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Plan de mobilité Ans-Rocourt : halte à la fuite en avant !

vendredi 30 juillet 2010, par François Schreuer

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Lettre au Collège communal liégeois.

Liège, le 30 juillet 2010

Monsieur le bourgmestre,
Madame et Messieurs les échevins,

Dans le cadre de l’étude d’incidence sur l’environnement portant sur le plan de mobilité de la zone « Ans-Rocourt », actuellement en cours de réalisation, je souhaiterais vous faire part de la préoccupation de l’asbl urbAgora pour l’avenir à long terme de ces quartiers.

Si les problèmes de mobilité observés autour du pôle commercial majeur que constitue l’ensemble formé par Rocourt, Ans et Alleur relèvent de l’évidence, leur analyse et la formulation de solutions pour les résoudre nous paraissent en effet loin de tomber sous le sens — et certaines des orientations qui semblent retenir aujourd’hui votre attention sont selon nous discutables.

N’ayons pas peur des mots : ce territoire urbain, dans sa fonction commerciale, est devenu, au fil des années, un contre-exemple total en matière d’urbanisme, un problème de plus en plus complexe à gérer au fur et à mesure que s’accumulent, sans aucune planification, les surfaces commerciales extensives et leurs hectares de parking, le long de voiries qui ne sont, et pour cause, pas dimensionnées pour accueillir les flux conséquents générés par cette activité. Aujourd’hui, sans surprise, la situation relève du casse-tête. Les embouteillages sont systématiques et portent, on le suppose, préjudice à l’activité économique. Logiquement, les gestionnaires des grandes enseignes commerciales s’agitent et exigent de vous les solutions qui leurs semblent les plus efficaces à court-terme.

Et, en effet, dans un contexte de congestion automobile, la construction de nouvelles voiries voire le déploiement d’un transport en commun plus efficace peuvent apparaître comme relevant du bon sens. Nous ne pensons cependant pas que, a minima, ces orientations soient suffisantes.

Plus précisément, la construction de nouvelles voiries sans remise en cause du mode d’urbanisation en vigueur nous semble consister en une fuite en avant — en permettant l’urbanisation de terrains que la saturation actuelle du quartier rend quasiment impossible —, qui ne fera que différer de quelques années l’adoption d’une nouvelle politique urbanistique pour le quartier, tout en la rendant plus douloureuse.

Quant au transport en commun, compte tenu de la façon dont la zone a été urbanisée, tout entière orientée vers la voiture individuelle, nous ne pensons pas qu’il soit à même de constituer une alternative sérieuse sans une profonde remise en cause urbanistique. Tant que le tissu urbain restera aussi déstructuré qu’il l’est aujourd’hui — notamment par le parking qui constitue, presque partout, une véritable barrière physique entre l’entrée des magasins et la voie publique —, on ne peut guère compter que sur les usagers captifs du transport public pour préférer celui-ci à l’automobile pour laquelle tout a été pensé.

À nos yeux, la principale chose à faire pour qui veut s’attaquer sérieusement aux problèmes de mobilité que connait Rocourt, c’est donc de remettre profondément en cause le type d’urbanisation qui y prévaut. Nous proposons ici, sommairement, quelques principes qui pourraient alimenter la réflexion dans ce sens. Nous aurons probablement l’occasion de revenir de manière plus détaillée à l’avenir.

— Instaurer, si possible à un échelon supra-communal, un moratoire sur les nouvelles implantations commerciales dans la zone de Ans-Alleur-Rocourt, jusqu’à ce qu’un master plan implémentant une nouvelle orientation urbanistique soit adopté. Ce master plan devrait viser à restructurer le territoire autour d’axes urbains lisibles et suffisamment larges pour y faire cohabiter tous les usagers, favoriser la densité (notamment en promouvant la mitoyenneté, la valorisation des toitures, la construction à des hauteurs supérieures aux tristes rez-de-chaussée actuels), créer des espaces publics (aujourd’hui notoirement absents), rendre le territoire préhensible et perméable à l’échelle du piéton, faire refluer l’imperméabilisation massive des sols, de cette façon rendre progressivement une pertinence au transport public,... Bref : créer un nouveau morceau de ville là où le centre de Rocourt n’est, tout au plus, qu’un « zoning ».

— Considérer les terrains formant la ZACC dite de l’ancien Charbonnage Ans-Rocourt (le « CAR ») comme une réserve foncière à préserver pour l’avenir. Dès lors que les possibilités de bâtir du logement dans des zones plus centrales de la ville demeurent nombreuses, le lotissement de ce terrain, envisagé avec de plus en plus d’insistance, quoique la chose semble encore faire débat, serait à nos yeux une erreur, captant des investissements qui seraient beaucoup plus utiles en d’autres lieux. En outre et surtout, ce terrain — propriété de la Ville de Liège pour sa plus grande partie — est, à notre connaissance, le plus grand terrain bâtissable non occupé sur le territoire de la Ville. Il constitue donc un enjeu stratégique : sa préservation permettra, demain, d’accueillir, par exemple, un grand équipement. La création d’un lotissement extensif — ou de toute autre fonction urbanistiquement complaisante — sur ce terrain serait à nos yeux ni plus ni moins qu’un gaspillage, qu’une hypothèque sur l’avenir.

— Faire de la réouverture de la ligne ferroviaire reliant Ans à Liers un combat politique prioritaire, devant être relayé, comme d’autres enjeux ferroviaires métropolitains (ligne 125A, gare de Seraing, franchissement aval de la Meuse, réouverture de stations,...), au niveau fédéral par toutes les forces vives défendant Liège. Cette ligne permettrait des arrêts à Alleur et Rocourt. En conséquence, localiser, dès à présent, les nouveaux développements urbanistiques attendus à proximité de ces arrêts, avec une exigence renforcée de densité (i.e. mitoyenneté, élévation du bâti, parking en sous-sol,...) et de perméabilité des flux piétons.

— Orienter prioritairement vers la gare d’Ans plutôt que vers Rocourt la ligne de TCSP (BHNS ou tram) envisagée depuis le centre de Liège via St Nicolas. En cohérence avec l’idée de ville multipolaire, que nous défendons et qui contribue à structurer nos réflexions sur la ville, la gare d’Ans nous semble en effet devoir être confirmée et renforcée dans son statut de principal pôle d’échange de la mobilité en commun au Nord-Ouest de l’agglomération. Plutôt que de desservir Rocourt via cette ligne (dont les performances sur le trajet vers le centre-ville risqueraient d’ailleurs d’être assez moyennes, compte-tenu du grand détour à effectuer), nous pensons qu’il est préférable de renforcer l’axe de bus venant directement du centre-ville, notamment en établissant un site propre aussi complet que possible sur l’axe de la Chaussée de Tongres (en prévoyant éventuellement un prolongement vers la gare d’Ans).

Ce n’est que si une perspective plus large, de ce type, est promue que nous paraitrait défendable la solution de court terme actuellement proposée – le développement du réseau routier rocourtois devenant alors un moyen de garder la solution sous contrôle pendant que des solutions de long terme sont développées.

En vous remerciant pour l’attention que vous aurez portée à la présente, je vous prie d’agréer, Monsieur le bourgmestre, Madame et Messieurs les échevins, l’expression de nos salutations distinguées.

François Schreuer
Président d’urbAgora

 

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