Interview

Encadrement des loyers à Paris le 1er juillet : «Redonner un peu de pouvoir d'achat»

Ian Brossat, l'adjoint PCF à la maire de Paris en charge du logement, a annoncé mercredi l'entrée en vigueur d'un encadrement des loyers dans la capitale à partir du 1er juillet. Objectif: calmer la fièvre des prix.
par Tonino Serafini
publié le 30 mai 2019 à 7h23

Pour prendre la mesure de la flambée des loyers à Paris, une simple recherche sur un site d'annonces immobilières suffit. Un minuscule studio de 16 m² dans le XIIIarrondissement ? 680 euros. Un deux-pièces de 35 m² dans le XIX? 1 150 euros. Un appartement familial de 80 m² dans le XV: 2 327 euros. Dans la capitale, la cherté du logement anime les discussions de comptoirs, les déjeuners entre collègues de bureaux, les soirées entre amis. Et le débat politique. Depuis plusieurs années, la mairie de Paris tente de calmer cette inflation locative par un encadrement des loyers. Mais un premier arrêté pris en 2015 avait été annulé deux ans plus tard par la cour administrative d'appel, après un recours d'une association de bailleurs et de syndicats de l'immobilier. Mercredi, Ian Brossat, adjoint (PCF) en charge du Logement, a annoncé l'entrée en vigueur d'un nouvel encadrement à partir du 1er juillet. Interview.

Qu’est-ce qui a amené la mairie de Paris à vouloir mettre en place un nouvel encadrement des loyers ?

Les Parisiens souffrent de niveaux de loyers qui vampirisent considérablement leur pouvoir d’achat. Certains ménages consacrent jusqu’à 40 ou 50% de leurs revenus au logement. Au cours des deux dernières années, nous avons œuvré auprès du gouvernement pour qu’il prenne une nouvelle mesure permettant d’encadrer les loyers. Cela a été fait dans le cadre de la loi Elan (Engagement pour le logement et le numérique) qui a été votée en 2018. Ce texte permet aux villes qui le demandent de mettre en place cet encadrement, pour une durée expérimentale de cinq ans. A l’appui de sa requête auprès du ministère du Logement, la ville concernée doit démontrer qu’elle est confrontée à une forte distorsion entre l’offre et la demande locative, qui fait donc flamber les loyers. Cela n’a pas été difficile à prouver pour la capitale.

Quelles ont été les étapes de cette mise en place ?

En décembre, le Conseil de Paris a adopté une délibération en faveur de cet encadrement. Toute la gauche a voté pour, mais aussi les centristes de l’UDI et du Modem. La droite a voté contre, affirmant qu’une telle mesure allait raréfier l’offre. Elle a expliqué en substance que c’était pour le bien des locataires qu’elle votait contre l’encadrement. Un argument qui fait rire beaucoup de Parisiens que je rencontre lors des réunions publiques. Une fois la délibération votée, nous nous sommes tournés vers le ministère du Logement pour demander l’encadrement. Ce qui a été accepté. L’arrêté qui encadre les loyers a ensuite été signé par le préfet.

Comment fonctionne concrètement l’encadrement ?

La capitale est subdivisée en 80 secteurs. L'arrêté précise le niveau de loyer maximum qui peut y être pratiqué. Ce tarif correspond au loyer médian constaté dans chacune de ces zones, qui peut être majoré de 20%. Il va s'appliquer pour tous les contrats de location qui seront signés à partir du 1er juillet. Si dans un secteur donné, le loyer médian est de 20 euros le mètre carré par exemple, le prix maximum des nouvelles locations ne pourra donc pas dépasser les 24 euros le mètre carré [20 euros plus la majoration de 20%, donc 4 euros, ndlr].

Que répondez-vous aux détracteurs de cette mesure ?

Les associations de propriétaires sont hostiles à la mesure et ce n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Plusieurs études réalisées après l’annulation de l’encadrement des loyers de 2015 par la cour administrative d’appel ont montré qu’il y avait eu ensuite de fortes hausses de loyers. Certains prétendent que l’encadrement des loyers explique le boom d’Airbnb, les propriétaires préférant louer à la journée ou à la semaine aux touristes – et parfois en toute illégalité – plutôt qu’en bail normal. En réalité, ce boom avait eu lieu bien avant l’encadrement de 2015. Et je précise que les villes de New York, San Francisco, Londres ou Rome, où il n’existe pas d’encadrement des loyers, sont autant confrontées que nous au phénomène Airbnb.

Que dites-vous aux propriétaires qui contestent ?

Je leur réponds que l’encadrement n’aboutit pas à des niveaux de loyers que l’on pourrait qualifier de sociaux. Cette mesure ne fait que gommer les excès les plus scandaleux. Les tarifs abusifs touchent souvent les petites surfaces et donc les jeunes travailleurs, les étudiants. Des chambres de 10 m² avec WC sur pallier sont louées 500 euros. Les jeunes locataires de ces logements subissent la double peine : ils vivent dans des surfaces exiguës et payent un tarif au mètre carré totalement démesuré.

Et que dites-vous aux locataires ?

Les deux tiers des parisiens sont locataires. La mesure vise à leur redonner un peu de pouvoir d’achat en empêchant les excès et à leur permettre de continuer à se loger dans la capitale en essayant de calmer la fièvre locative. Dans les réunions publiques, les gens nous disent qu’ils n’en peuvent plus des loyers chers. La preuve : 130 000 ménages parisiens sont demandeurs d’un logement HLM. Confrontés au niveau très élevé de leur loyer dans le privé, ils tentent leur chance dans le logement social. Les gens payent cher, mais de plus, beaucoup se serrent dans des logements trop petits comparés à la composition de la famille. Pour vivre à Paris, une famille avec un enfant va se loger dans un deux-pièces à 1 100 euros car elle n’a pas les moyens de payer les loyers d’un trois-pièces à 1 600 euros.

Quid des débats politiques sur le logement dans les grandes villes demain ?

Les débats sur la question des loyers chers traversent toutes les grandes villes mondiales. Dans nombre d’entre elles, comme à Paris, il n’y a plus de terrains disponibles pour construire des nouveaux logements. Il n’est plus possible d’abonder l’offre à hauteur des besoins de manière à calmer la flambée des prix. Donc dans les années à venir, la question de la régulation restera au centre des débats.

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