Chronique. A l’aube de l’année 2020, comme durant tout le siècle écoulé, les Français rêvent à l’unisson de faire leur nid aux franges d’une petite ville conviviale et douillette. Un centre bourg où le commerce de proximité fleurit dans des rues proprettes à deux pas d’une nature préservée, tandis que de diligents transports publics desservent à tout moment la grande ville voisine, son réservoir d’emplois et son offre de loisirs.
Cet idéal croise nostalgie villageoise et vieille utopie de la ville nature, envie de campagne et besoin de centralité, attachement à la maison individuelle et soif de sociabilité. Il est à nouveau celui qui domine les réponses au sondage Ipsos réalisé à l’occasion du 21e Prix du livre d’économie, mercredi 18 décembre, et publié dans Le Monde. Pas facile pourtant de suivre le cap indiqué par cette paradoxale boussole.
« Construire les villes à la campagne, car l’air y est plus pur » : un peu partout sur le territoire, élus, aménageurs, promoteurs, ont tenté sans rire et sans relâche de mettre en œuvre la boutade d’Alphonse Allais – mais la recette, on le sait, a surtout produit un dramatique étalement urbain, des lotissements conçus pour les automobiles plus que pour les humains, et des infrastructures balafrant partout le paysage.
Cet appétit pour un impossible mariage des contraires nourrit aussi la folle croissance des bourgs périurbains, aspirés dans l’orbite des grandes villes. Au point que celles-ci finissent par les absorber, contribuant à créer ces métropoles obèses et engorgées que la plupart des Français rejettent comme le pire des modèles.
Inachèvement, inattendu et spontanéité
Comment inventer un urbanisme qui ne fasse pas fuir ses habitants ? rendre attirante cette densité que les professionnels de l’aménagement érigent en condition de la ville durable ? C’est l’un des défis de l’Université de la ville de demain, portée sur les fonts baptismaux le 17 décembre par le think tank La Fabrique de la cité et la Fondation Palladio, deux institutions de réflexion sur la ville, intimement liées aux entreprises de la construction et de l’immobilier.
Que les professionnels se demandent comment donner aux gens l’envie d’habiter les villes qu’ils construisent, voilà qui paraît sain. Cette quête pourrait les conduire plus loin qu’ils n’imaginent, vers un changement de culture ou de méthode. Ainsi, par exemple, l’architecte Patrick Bouchain, qui s’est vu remettre le Grand Prix de l’urbanisme ce même 17 décembre, œuvre depuis des décennies à bâtir des projets collaboratifs dont les utilisateurs pourront s’emparer à leur guise, des projets qui assument parfois d’en faire le moins possible, qui revendiquent leur inachèvement pour laisser place à l’inattendu.
Il vous reste 36.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.