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Avis d'urbAgora sur le projet de tour de la rue de Mons

mardi 9 décembre 2014,

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Avis de l’asbl urbAgora dans le cadre de l’enquête publique portant sur la demande de Certificat d’urbanisme de type 2 (CU2) introduit par la SPRL « Les portes de Liège » pour la construction d’un Centre d’affaires rue de Mons.

Monsieur le bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les échevins,

J’ai l’honneur de vous transmettre les remarques formulées par l’asbl urbAgora dans le cadre de l’enquête publique, actuellement en cours, visant à la délivrance d’un Certificat d’urbanisme de type 2 (CU2) à la SPRL « Les portes de Liège » pour la construction d’un centre d’affaires de 21 niveaux (rez +17) dans le quartier Saint-Laurent.

Impact paysager

Le projet de bâtiment dont la construction vous est soumise présente une hauteur de plus 60 mètres. La localisation du site, lui-même très en hauteur (il se situe à 135 m au-dessus du niveau de la mer, soit 70 m au-dessus du cœur de la ville), va rendre cette construction extrêmement présente dans le paysage et avoir un impact majeur sur ses riverains, et ceci d’autant plus que le projet — vu sur l’axe Sud-Ouest - Nord-Est — ressemble plus à une « barre » qu’à une tour élancée.
La vue sur la ville dont disposent aujourd’hui de nombreux habitants du quartier de la rue du Calvaire sera compromise par la présence de cet immeuble.
En outre, plusieurs dizaines de maisons situées principalement dans les rues Wiertz et Henri-Blès subiront, si vous acceptez le projet en l’état, l’ombre de ce bâtiment pendant plusieurs heures par jour.

Localisation du projet.

Absence de concertation

Dans ces conditions, l’absence quasi totale de concertation autour de ce projet nous semble gravement problématique. Hormis quelques panneaux jaunes peu visibles, aucune publicité ne semble avoir été réalisée autour de cette enquête publique (aucune distribution en toutes-boîtes, aucune mention sur le site web de la Ville). La responsabilité de la Ville nous semble ici engagée. L’autorité publique ne peut donner l’impression — quelles que soient les raisons de ce manque de communication — qu’elle accepte qu’un dossier aussi lourd que celui-ci puisse passer en catimini, sans même que les personnes directement concernées n’en soient informées.

Qualité architecturale

Nous notons que ce projet ne paraît avoir fait l’objet d’aucune procédure compétitive d’architecture. Pour un bâtiment ayant un impact paysager aussi fort, cela ne nous semble pas acceptable. Il nous semble que l’autorisation de construire un immeuble aussi marquant dans le paysage liégeois à l’échelle de la ville entière devrait être conditionnée à une exigence forte au niveau de la qualité architecturale. Des exemples remarquables existent en Belgique ou à l’étranger, qui montrent qu’il est possible de construire des tours qui fassent sens dans l’espace public tout en enrichissant le paysage. On semble ici en être bien éloigné, avec un projet dont la forme témoigne plutôt d’une simple promotion immobilière.

Maillage vert

Nous constatons que la construction de ce bâtiment suppose le déboisement d’un important terrain, qui nous semble inscrit dans le maillage vert de la Ville, notamment en constituant un relais important dans la continuité boisée observée le long de la ligne de chemin de fer, ou en participant à la transition entre les nombreux jardins et espaces verts du quartier de Jonfosse et ceux de Burenville ou de Saint-Gilles.

Cet argument doit sans aucun doute être pondéré par l’utilité publique du projet (nous admettrions par exemple qu’une partie de ces espaces verts soient détruits s’il s’agissait de passer la L36 à quatre voies dans le cadre d’un développement du service public ferroviaire). Mais précisément : ce site est-il le seul où puisse s’implanter ce centre d’affaires ? N’existe-t-il pas, à proximité, des espaces en friche où il pourrait être construit sans qu’il ne soit nécessaire de déboiser cet important terrain ?

En tout état de cause, il ne nous semble pas que l’on puisse se prononcer sur ce point sans disposer d’une étude d’incidences sur l’environnement (EIE), qui est absente à ce stade de la procédure. Nous vous demandons donc, si vous deviez envisager d’autoriser la construction de ce bâtiment, de ne pas le faire sans avoir préalablement fait réaliser une EIE.

Mobilité

Même s’il s’implanterait dans une zone hautement stratégique dont la densification est souhaitable à moyen terme, dans le cadre de la construction du second axe de tram dont l’agglomération liégeoise a le plus impérieux besoin |1|, ce projet ne présente, dans la configuration actuelle des lieux, presqu’aucune articulation directe avec le transport public. Vu la déclivité qui sépare le site de la rue Saint-Laurent et vu la difficulté pour un piéton à s’aventurer à traverser les rue Jules Laminne et Bagolet, les lignes de bus passant sur ces deux axes risquent, à notre estime, d’être peu utilisées par les usagers de ce centre d’affaires.

Le site se trouve de surcroît dans un espace enclavé entre l’autoroute, une voie rapide et le chemin de fer, relativement peu accessible aux piétons et cyclistes. En conséquence, et même si le contexte urbain pourrait et devrait évoluer, il nous apparaît que cette localisation favorise surtout la mobilité automobile. Cette caractéristique ne manquera pas de poser problème vu la saturation importante que connait déjà le quartier à l’heure de pointe (tant au niveau des deux ronds-points situés à la sortie 33 de l’autoroute qu’à celui de l’insertion du trafic venant de la rue de Mons et cherchant à remonter vers Burenville.

Des améliorations pourraient certes être apportées à cette situation et nous invitons vivement l’autorité communale à faire de leur réalisation via des charges d’urbanisme des conditions minimales d’octroi de toute autorisation à ce projet.
Nous préconisons aussi, si cette tour devait obtenir votre aval, que vous conditionniez celui-ci à la création d’un accès piéton depuis la rue Wiertz (par la création d’une passerelle au-dessus du chemin de fer |2|), qui permettrait de désenclaver le quartier de la rue de Mons pour les modes doux et notamment de donner accès à tous ses habitants et usagers à la gare de Jonfosse, qui n’est éloignée que de quelques centaines de mètres |3|.

Planification urbanistique

Il nous semblerait cependant plus sage de lier le destin de ce site à la réalisation de la ligne 2 du tram (et au réaménagement complet de l’axe Burenville-Fontainebleau-Hocheporte-Cadran qui l’accompagnera nécessairement) – et de différer en conséquence la construction de ce bâtiment tant que des garanties de construction de la ligne 2 ne pourront être données et tant que des instrument de planification urbanistique, dans le cadre de la ligne 2 du tram, n’auront pas été adoptés.

Envisager un autre site ?

Nous formulons donc une suggestion : ouvrir une négociation avec le promoteur afin de lui proposer d’implanter son projet sur un site mieux situé, eu égard à la dynamique actuelle de la ville, en intégrant dans cette négociation la dimension relative au foncier. Nous pensons que tant la collectivité que le promoteur lui-même pourraient tirer avantage de cette négociation, en identifiant un site plus accessible et inscrit dans la dynamique de renouveau d’un quartier, plutôt que de concevoir ce projet de centre d’affaires de façon isolée.

Le carrefour de Fontainebleau pourrait être un site possible pour cela, pas trop éloigné du site proposé et des potentialités du « Croissant d’or », très accessible par tous les modes de transports, où des possibilités foncières existent et où l’implantation de ce centre d’affaires pourrait à la fois contribuer à remailler un espace urbain particulièrement déchiqueté et à recréer un dynamisme dans le quartier de Sainte-Marguerite. Un tel choix d’implantation aurait le mérite important de se conjuguer avec le Master plan sur lequel la Ville travaille pour le moment pour ce quartier, et de contribuer à sa réussite.

Mise en souterrain future de l’A602 ?

Enfin, au vu de son impact paysager, urbanistique et sanitaire extrêmement négatif, nous sommes persuadés que la question se posera, à long terme, dans plusieurs dizaines d’années, d’une possible mise en souterrain de l’autoroute A602 entre Burenville et l’entrée du tunnel de Cointe |4|. En plus de barrer littéralement le paysage de son envahissante présence, cette « liaison » opère une coupure majeure entre les quartiers et arrose, 24 heures sur 24, tous ses riverains de bruit et de pollution. Sa mise en souterrain est techniquement possible. Il se pourrait même qu’en dégageant de nombreux terrains à construire, elle soit financièrement moins irréaliste que d’aucuns pourraient le penser.
Nous ne plaidons nullement pour que des fonds publics soient alloués à ce stade à ce projet, mais nous souhaiterions que la possibilité en soit préservée et facilitée, notamment en évitant de construire des immeubles à proximité immédiate de l’autoroute.

Le CU2 est-il un outil pertinent pour les bâtiments de grande hauteur ?

Avant de conclure, nous nous permettons de nous poser la question – et de vous poser la question – de la pertinence des certificats d’urbanisme de type 2 (CU2) dans de tels projets. Dès lors que la délivrance d’un CU2 engage l’autorité publique (on l’a bien vu dans le projet de la tour des finances, où la délivrance d’un CU2 a empêché par la suite de tenir un débat de fond sur ce projet et sa pertinence), nous ne pensons pas qu’il soit acceptable qu’un tel document soit délivré, pour un projet aussi marquant que celui-ci, sans que des exigences minimales soient imposées, au plan de la concertation ou à celui de l’étude des incidences.

On sait en outre que les bâtiments de grande hauteur peuvent avoir un impact énergétique très important (lié à la performance des matériaux nécessaires pour les bâtir, aux enjeux de climatisation, aux circulations verticales, etc). Cet impact énergétique n’est cependant pas une fatalité : différentes techniques (pompes à chaleur, ventilation naturelle, pare-soleils, éoliennes et panneaux solaires, etc) permettent d’améliorer significativement les performances énergétiques des tours. Nous pensons que le recours à ce type de techniques devrait conditionner l’autorisation de construire une tour. Rien n’est cependant connu des intentions des promoteur sur ce plan au stade du CU2, ce qui ajoute à la prudence nécessaire ou plaide, a minima, pour un CU2 conditionnel, sur ce point comme sur d’autres.

Conclusion

Pour résumer notre avis concernant ce projet de centre d’affaires, il nous semble que la demande de CU2 introduite par le promoteur devrait être refusée par l’autorité communale.

Nous préconisons de négocier avec le promoteur pour identifier une localisation mieux adaptée à son projet.

Si néanmoins, l’autorité communale que vous représentez devait estimer que le site présente, dans le court ou moyen terme, un intérêt pour la construction de bureaux, nous vous demanderions de conditionner l’octroi de toute autorisation (CU2 ou permis d’urbanisme) à :

  • L’intégration du projet dans un plan d’ensemble pour le quartier (intégrant la ligne 2 du tram), visant notamment à favoriser les mobilités douces ;
  • La création d’un accès aisé pour les cyclistes et piétons depuis la rue Saint-Laurent (en reconfigurant si besoin la morphologie du bâtiment pour que celui-ci présente une entrée au niveau de la rue Saint-Laurent) ;
  • La réalisation d’une étude d’incidences sur l’environnement, visant notamment à préciser l’impact du projet au plan de la mobilité et à évaluer les enjeux liés à l’impact sur la biodiversité et sur le maillage vert ;
  • L’organisation d’une concertation avec les habitants du quartier, à la hauteur de la question posée par ce bâtiment : information dans toutes les boîtes aux lettres de tous les riverains, organisation d’une séance d’information au public, etc ;
  • Une réduction du gabarit du bâtiment pour supprimer les ombres portées sur les habitations des rues Wiertz et Henri-Blès et pour limiter l’impact visuel pour les habitants du quartier de la rue du Calvaire ;
  • L’organisation d’un concours d’architecture ;

En vous remerciant pour l’attention que vous aurez réservée à la présente, je vous prie de croire, Monsieur le bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevins, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Pour l’asbl urbAgora,

Mathilde Collin
présidente

|2| Ce qui nécessiterait l’expropriation de trois garages situés à hauteur du numéro 21 de la rue Wiertz.

|3| À plus forte raison, au vu de la déclivité assez importante, si devait se réaliser le projet d’ascenseur urbain que défend l’asbl urbAgora.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

«Nous formulons une suggestion : ouvrir une négociation avec le promoteur afin de lui proposer d’implanter son projet sur un site mieux situé, eu égard à la dynamique actuelle de la ville»

 

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