraire du Ravel) s’en trouve considérablement facilité. Le tram trouve de nouveaux usagers potentiels, notamment dans le quartier de Rénory désormais situé à quelques centaines de mètres à pied du futur arrêt. À l’inverse, on peut envisager que certains utilisateurs de la ligne 125A (venant d’Ougrée, de Seraing, du Val Saint-Lambert,...) choisissent de rejoindre le Val-Benoit par cet itinéraire s’il est de très grande qualité. Mais l’impact dépasse aussi largement cette échelle locale : c’est, globalement, la liaison entre deux quartiers (et jusqu’à ceux qui les suivants : Tilleur, Chênée,...), qui se trouve fortement sécurisée, reccourcie et facilitée.

Conclusion

L’ère du tout-à-la-voiture commence seulement à se terminer. Les prémisses de ce mouvement remontent à peine à depuis quelques décennies. À Liège, on peut sans doute la dater du choix, dans les années ’80, de transformer les quais de la rive droite en voies locales et en espaces publics de qualité (« Liège retrouve son fleuve »). Depuis lors, la ville se transforme petit à petit, lentement laborieusement, mais réellement.

Les derniers projets d’infrastructures de l’ère automobile suscitent d’immenses levées de bouclier et éprouvent les pires difficultés à voir le jour, comme en témoignent encore récemment les fiascos du parking sous la place Cockerill ou de la liaison routière Vottem-Citadelle — tous deux recalés à l’heure d’écrire la présente note. À l’inverse, chaque projet qui crée de nouvelles liaisons pour les modes doux, qui reconvertit l’espace public, qui améliore concrètement la qualité de vie des urbains suscite un assentiment unanime et même un profond enthousiasme — pensons, très récemment, aux quais de Meuse et à la nouvelle passerelle « La belle Liégeoise ».

Cette transformation est cependant demeurée, jusqu’à présent, largement cantonnée aux quartiers les plus centraux de la ville, la périphérie restant souvent un espace où la voiture est reine. C’est notamment flagrant en ce qui concerne le franchissement des grands obstacles naturels ou des voies de communication. Le Pont des Grosses-Battes à Angleur, le Pont d’Ougrée, le Pont du Bouhay, le Pont de Seraing, et même le Pont des Vennes, par exemple, restent des lieux extrêmement problématiques pour les piétons et les cyclistes.

Il est temps d’ouvrir la réflexion sur la manière dont les choses peuvent aussi évoluer pour les quartiers de la périphérie.

Antoine Faja

|1| Cf. Philippe Bodeux, « Un petit Trilogiport à Renory », in Le Soir, 8 mai 2012.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

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