Qu'est-ce qu'une ville moche ?

A Plan de Campagne, une zone commerciale a été créée en 1960 sur le territoire des communes des Pennes-Mirabeau et de Cabriès. Elle est l'une des plus visitées de France ©AFP - BORIS HORVAT
A Plan de Campagne, une zone commerciale a été créée en 1960 sur le territoire des communes des Pennes-Mirabeau et de Cabriès. Elle est l'une des plus visitées de France ©AFP - BORIS HORVAT
A Plan de Campagne, une zone commerciale a été créée en 1960 sur le territoire des communes des Pennes-Mirabeau et de Cabriès. Elle est l'une des plus visitées de France ©AFP - BORIS HORVAT
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Paris serait "très moche", Niort "l’une des villes les plus laides" qui soit et Guéret "une ville quasi-morte" où "il y a des ploucs, des viocs, des bovins en surnombre". En périphérie, les zones commerciales sont aussi très critiquées. Mais sur quels critères peut-on juger une ville belle ou laide?

Avec
  • Eric Chauvier Anthropologue et écrivain, professeur à l’école nationale supérieure d’architecture de Versailles
  • Olivier Razemon Journaliste au Monde, spécialiste des villes et des transports
  • David Mangin Architecte, urbaniste, Grand Prix de l’Urbanisme 2008

S’il y a une chose avec laquelle les élus ne rigolent pas, quel que soit leur bord, c’est bien avec ce qui est dit de leur ville. Surtout quand c’est pour en dire du mal. Ainsi Paris, « devenu hideux » à cause des travaux selon Jean-Pierre Jeunet, qui du coup renonce à donner une suite à son « Fabuleux destin d’Amélie Poulain ». Réponse du premier adjoint au maire de Paris : « l’esthétique ultra-léchée d’Amélie Poulain n’a jamais ressemblé à l’esthétique de Paris ».

On ne s’attaque pas impunément à la beauté des villes. Dans son dernier roman, Sérotonine, Michel Houellebecq dit de Niort qu’elle est « l’une des villes les plus laides » qu’il lui ait été donné de voir. « Sortez un peu de la sphère parisienne et revenez-nous voir » lui a écrit le député LREM des Deux-Sèvres, Guillaume Chiche.

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Car la ville moche serait une vue de l’esprit, l’esprit parisien surtout. Le magazine Technikart en fut le meilleur exemple il y a quelques années, en consacrant tout un dossier à la Creuse et à sa préfecture Guéret : « une ville quasi-morte », « un désert culturel » où « il y a des ploucs, des viocs, des bovins en surnombre ». Et que dire de l’entrée des villes, et des zones périurbaines qui firent l’objet d’ un article retentissant dans Télérama il y a presque 10 ans : « Comment la France est devenue moche » ?

« Qu’est-ce qu’une ville moche ? »

Vidéos :

Eric Chauvier :

A force de dire que la France périurbaine est moche, on s’intéresse assez peu à ces façons d’habiter un peu alternatives. Je dirais même que ces périphéries urbaines sont beaucoup plus chargées en imaginaire, la créativité y est beaucoup plus importante que dans la ville-centre.

David Mangin :

Les vertus du Paris-centre, à mon avis, c’est la complexité. Ce sont des strates successives qui créent la surprise. Si on connaît un peu l’histoire urbaine, on voit qu’il y a eu une rue médiévale, puis des lotissements du 17ème, puis des opérations d’urbanisme du 18ème siècle, puis des opérations haussmanniennes… C’est cette imbrication qui crée l’émotion. Au-delà du périphérique parisien, il y a les faubourgs et les banlieues. Cela m’intéresse beaucoup parce que ce sont des endroits où cela peut bouger, où l’on accepte des ateliers, diverses fonctions que l’on n’accepte plus dans le centre-ville pour des arguments pseudo-esthétiques.

Olivier Razemon :

Il faut prendre le temps de se promener, de préférence à pied, y compris dans des zones qui ne sont pas forcément faites pour ça. Il faut aller voir et puis on se rend compte qu’il y a une grande diversité.

Articles :

"Le fabuleux Paris d’Amélie Poulain n’existe plus", Le Figaro, le 13/05/2019

"Le Havre, bijou d'architecture", Le Parisien, le 29/11/2015

Opinions :

"Notre-Dame est-elle vraiment perçue comme un « beau monument » par tous les Français ?", Fabrice Raffin, socio-anthropologue, pour The Conversation, le 18/04/2019

"A Marseille, «il y a une forme d’exotisme de proximité qui est à l’œuvre»", Michel Peraldi, sociologue, pour Libération, le 15/11/2018

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