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Interdire le diesel? Une mesure urgente de santé publique

La pollution de l’air, dont le diesel est largement responsable, cause plus de 12.000 décès par an en Belgique. Sans mesures fortes à court terme, le coût sanitaire sera considérable. L’exemple de Tokyo doit nous inspirer.

Carte blanche - Temps de lecture: 4 min

La question l’interdiction du diesel en ville s’est invité récemment dans le débat politique avec la proposition de la ministre Céline Fremault de l’interdire à Bruxelles en 2030.

Ce faisant, Bruxelles s’inscrit dans un mouvement global. Cette interdiction sera effective à Paris, Madrid, Rome et Athènes en 2024.

L’interdiction totale du diesel a été décidée graduellement depuis 1999 à Tokyo où la mortalité a diminué de 22 % pour les maladies pulmonaires et de 11 % pour les maladies cardiaques.

À lire aussi Comment Bruxelles prend le chemin d’une interdiction du diesel en 2030

Plus de 12.000 décès chaque année en Belgique

Le problème est complexe dans la mesure où le diesel n’est pas le seul responsable de la pollution de l’air qui tue chaque année, dans notre pays, plus de 12.000 personnes. Cependant, par comparaison avec un moteur essence, un diesel émet des quantités trois fois plus importantes de dioxyde d’azote ainsi que du black carbon, un composant particulièrement toxique des particules fines. Une étude récente de l’université d’Oxford démontre que l’impact du diesel sur la santé publique au Royaume-Uni est cinq fois plus nocif que celui des moteurs à essence et 20 fois plus que celui des moteurs électriques !

5 % du budget soins de santé

Cette même étude évalue à 6,8 milliards d’euros le montant de dépenses de santé que génère la pollution atmosphérique provoquée par les véhicules et chiffre à 88 % la part du diesel dans ce montant. Appliqué à la Belgique, cela chiffrerait à 1,15 milliard d’euros les dépenses induites par les pathologies provoquées par la mauvaise qualité de l’air, soit près de 5 % du budget 2018 des soins de santé. Bien entendu, ce montant doit être ajusté à la réalité belge mais la structure comparable de la prévalence des maladies cardiorespiratoires permet de se faire une idée de l’ordre de grandeur de cet impact.

À lire aussi « La population vit dans un air dangereux » : l’appel de 100 médecins belges contre la pollution

Inverser la logique

Ce coût astronomique en termes de mortalité et de dépenses de santé oblige à envisager des mesures radicales permettant de réduire l’effet de la pollution atmosphérique sur la santé. L’exemple de Tokyo démontre qu’il est tout à fait possible de combiner cette radicalité et la viabilité d’un centre urbain.

Un des enjeux majeurs du financement du système de soins de santé se situe dans l’émergence de maladies dites de civilisation, liées à notre modèle de société. Nos systèmes de soins de santé pallient de plus en plus par des dépenses curatives, un défaut de prévention. Il faut inverser cette logique si on souhaite maintenir un système payable et accessible.

Des arguments favorables à nuancer

Une prise de conscience se perçoit à partir des intentions des politiques mais également d’actions citoyennes qui se multiplient dans les villes belges. Mobilisation particulièrement sensible autour des écoles car, outre ses conséquences sur le système respiratoire et cardiaque, la pollution atmosphérique a des effets très dangereux sur le développement neurologique des enfants.

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Sans être le seul visé, le diesel figure en tête de liste des causes de la pollution atmosphérique. A sa décharge, ses partisans font valoir que les progrès technologiques réalisés ces dernières années en feront le carburant fossile le moins polluant. L’argument est sans doute recevable mais doit être nuancé. D’une part, l’émission de dioxyde d’azote par les véhicules diesel n’est ramenée à des normes « acceptables » que depuis 2015 et l’entrée en vigueur de la norme EURO 6. Cela signifie que l’immense majorité des véhicules mis en circulation avant cette date continuent à dégager des taux excessivement létaux de ce polluant. D’autre part, le Dieselgate incite à une grande prudence face à ces données d’autant qu’il subsiste des doutes sur l’efficacité réelle des technologies antipollution des nouveaux moteurs diesel qui n’est démontrée, à ce stade, que sur un plan purement théorique.

Le précédent de l’amiante

La disparition complète des véhicules diesel antérieurs à la norme EURO 6 est bien prévue à Bruxelles à partir de 2025 (alors qu’Anvers autorisera encore les véhicules EURO 5 moyennant paiement) mais compte tenu de ces doutes et des dérogations notamment pour les camions, une interdiction totale aurait nettement plus d’impact. Elle doit s’accompagner de promotion d’alternatives à la voiture ainsi que de mesures de restriction du trafic autour des écoles et en cas de pics de pollution.

Il y a 20 ans, l’interdiction de l’amiante était promulguée après des décennies de controverses sur son utilité pourtant démontrée par de nombreux travaux scientifiques. Il y a fort à penser que sans mesures fortes à court terme, le coût sanitaire de la pollution de l’air nous reviendra dans un délai similaire à la manière d’un boomerang.

 

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4 Commentaires

  • Posté par Georges-marc Andre, vendredi 15 juin 2018, 14:58

    Désolé, il est scientifiquement prouvé que les nouveaux moteurs diesel Euro 6 sont moins nocifs que tous les autres et que de nouveaux progrès sont actuellement élaborés sur les futurs moteurs diesel. Par contre, il est également prouvé que l'absence d'investissements sur le réseaux routier durant toutes ces années durant lesquelles écolo a été au pouvoir, est la cause de l'engorgement croissant de nos routes, de leur mauvais état, de leur saturation et des bouchons que nous subissons maintenant. Bouchons qui sont eux-même la cause d'une croissance de la pollution. Nous savons que l'avenir est aux moteurs à hydrogènes, mais nous savons aussi qu'il y aura toujours des esprits rétrogrades pour lutter contre le progrès.

  • Posté par Miguel Roch, vendredi 15 juin 2018, 18:33

    Vous en avez des certitudes, vous! Pourtant, une étude récente sur des singes a démontré à quel point, même un moteur diesel EURO6 est nocif, comparé avec un vieux moteur essence. Quant à l'hydrogène, je doute que ce soit une solution. Ce n'est tout simplement pas rentable: pour produire une mole d'hydrogène il faut deux fois plus d'énergie que ce qu'elle contient, et ce, alors que le rendement d'un moteur à explosion est faible.

  • Posté par Bernard Dropsy, vendredi 15 juin 2018, 12:22

    C'est très bien tout cela, mais ce serait encore mieux de s'occuper de la même manière des produits chimiques que l'on nous fait ingurgiter ! Rien que ces deux mesures contribueraient à regonfler le budget des soins de santé puisque c'est surtout ça qui est visé ! La santé en elle-même viendra ensuite, c'est pourquoi je suis pessimiste par rapport aux saloperies chimiques que l'on nous fait avaler !

  • Posté par Eric Lavenne, vendredi 15 juin 2018, 11:43

    Voici, un article évoquant ,Bien, LES problématiques du Diesel et ses résultantes délétères , et ce particulièrement "en ville(s)" Cependant, méfiez vous des % utilisés exclusivement à des fins médicales car ceux ci(les %) englobent assez régulièrement des étiologies diverses dont certaines déjà gravissimes au départ se voient encore majorées en nos villes , de par les polluants (et en particulier ,celui impliqué ici : le devenu mal nommé "diesel") .Pour ce dernier ; son alternative crédible au niveau "camion" demeure encore , à ce jour une sorte de gigantesque casse tête à résoudre impérativement. Il en va de même des infrastructures "archi onéreuses" à prévoir en faveur des véhicules électriques (p.ex.).Mais nul doute qu'en" toute généralité", des recherches et initiatives prometteuses soient en cours ; tandis que d'autres "déjà de mise" le sont , mais encore à l'état restreint .Bref "Bruxelles" sans diesel en 2030 peut paraître lointain ; mais représente indubitablement un objectif lucide et à espérer sincèrement "praticable"

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