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« Les “mégafeux” sont l’effet et la cause du réchauffement climatique »

Les incendies hors normes sont désormais une réalité planétaire, et la protection de nos forêts exige de retrouver un rapport de bonne intelligence avec la nature, plaide la philosophe Joëlle Zask.

Propos recueillis par Luc Cédelle

Publié le 07 octobre 2019 à 03h11, modifié le 07 octobre 2019 à 09h42

Temps de Lecture 8 min.

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« Mégafeu » près de Big Bend, dans le nord de la Californie, en novembre 2018.

Philosophe, maîtresse de conférences à l’université de Provence Aix-Marseille-I, spécialiste de philosophie politique et du pragmatisme, Joëlle Zask vient de publier Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique (Premier Parallèle, 208 pages, 17 euros).

En quoi les gigantesques incendies, comme celui observé en Amazonie, constituent-ils une nouveauté ?

Cela apparaît comme une nouveauté dans l’opinion, mais pas dans les faits, car des feux de cette amplitude existent depuis une vingtaine d’années. Longtemps, ce phénomène est passé relativement inaperçu. Des chercheurs américains, témoins des feux à répétition en Californie, ont contribué à une prise de conscience. Jerry Williams, ancien responsable du United States Forest Service, le service américain des forêts, a inventé le terme « megafires », que je reprends à mon compte en parlant de « mégafeux ».

Par leur intensité, leurs conséquences, leur durée et leurs dimensions, ces feux hors normes, de plus en plus incontrôlables, sont à la fois un effet et une cause du réchauffement climatique. Ils ravagent l’Amazonie, bien sûr, mais sévissent aussi en Sibérie, dans toute l’Indonésie, en Afrique, en Australie, en Europe du Nord, y compris près du cercle polaire…

La focalisation récente sur la seule forêt amazonienne occulte le fait qu’ils existent sur tous les continents. De ce point de vue, il reste un écart entre la réalité et sa perception par l’opinion publique. Même l’incendie baptisé « Camp Fire » qui, en Californie, a duré du 8 novembre au 3 décembre 2018 et a détruit la ville de Paradise, faisant 85 victimes, a été perçu de manière relativement biaisée. La fuite éperdue des habitants et le caractère héroïque du combat contre les flammes ont transformé l’événement en une série à suspense, occultant sa dimension écologique.

De plus, l’idée que ces incendies, tout en étant terrifiants, sont « naturels », voire bons pour la régénération de la forêt, perdure dans l’esprit d’une partie des citoyens. Elle tend à sous-estimer cette nouvelle réalité des « mégafeux », que je traite, pour ma part, comme une alerte et un « accélérateur d’opinion » en faveur d’une action pour la sauvegarde de nos conditions d’existence.

« Moins il y a de gens dans les forêts pour s’en occuper, plus elles sont encombrées et plus elles brûlent »

Le lien entre la crise climatique et la multiplication des « mégafeux » qui, en outre, concourent à l’aggraver, est aujourd’hui totalement établi. Le réchauffement accroît mécaniquement le stress hydrique de la plupart des forêts, excessivement inflammables du fait qu’elles sont défrichées, fragilisées par des monocultures ou des nuisibles, et encombrées de matières sèches. Par exemple, dans la Drôme, les forêts de buis sont dévastées par la pyrale du buis, et personne ne ramasse le bois mort. D’autres causes viennent encore s’y ajouter, en particulier l’amenuisement du pastoralisme et des activités forestières en général. Moins il y a de gens dans les forêts pour s’en occuper et, en quelque sorte, les cultiver, plus elles sont encombrées et plus elles brûlent.

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