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Faire évoluer la politique de stationnement, dix propositions

vendredi 17 septembre 2010,

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Nul n’en doute : la question du stationnement automobile est d’une importance cruciale dans l’organisation d’une politique de mobilité et dans la gestion d’un territoire urbain. Beaucoup d’observateurs, cependant, s’accorderont à considérer la situation présente de l’agglomération liégeoise comme insatisfaisante, toujours caractérisée par la conviction, manifeste dans le chef d’une majorité de décideurs politiques, que son accessibilité automobile détermine la vitalité d’une ville. En sorte que l’offre de stationnement, quoi qu’on en dise, augmente régulièrement (récemment, on notera en particulier, l’ouverture de plusieurs milliers de places de parking sous la Médiacité et aux Guillemins). Fort logiquement, la saturation automobile de la ville ne peut, dans ces conditions, que s’accroître. En conséquence de quoi, globalement, l’accessibilité des quartiers les plus denses a plutôt tendance à diminuer. Il faut notamment souligner que les bus sont, dramatiquement englués sur plusieurs axes importants (rue Grétry, rues Buisseret et de Sclessin, rue d’Amercœur, rue Puits-en-Sock, Hors-Château,...), perdant de précieuses minutes, désorganisant de ce fait le réseau, décourageant en fin de compte de nombreux usagers potentiels.

Bref, la doctrine visant, selon les termes du Plan communal de mobilité (PCM), à « augmenter l’attractivité du stationnement utile au centre-ville » nous mène dans l’impasse. Nous plaidons pour une approche résolument alternative : le commerce du centre-ville, à qui est censé bénéficier cette politique, ne fera selon nous jamais concurrence aux centres commerciaux périphériques existants en s’alignant sur leurs standard extensifs en matière de stationnement ; mais bien en proposant autre chose, en termes de qualité, de diversité, d’urbanité,... En renonçant à poursuivre une « accessibilité » exclusivement automobile qui s’avère en fait illusoire, il gagnera aussi en accessibilité réelle.

La politique de stationnement liégeoise, à nos yeux, reste donc largement à construire. Les hésitations en témoignent, qui se sont manifestées au sein du Collège communal depuis de longs mois autour de plusieurs projets de parkings en ouvrage, en particulier celui qu’il est — était ? — question de construire sous le Quai-sur-Meuse et/ou la Place Cockerill. Nous tenons cependant à saluer, sur ce point, une évolution positive du débat : le renoncement de la Ville, annoncé dernièrement par son bourgmestre, à prendre en charge la construction de ce parking, souhaité (exigé ?) par un promoteur immobilier, est, s’il se confirme, un signal positif. Le refus du diktat du promoteur ouvre en effet la porte à une prise en considération globale du problème, plutôt qu’à une gestion au cas par cas.

La journée internationale « Park(ing) Day », fondée en 2005 à San Francisco par le collectif d’art urbain Rebar et organisée cette année sur tous les continents |1|, est une bonne occasion pour parler de ce problème, d’autant plus qu’elle tombe en pleine semaine de la mobilité. Cette action ludique et créative de « user generated urbanism », selon la formule de ses fondateurs, vise, en transformant pour quelques heures des places de parking en espaces conviviaux, à montrer l’incroyable gaspillage que constitue l’affectation majoritaire de l’espace public à la voiture individuelle (circulation et stationnement en consomment en effet plus de 70 %).

L’asbl urbAgora a voulu saisir cette occasion pour formuler une série de dix propositions visant à alimenter le débat liégeois de façon constructive. Ces propositions concernent principalement la Ville de Liège.

Elles visent à deux buts : optimiser, d’une part, l’usage de l’infrastructure existante, pour éviter de gaspiller des ressources ; favoriser, d’autre part, un report modal conséquent de la voiture vers le transport en commun, la marche ou le vélo — ce report étant la seule manière d’obtenir à la fois un gain d’accessibilité pour les usagers de la ville et un gain de qualité de vie pour ses habitants. Et la seule manière d’obtenir le report modal, c’est de réduire l’offre de stationnement.

Si nous n’abordons dans ce document que les questions strictement liées à l’enjeu du stationnement automobile, il est cependant important de souligner que la mise en service du tram, attendue d’ici quelques années, constitue — a fortiori s’il ne se limite pas à une unique ligne de fond de vallée mais amorce un véritable réseau — une échéance majeure, une opportunité de premier plan d’opérer un « big bang » dans la mobilité à Liège, qui pourrait notamment prévoir, simultanément à l’inauguration du tram, la fermeture de plusieurs parkings du centre-ville.

1. Réaliser un cadastre du stationnement

Avant d’envisager de (laisser) construire de nouveaux parkings, il est nécessaire d’examiner dans quelle mesure il est éventuellement possible d’optimiser l’usage du stock actuel, en ce compris dans les (grands) parkings privés. À cet égard, nous préconisons la réalisation d’un cadastre du stationnement, qui permettrait de savoir très précisément où et à quelles moments dans la semaine d’éventuelles saturations des infrastructures existantes sont observées.

2. Mettre en place une signalétique intégrée

Défendue depuis longtemps par de nombreux acteurs du débat liégeois, la mise en place d’un système d’information en temps réel doit passer de la parole aux actes. Ce système, qui pourrait être décliné sur différents supports (panneaux digitaux aux entrées de la ville, applications pour smartphones, site web,...), permettrait d’orienter les automobilistes directement vers les parkings non saturés.

3. Ne pas multiplier les cartes de riverains

Actuellement, chaque foyer liégeois situé dans une des zones concernées, peut disposer gratuitement de trois cartes de riverains. Nous proposons de limiter ce nombre à deux. La troisième carte resterait possible, mais serait payante, sauf cas particuliers. Dans le même temps, nous pensons nécessaire d’augmenter le nombre de places de stationnement réservées aux riverains (de même que celles réservées aux PMR) là où les besoins sont manifestes (une interface efficace de communication entre les riverains et la ville devrait sur ce point être envisagée). Il importe enfin de simplifier les démarches administratives, notamment en permettant la commande d’une carte de riverains par Internet et son envoi par la poste.

4. Faciliter l’auto-partage

La pratique de l’auto-partage (« car sharing ») doit être soutenue. Elle réduit en effet significativement la dépendance à la voiture individuelle de ses utilisateurs (un déplacement devant être planifié, on recourt beaucoup moins à la voiture lorsqu’elle n’est pas nécessaire) mais aussi l’impact pour la collectivité (en réduisant le nombre de véhicules en circulation) ainsi que le coût pour l’usager. Cette pratique peut prendre différentes formes — système de mutualisation (Cambio), location ponctuelle, solidarités familiales ou de voisinage,... — et nécessite une attention particulière en matière de stationnement. Une possibilité serait de ne plus lier les cartes de riverains à une plaque minéralogique particulière. Ce qui permettrait par exemple à un utilisateur de Cambio ou d’un autre dispositif d’auto-partage de stationner, dans son quartier, sur les emplacements réservés aux riverains.

5. Remettre à plat le système de la « vignette »

La Ville de Liège propose, à qui le souhaite, une formule de stationnement en voirie particulièrement avantageuse : la « vignette », pour 500 EUR par an, donne droit au stationnement libre sur les emplacements situés en voirie. Même si son prix a été récemment augmenté, il reste à nos yeux beaucoup trop avantageux et constitue un obstacle sérieux à une modification des pratiques de mobilité.

6. Inciter les commerçants à traiter tous leurs clients sur un pied d’égalité

À ce jour, un certain nombre de commerces du centre-ville offrent, à partir d’un certain montant dépensé, une heure de parking « gratuit » à leurs clients. Par la force des choses, seuls les automobilistes bénéficient de ce rabais. Les autres clients, notamment ceux qui se déplacent en transports en commun, n’en bénéficient jamais. Nous proposons aux commerçants de donner le choix à leurs clients entre, par exemple, une heure de parking ou un ticket de bus. Dans le même ordre d’idées, il serait souhaitable que les commerçants qui contribuent à la mobilité de leurs clients fassent également un geste pour les cyclistes, en facilitant, là où c’est possible, le stationnement des vélos. Nous demandons aux autorités communales d’entreprendre une campagne de sensibilisation en ce sens.

7. Modifier la logique du règlement d’urbanisme

À l’heure actuelle, toute construction d’un bâtiment sur le territoire communal liégeois implique la construction d’un certain nombre de places de parking, en fonction de la surface bâtie. Conséquences de cette réglementation, on relève des situations absurdes, notamment celles de ménages ayant fait le choix de ne pas avoir de voiture qui, construisant une maison, se voient obligés de prévoir un garage... dont ils n’auront pas l’usage. Nous demandons en conséquence la suppression, dans le règlement communal d’urbanisme, des normes minimales en matière de stationnement (i.e. le droit de construire un immeuble totalement dépourvu de parking) et sa substitution par une règle calquée sur le modèle bruxellois (une norme de parking maximale variant en fonction de la desserte en transports en commun de la zone). Dans le même temps, nous demandons l’inscription dans ce règlement de l’obligation, dans tout immeuble neuf ou rénovation lourde, de prévoir des emplacements de rangement sécurisés pour les vélos, en nombre suffisant.

8. Faire disparaître progressivement les parkings en élévation

Le centre-ville de Liège compte un certain nombre de parkings en élévation (St Denis, Magnette, Anneau d’Or, St Paul, Neujean,...). Ces très encombrants équipements gaspillent à nos yeux du volume bâtissable qui pourrait être dévolu à d’autres fonctions et en particulier au logement, vis-à-vis duquel ils constituent une concurrence non acceptable. Nous demandons en conséquence le non-renouvellement, au fur à mesure de leurs expirations respectives, des permis d’exploitation accordés à ces parkings. S’il est nécessaire de construire du parking en ouvrage dans le centre-ville, qu’on le fasse en sous-sol. Ce point doit être lié à la question du « big bang », évoquée dans l’introduction, ainsi qu’à la question de la piétonisation (dont il est, à certains endroits, une condition).

9. Poursuivre le développement du piétonnier

De nombreux arguments plaident en faveur de la poursuite de la piétonnisation du centre-ville : prochain passage du tram, santé et qualité de vie des habitants, attrait touristique,... Parmi les zones où le piétonnier devrait être agrandi, relevons en particulier : le quartier de la place Neujean (rue de la Casquette, rue Laruelle, place Neujean), le quartier Feronstrée, dans le cadre du passage du tram, le quartier St Denis (rue de la Madeleine, rue Souverain-Pont), le Quai-sur-Meuse, Outremeuse (Boulevard Saucy, axe Amercoeur-Pont des Arches,...). La création de nouveaux piétonniers doit favoriser la mise en place d’itinéraires cyclo-pédestres permettant de rejoindre le centre-ville depuis les quartiers qui lui sont proches (par exemple l’axe Puits-en-Sock – Chaussée-des-Prés, reliant Amercoeur à l’hypercentre).

10. Relativiser la pertinence des « parkings de dissuasion »

Les « parkings de dissuasion » (alias « parcs relais » ou « P+R ») sont régulièrement présentés comme la panacée pour résoudre les problèmes de mobilité urbaine. Notre avis est plus nuancé.
Ces dispositifs présentent en effet deux inconvénients majeurs :

— Pour être attractifs, du moins dans un contexte où l’offre au centre-ville reste importante, ces parkings sont souvent liés à une tarification particulièrement attractive (gratuité de stationnement et billet de transport en commun à prix cassé). Ceci pose un problème d’équité : pour quelle raison un habitant de Sclessin, de Rocourt ou d’Herstal devrait-il, par exemple, payer le prix plein pour se rendre en bus au centre-ville alors même que l’automobiliste venant garer sa voiture dans un parking situé à Sclessin, Rocourt ou Herstal bénéficierait quant à lui d’un tarif (très) avantageux ?

— Ces parkings constituent une rude concurrence à l’égard des transports publics péri-urbains qui constituent pourtant le meilleur moyen de se rendre en ville en venant de l’extérieur.

La construction de ces « P+R », par ailleurs plutôt coûteuse, doit donc être envisagée avec prudence, et en veillant à ce que la politique tarifaire ne soit pas discriminatoire pour les autres usagers des transports communs.

 

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