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Tram à Liège : la somme des intérêts locaux ne saurait constituer l'intérêt général

mercredi 24 mars 2010,

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Les propositions formulées aujourd’hui par le ministre Henry — ou du moins ce qui filtre |1| — concernant le déploiement du tram liégeois sont surprenantes et décevantes.

Il y a à peine plus d’un an, Ecolo, alors dans l’opposition, accusait |2| le ministre André Antoine de « faire courir aux Liégeois le risque majeur de bâcler complètement cette opportunité unique que représente le tram ». Prenant le contre-pied de la ligne de fond de vallée proposée par M. Antoine, Ecolo plaidait (à l’instar d’urbAgora) pour un réseau complet, comprenant notamment une boucle centrale desservant les quartiers de la rive droite de la Meuse (Outremeuse, Longdoz, Fétinne,...). Ce plaidoyer pour la boucle ne s’est jamais démenti, jusqu’aux élections régionales |3|. Un an plus tard, il nous faut constater que le ministre écologiste de la mobilité s’est purement et simplement rallié, sans explications, au tracé défendu alors par André Antoine. La rive droite de la Meuse ne sera pas, selon ses propositions, desservie par le tram. Il va falloir qu’il nous explique cela.

Si, à diverses occasions, le ministre s’est déclaré « intéressé » par les réflexions menées par urbAgora, nous constatons aujourd’hui qu’aucune de nos propositions n’a été prise en compte. La traversée du quartier des Guillemins ? L’avis de la plate-forme Guillemins.be n’est pas suivi. Le passage dans le quartier Nord ? Ce sera par les quais, comme envisagé par M. Antoine (et tant pis pour une possible connexion avec le chemin de fer place Vivegnis). La traversée de la Meuse ? La création d’un réseau maillé, rompant avec le réseau mono-centré des TEC ? La desserte de Fléron ? Le soutien au boulevard urbain de Seraing ? Nada.

Sur le débat du tracé sérésien (rive gauche ou rive droite), il vaut la peine de s’attarder un instant (et pas seulement parce que la contradiction est totale avec les toutes les prises de position d’Ecolo sur le sujet). L’enjeu est celui du boulevard urbain prévu par le « Master Plan » de Seraing. Pour quelle raison ne pas amener le tram en rive droite ? Outre certaines difficultés techniques surmontables (élargissement de l’assiette de boulevard, aménagement des ponts, gestion de certaines pentes), la raison serait à chercher du côté de la trop faible densité d’occupation du territoire attendue le long de ce boulevard (dit de façon directe : « ce ne serait pas un boulevard mais un zoning »). Selon nous, la relation causale est largement à inverser : c’est en fonction du tracé du tram que le boulevard de Seraing pourra ou non être urbain. En choisissant de rester en rive gauche, on complique sérieusement la possibilité de produire un tissu urbain de qualité en rive droite de Seraing. Nous pensons que cela constitue un signal dramatique à l’égard des communes qui tentent de privilégier la qualité de l’urbanisation sur les solutions de facilité.

Sur le plan de la méthode, on notera que la décision concernant ce tracé a été prise en l’absence la plus totale de concertation avec la société civile, là où, dans sa conférence de presse d’il y a un an, Ecolo plaidait « pour un processus largement participatif [...] pas pour le plaisir d’allonger les procédures mais parce que seul un projet parfaitement mûri et porté par le plus grand nombre sera solide et efficace » (et cinq autres citations du même acabit). Quant à une concertation qui ferait suite à la décision (ce qui va plus que probablement arriver), cela ne s’appelle pas de la concertation.

Par ailleurs, signalons encore l’absence, à ce stade, d’information sur les processus qui seront mis en œuvre pour l’aménagement des espaces publics empruntés par le nouveau réseau, ce compris les infrastructures de maintenance, les stations, etc. Y aura-t-il concours d’architecture, associant des paysagistes et designers pour dresser un plan cohérent et ambitieux à l’échelle du réseau structurant ? Ou bien devra-t-on se contenter d’une simple réfection technique des voiries par les services de la SRWT, passant à côté de l’enjeu d’exemplarité des aménagements publics que suppose la réimplantation du tram à Liège un demi-siècle après l’avoir abandonné ? Doit-on rappeler à nos élus que le succès du tram à l’étranger, en particulier en France, tient tout autant dans un projet ambitieux de mobilité que dans un projet architectural, paysager et de design. On pense évidemment à Bordeaux avec l’implication du paysagiste Michel Corajoud et l’architecte-designer Elisabeth de Portzamparc, et à Nice avec la réalisation du dépôt de tram réalisé par l’architecte Marc Barani, distingué par l’Equerre d’argent en 2008, la plus haute distinction française en architecture — sans compter l’intervention de plasticiens sur tout le réseau. Il s’agit ici de processus publics concluants dont nos élus feraient bien de s’inspirer, et dont aujourd’hui on ne voit aucune trace.

Reste le « Bus à haut niveau de service » (BHNS), évoqué en sourdine depuis longtemps, et ici présenté (sous le vocable de « pré-tram ») comme une solution miracle (ou une planche de salut ?). Passons sur l’ironie mordante qui voit ceux-là même qui brocardaient (avec raison, sans doute) le manque d’ambition de la SRWT se faire aujourd’hui les promoteurs de ce BHNS que M. Phlypo défendait ardemment il y a à peine plus de deux ans encore. Depuis des semaines, nous demandons, en vain, au cabinet de M. Henry, des précisions sur ce sujet. À défaut d’en disposer, nous ne pouvons que poser des questions. Le BHNS est présenté comme prélude à l’installation d’un tram. Question : combien va coûter, d’ici quelques années, la transformation d’un axe BHNS en axe tram ? Pour le peu que nous en savons, quasiment autant que la réalisation d’une ligne de tram. Autrement dit : le passage par le stade intermédiaire du BHNS coûtera vraisemblablement plus cher que l’implantation directe d’une ligne de tram. Autrement dit : avec le BHNS, Liège attendra encore des décennies avant de disposer d’un véritable réseau de tram, tel qu’Ecolo, notamment, n’a cessé de le réclamer jusqu’à son entrée au gouvernement.

Bien sûr, on arguera de la difficulté pour la Région wallonne de financer ces infrastructures. On touche là, pour partie, à des questions qui dépassent largement les compétences du ministre. Il n’empêche : tout est question de priorités.

D’une part, le budget annoncé (plus de 500 millions d’euros) est loin d’être ridicule et permettrait sans aucun doute de faire beaucoup mieux et beaucoup plus utile qu’une ligne de fond de vallée entre Jemeppe et Basse-Campagne. Bien entendu, chacun peut observer qu’un consensus des hommes forts s’est formé en faveur de cette ligne de fond de vallée qui a l’avantage de satisfaire les bourgmestres des quatre communes traversées. Nous persistons pour ce qui nous concerne à affirmer que cet agrégat des volontés locales ne saurait constituer l’intérêt collectif. Et qu’il est dans l’intérêt de tous, y compris des communes d’Herstal et de Seraing, de reporter les bouts de ligne à une seconde phase de déploiement du réseau, pour des raisons que nous avons eu l’occasion de détailler largement |4|.

D’autre part, il n’est pas acceptable que dans les pays limitrophes, les agglomérations de taille similaire à Liège (500.000 habitants) en soient à développer leur 3e, 4e, 5e, 6e ou même 7e ligne de tram alors qu’à Liège, on évoque, en la repoussant sans cesse, la création d’une malheureuse première ligne. Il est temps, plus que temps, que la Région wallonne se dote d’une politique des grandes villes et mobilise les moyens nécessaires pour y investir. Et ce ne sont pas les formules de pré-financement par le privé (« PPP ») qui vont y changer grand-chose : tout juste ce type de mécanisme — dont les effets pervers sont de surcroît nombreux — diffère-t-il le moment où il faut honorer la facture (tout en l’augmentant, il n’y a pas de miracle).

Enfin, on note que le projet serait repoussé aux calendes grecques. Le ministre évoquerait, selon les informations qui filtrent, une mise en service du tram en 2018 ou 2019. Autrement dit, M. Henry refile tout simplement la patate chaude (et probablement l’essentiel des engagements budgétaires) à son successeur, qui entrera en fonction en 2014.

Disons-le tout net : on attendait beaucoup plus et beaucoup mieux de la part des écologistes, dont les déclarations préalables aux dernières élections sonnent à présent bien creux.

|1| Après des mois de silence dans le dossier du tram — qui marquaient notre volonté de laisser au nouveau ministre le temps de prendre ses marques — nous avons décidé de réagir aujourd’hui, en dépit des informations lacunaires qui sont disponibles. Nous regrettons les piètres conditions de ce débat mais attendre plus encore reviendrait à se taire.

|2| Conférence de presse du 3 février, disponible à l’adresse http://www.liege.ecolo.be/spip/spip.php?article161

|3| On rappellera notamment le questionnaire envoyé par urbAgora aux partis politiques peu avant les élections : les engagements les plus clairs ont été pris par Ecolo http://elections2009.urbagora.be/questions/une-boucle-de-tram/

|4| Voir notamment notre brochure « Structurer la ville », septembre 2009 : http://urbagora.be/misc/tram/brochure.pdf

 

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