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Trois idées pour améliorer la mobilité dans les quartiers Jonfosse et Saint-Laurent

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Ce texte a été présenté dans le cadre d’une conférence organisée conjointement par le comité de quartier Saint-Laurent/Saint-Martin et l’école de gestion HEC-ULg. La question qui était posée : quelles alternatives à la voiture est-il possible de développer dans le quartier Saint-Laurent ? Les propositions présentées ici sont à considérer comme des hypothèses de travail, soumises à la discussion publique, non comme des positions arrêtées de l’asbl urbAgora.

Figure 1 : malgré leur évidente proximité, il faut faire un long détour pour rejoindre la gare de Jonfosse (au centre de l’image)
depuis l’Institut Saint-Laurent (en haut à droite).

Plutôt qu’un exposé généraliste sur les enjeux du transport public liégeois, voici trois propositions — touchant toutes aux mobilités dites « alternatives » — visant à améliorer la mobilité dans les quartiers de Jonfosse et de Saint-Laurent.

Avant toute chose, on remarquera que la définition du ou des quartiers est peu évidente à dégager tant le tissu urbain dans lequel on se trouve est entrelacé. Saint-Martin, Saint-Laurent, Sainte-Marguerite, Jonfosse sont autant de nuances, de subjectivités dans la désignation d’un espace qu’il faut sans doute considérer comme un ensemble.

Figure 2 : La gare de Jonfosse peu de temps après sa construction (1881) : le coteau a été raboté pour laisser place au nouveau quartier, accentuant d’autant la césure avec le quartier de l’abbaye..

Et le moins qu’on puisse dire, en effet, c’est que la question de la mobilité y est pertinente : le territoire urbain dont nous parlons est en effet très dense, doté d’un réseau viaire tourmenté par le relief (figure 2) et principalement constitué de voiries étroites. Outre les nombreux équipements qui se trouvent déjà sur cet espace resserré (dont plusieurs établissements scolaires de taille significative), le développement du site universitaire des HEC, mais aussi la création espérée d’une nouvelle piscine communale place des Béguinages ou les développements immobiliers actuellement en cours autour du cirque d’hiver ne vont pas simplifier la situation.

Notons encore qu’il est peu probable que le quartier soit traversé par une ligne de tram, même si la ligne empruntant le boulevard de la Sauvenière sera tangentielle au quartier, tandis qu’une éventuelle ligne passant par la percée Cadran-Hocheporte-Fontainebleau-Burenville pourrait également jouer un rôle dans la desserte du quartier.

1. Valoriser la gare de Jonfosse en créant une liaison entre les rues Pouplin et Eracle

Le principal atout du quartier en termes de mobilité, c’est la gare de Jonfosse. Jouissant d’une desserte appréciable — appelée, de surcroît, à croître (et surtout à connaître un service cadencé, c’est-à-dire régulier) dans l’hypothèse du développement d’un RER |1| —, elle se trouve notamment à trois minutes du noeud multimodal des Guillemins. Sa situation est cependant particulièrement enclavée : il est quasiment impossible d’y faire passer une ligne de bus. Et le temps de trajet à pied entre elle et l’Institut Saint-Laurent est de près de 10 minutes (via la rue Monulphe ou le Thier de la Fontaine) alors que les deux sites ne sont distants que d’un jet de pierre (figure 1).

D’où la première proposition : la création d’une nouvelle rue dans l’axe de la rue Eracle, le long de l’ancienne abbaye de Saint-Laurent |2|, se terminant par un escalier descendant vers la gare de Jonfosse (figure 3).

Figure 3 : tracé schématique d’une nouvelle voirie à créer
pour relier la gare de Jonfosse (rue Pouplin)
au carrefour Eracle/Saint-Laurent.

Éventuellement, si l’affluence le justifie (par exemple si une fonction majeure devait venir s’implanter dans l’ancienne abbaye de Saint-Laurent, ce qu’on peut souhaiter), cette liaison pourra se voir dotée d’un ascenseur public, sur le modèle lisboète ou en s’inspirant de celui qui relie le palais de justice de Bruxelles au quartier des Marolles (figures 4 et 5). On notera que la création d’un tel ascenseur se justifie parfois dans des milieux moins denses, comme dans le village espagnol de Deba, dans la province de Guipuscoa (figure 6).

Figure 4 : Bruxelles
Figure 5 : Bruxelles
Figure 6 : Deba

À l’instar du téléphérique vers la Citadelle |3|, cette proposition s’inscrit dans une réflexion sur la création de nouvelles liaisons « douces » entre le fond de vallée et les plateaux, dans le but de réduire la pression sur les goulots d’étranglement automobile (en particulier sur la place Saint-Lambert).

2. Repenser la fonction de l’axe Saint-Martin – Saint-Laurent

Plusieurs constats s’imposent quant à la mobilité sur l’axe formé par le Mont-Saint-Martin et la rue Saint-Laurent.

Figure 7 : 20 mai 2009, un des nombreux accidents de voiture qui se produisent chaque année au niveau de la « chicane » du Mont-Saint-Martin. Si l’automobiliste imprudent dispose de confortables airbags pour amortir le choc, que dire des éventuels piétons ou cyclistes qui se seraient trouvés là au mauvais moment ?

a. Cet axe joue actuellement un rôle de pénétration urbaine pour lequel il n’est pas dimensionné (en plusieurs points, l’étroitesse de la chaussée rend le croisement difficile et réduit les trottoirs à la portion congrue). L’utilité de cette fonction pénétrante est d’ailleurs discutable, vu l’engorgement systématique du Cadran (il serait préférable de contenir le flux automobile en amont plutôt que de le laisser s’agglutiner de cette manière). La disposition des lieux crée en outre des problèmes de sécurité routière (figure 7).

b. Le remarquable patrimoine du Mont Saint-Martin — la basilique, l’ancien hospice Sainte-Agathe et son parc, l’abbaye de Saint-Laurent, les nombreux hôtels de maître, les escaliers pittoresques arpentant la colline,... — est le témoin du rôle important que joua ce site dans l’histoire liégeoise, depuis Notger. Il est à l’heure actuelle sous-valorisé, notamment dans sa potentielle fonction touristique. Le trafic — trop important — observé sur l’artère principale du quartier n’y est pas étranger.

c. En raison de sa pente modérée, cet axe est une voie de circulation naturelle pour les cyclistes et constitue, pour le réseau cyclable communal ou intercommunal à développer, un tronçon de choix, entre le centre-ville et une série de quartiers relativement denses situés sur le plateau (depuis Cointe jusqu’à Montegnée). Ceci est d’autant plus important que le vélo trouve un public particulièrement facile à conquérir parmi les étudiants qui sont nombreux à fréquenter l’axe (et constitue donc une partie de la réponse aux problèmes de mobilité observés dans le quartier). Les cyclistes risquent pourtant chaque jour leur vie tant des conditions de circulation sont dégradées (figure 7, une seconde fois).

La proposition : changer l’affectation de cet axe, en le réservant au trafic local, au transport public et au vélo, dans l’optique d’une réduction globale du trafic pénétrant dans la ville. Ce qui se traduirait par quelques mesures concrètes.

a. La fermeture de la sortie d’autoroute Saint-Laurent (qui n’en est d’ailleurs plus vraiment une puisqu’elle ne donne pas accès directement à l’autoroute). Cela contribuerait d’ailleurs à rendre à l’A602 sa fonction originelle principale (perdue au profit de la fonction de pénétration) : le transit |4|.

b. La mise à sens unique, dans le sens montant, du Mont Saint-Martin et du tronçon de la rue Saint-Laurent compris entre les rues Publémont et Wazon. Le reste de la rue Saint-Laurent resterait à double sens, mais avec une finalité de desserte locale. Le trafic descendant (notamment les lignes de bus) pourrait emprunter les rues Bidaut, Bertrand et Sainte-Marguerite (répondant au passage à la demande des commerçants de Sainte-Marguerite de voir des bus passer dans leur rue).

c. Sur l’espace ainsi libéré, création de vastes trottoirs, plantation d’arbres et implantation d’une piste cyclable à double sens, séparée du trafic, reliant la place Saint-Lambert et le rond-point Saint-Gilles. La création de la piste cyclable devrait s’accompagner de la création de parkings sécurisés pour les vélos dans les écoles et les entreprises localisées à proximité, mais aussi de l’exigence de prévoir des espaces de rangement pour les vélos dans les nouvelles constructions.

d. Rouvrir (Rue des Bégards) et rénover les escaliers entourant le Mont Saint-Martin (Rue de la Montagne, Degrés des Tisserands, Thier de la Fontaine) et les munir de rampes permettant de pousser un vélo, un chariot de courses ou une voiture d’enfant.

Tout au long de l’axe Saint-Martin / Saint-Laurent, création d’une piste cyclable. En jaune, la partie de l’axe à mettre en sens unique (ainsi que les escaliers qui mènent au Mont Saint-Martin : rue de la Montagne, rue des Bégards, Thier de la Fontaine, rue Monulphe, degrés des Tisserands). En violet : la nouvelle voirie à créer entre la rue Saint-Laurent et la gare de Jonfosse. En orange : la partie de l’axe à laisser en double sens, avec aménagements pour limiter le transit. Les pictogrammes indiquent les sites de grand intérêt patrimonial ou touristique (de gauche à droite : abbaye de Saint-Laurent, hospice Sainte-Agathe, basilique Saint-Martin, Mont-Saint-Martin, collégiale Sainte-Croix).

Cette proposition doit cependant être envisagée dans un périmètre plus large, notamment pour limiter le risque de voir le trafic automobile — plutôt que de décroître — se reporter vers d’autres quartiers (et notamment vers Sainte-Marguerite).

3. Développer un service de minibus (électriques ?)

La création d’un réseau de tram à Liège — si elle se concrétise — entraînera une refonte complète du réseau de transports publics dans l’agglomération. Cette refonte est à envisager à l’échelle de l’agglomération (passage de la logique de ville-centre à l’idée de ville multipolaire |5|, complémentarité à développer avec le réseau SNCB, etc) mais aussi à une échelle plus locale. On notera que le remplacement de certaines lignes de bus très fréquentées par le tram (dont la capacité est supérieure et qui demande donc moins de personnel par voyageur transporté) dégagera du personnel qui pourra être affecté à de nouvelles missions.

Figure 8 : service de minibus à Rome.

La mise en place d’un service de minibus, en boucles, tel qu’on en trouve dans de nombreuses villes (figure 8), beaucoup plus discrets (moins bruyants, moins polluants, plus étroits) que les véhicules lourds actuellement en service, peut venir compléter utilement le tram dans plusieurs quartiers (outre Saint-Laurent et Jonfosse : Sainte-Marguerite, Outremeuse, Saint-Léonard,...).

Ces minibus auraient principalement pour fonction de maintenir (et développer) une desserte fine, notamment à l’intention de personnes éprouvant des difficultés à se déplacer (pour qui la réorganisation du réseau pourrait, sans cela, représenter une dégradation de l’offre), en maillant le territoire urbain d’une façon plus serrée entre divers points nodaux du nouveau réseau ou en proposant des circuits alternatifs à ceux du tram.

a. Faire accéder le transport en commun là où, en raison de la pente, de l’étroitesse des chaussées, des rayons de courbure, il n’accède pas aujourd’hui. Un tel minibus pourrait par exemple accéder à la gare de Jonfosse.

b. Dès lors que la présence de ce type de transport pourrait être acceptable dans certaines rues piétonnes, il faciliterait l’augmentation importante de la taille du piétonnier liégeois.

L’idée est émise ici au titre de ballon d’essai, dont la faisabilité et le tracé devraient évidemment être étudiés. Le quartier de Jonfosse / Saint-Laurent se prêterait bien à ce type de transport.

De manière générale, les idées exposées ici sont à considérer comme des apports au débat, des « pièces à casser » bien plus que comme des projets intangibles. Il est cependant certain que dans un contexte comme celui du quartier Saint-Laurent, les réponses en matière de mobilité viendront de solutions multiples et complémentaires. C’est particulièrement vrai pour le public des étudiants, pour lequel la voiture ne s’impose souvent qu’à défaut d’une offre alternative : en proposant des transports publics fréquents, bon marché et rapides, en sécurisant l’usage du vélo dans le quartier, en rendant plus agréables les déplacements pédestres, on peut améliorer substantiellement la situation.

|1| Ce RER, rappelons-le, est préconisé tant par le contrat de gestion de la SNCB que par la récente déclaration de politique régionale du nouveau gouvernement wallon.

|2| Le vaste entrepôt que traverserait cette nouvelle voirie est actuellement occupé par les ateliers (mécanique, construction et soudage) de l’école Saint-Laurent, fonction qu’il s’agirait évidemment de reloger dans un bâtiment à construire sur le site, ce qui ne semble pas impossible vu l’espace disponible.

|3| Proposition formulée par urbAgora en juillet 2008.

|4| À ce sujet, lire également la proposition d’enfouissement de l’autoroute A602 émise par Antoine Faja.

|5| Cf. notre brochure « structurer la ville », dont la dernière version, portant le numéro 1.1, date de septembre 2009.

 

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