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« Médiaciné », les cinémas de trop ?

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Avis dans le cadre de l’enquête publique portant sur la réalisation d’un complexe cinématographique de six salles sur le site de la « Médiacité » (projet « Médiaciné », dossier n° 82007).

Localisation du projet

1. Remarques générales

Suite à l’analyse de la demande de permis d’urbanisme pour un complexe cinématographique de six salles pouvant accueillir 1100 spectateurs sur le site de la « Médiacité », au coin de la rue Armand Stouls et du quai Mozart, nous souhaitons exprimer plusieurs remarques. Elles concernent principalement les incidences socio-économiques, de mobilité et de sécurité d’un tel projet sur le quartier du Longdoz, ses habitants et sur la ville dans son ensemble.

Nous ne doutons pas que les Liégeoises et les Liégeois et en particulier les habitants du quartier du Longdoz seraient probablement heureux d’apprendre que le chantier de la « Mediacité » pourrait bientôt toucher à sa fin, après 20 années de saga. On se rappelle en effet que la première demande de certificat d’urbanisme date de 1995. La démolition des anciens laminoirs du Longdoz, qui occupaient le site, a quant à elle eu lieu en l’an 2000 et le début de la construction de la « Mediacité », pas encore complètement achevée à l’heure actuelle, donc, date du mois de juin 2007 ; l’inauguration de la galerie marchande datant du mois d’octobre 2009. Nous ne perdons pas non plus de vue que ce centre commercial reste l’un des rares grands projets, à l’échelle du territoire communal, à avoir été menés sur la rive droite de la Meuse durant ces quinze dernières années.

Le projet de constructions de ces six salles de cinéma, s’il se réalise, viendrait visuellement finaliser les contours du complexe commercial et refermer le périmètre prévu de son emprise au sol, soit plus de 65 000 m² au total, témoignant de la vitalité économique de Liège.

Nous sommes par ailleurs convaincus que le centre-ville de Liège a vocation non seulement à se densifier mais aussi et à s’élargir dans les années à venir, en estompant peu à peu la frontière entre le centre et les quartiers que l’on a pris, à Liège, l’habitude de qualifier de « péri-centraux » (Sainte-Marguerite, Saint-Léonard, Outremeuse, Longdoz,...). Les nouveaux projets urbains devraient, nous l’espérons, permettre de sortir de la dualité entre centre-ville et périphérie, actuellement très marquée, et de viser une véritable continuité du tissu urbain en faveur d’une décentralisation complémentaire à l’offre de services de l’hypercentre. L’implantation de grandes infrastructures en dehors de celui-ci nous semble donc plutôt souhaitable sur le principe.

Ces quelques éléments devraient a priori nous mener à considérer un équipement tel que la « Médiacité » — et le projet de cinémas qui en constitue en quelque sorte l’aboutissement — d’un œil plutôt favorable, au nom de la création d’une polarité urbaine en rive droite — quarante ans après la démolition de la magnifique gare du Longdoz — et de l’ouverture du centre-ville vers l’Est. Cependant, une analyse plus détaillée du projet nous a déjà amené à l’égard du centre commercial dans son ensemble et nous amène encore aujourd’hui au sujet plus particulier des cinémas à une appréciation beaucoup moins positive, au vu notamment de l’impact socio-économique du projet, des problèmes de mobilité qu’il va poser, de sa forme recroquevillée sur elle-même |1|, qui nous semble porter directement préjudice au quartier dans lequel il s’insère.

2. Impacts socio-économiques

L’implantation de nouvelles salles de cinéma est, à Liège, un sujet particulièrement délicat. Depuis la « guerre des cinémas » ayant eu lieu durant les années ’90 (durant lesquelles il a été question d’implanter des « multiplexes » — dans la terminologie consacrée — dans une demi-douzaine de sites, à Bavière, à l’emplacement des Bains de la Sauvenière, dans le stade du Standard....), un équilibre économique et culturel semble s’être installé dans l’agglomération, avec le choix de la Ville de Liège d’autoriser la construction par Kinepolis Group d’un complexe de 16 salles à Rocourt, sur le site de l’ancien stade du FC Liège, sonnant le glas des ambitions des autres groupes commerciaux (notamment Gaumont et UGC) ayant cherché à s’implanter à Liège.

Cet équilibre voit donc cohabiter, depuis une quinzaine d’années, un distributeur belge s’étant développé en Europe et nettement orienté vers la diffusion des « grosses machines » commerciales (Kinepolis Group) et une asbl locale, largement soutenue par le public liégeois (on se souvient d’une certaine manifestation en compagnie d’un éléphant...), Les Grignoux, diffusant une programmation relevant plutôt d’un travail de promotion culturelle et ayant atteint, avec la construction du cinéma « Sauvenière » (4 salles) la taille critique — et l’élargissement de son public — lui permettant d’exister dans un paysage où les trop petites structures résistent difficilement.

La construction de nouvelles salles de cinéma — et l’arrivée consécutive d’un troisième acteur dans le paysage liégeois — pourrait sans doute avoir des effets positifs pour le public liégeois, en diversifiant l’offre, peut-être en amenant des films qu’on ne peut voir à Liège aujourd’hui,... à condition de ne pas avoir pour conséquence la fermeture de salles existantes. Le risque en semble malheureusement très réel. Il pourrait prendre la forme d’un retrait du groupe Kinepolis du centre-ville, par la fermeture du cinéma Palace |2|, évoquée à de multiples reprises, même si l’on ignore exactement dans quelle mesure il s’agissait de la part de Kinepolis d’un pur chantage sur les autorités politiques (pour empêcher d’autres acteurs de s’implanter sur la place de Liège) ou d’une réalité économique avérée — on ignore d’ailleurs si la situation a évolué et si le Palace est éventuellement redevenu, au cours des années, suffisamment attractif pour justifier son maintien dans un contexte plus concurrentiel. Ce risque pourrait aussi prendre la forme d’une mise en difficulté de l’asbl Les Grignoux. Dans les deux cas, c’est l’activité nocturne de l’hypercentre, largement soutenue par la présence des cinémas, qui est en cause. Dans le second, ce serait en outre un projet culturel de première importance, une singularité liégeoise largement reconnue partout en Belgique et bien au-delà dont l’équilibre sera au minimum fragilisé, potentiellement mis par terre.

Le promoteur, pour sa part, est convaincu que l’agglomération liégeoise peut voir cohabiter trois acteurs du cinéma sur son territoire, invoquant notamment une croissance démographique qui semble particulièrement optimiste |3|. L’établissement d’une relation mécanique entre croissance démographique et croissance de la demande semble un peu courte. Au-delà d’un relevé quantitatif de l’offre dans la Province et dans ses sous-bassins de consommation, nous ne relevons aucune analyse sur la dynamique culturelle de la zone de chalandise envisagée. Rien ne semble non plus figurer au dossier concernant une possible différenciation de l’offre avec ce qui existe déjà dans la région. Ces arguments nous semblent donc plutôt faibles.

La question ne devrait cependant pas être tranchée dans le cadre de la présente demande, dès lors que le décret régional impose un permis unique pour un établissement de ce type,ce qui implique un processus plus approfondi que celui d’un simple permis d’urbanisme (et notamment la réalisation d’une étude d’incidences sur l’environnement). À cet égard, il est d’autant plus étonnant que la présente demande porte sur un permis d’urbanisme — et non sur un permis unique — qu’une demande de permis unique a déjà été refusée par la Région wallonne,... en raison de l’absence d’une étude d’incidences.

3. Enjeux de mobilité

Considérant l’absence de la moindre infrastructure dédiée au stationnement des vélos dans le projet |4|, considérant l’absence d’ouverture — sauf occasions exceptionnelles — sur l’espace public (qui obligera, il n’est pas inutile de le souligner, une partie des personnes arrivant à pied à faire un long détour par la galerie marchande), considérant le fait que les dernières séances de cinéma se termineront après le passage du dernier bus sur la plupart des lignes passant à proximité, il y a fort à parier que les visiteurs supplémentaires de la « Médiacité » qu’amènera le nouveau cinéma seront, en majorité, des automobilistes.

Si cette perspective ravit certainement les propriétaires de la galerie, qui verront la rentabilité de leur immense parking sous-terrain encore améliorée, il en ira tout autrement pour les habitants et usagers des transports publics. Car les problèmes de mobilité déjà fortement présents dans le quartier en seront inévitablement accentués, avec de nombreuses conséquences.

La vie quotidienne des habitants sera rendue encore plus difficile, par la saturation automobile du quartier qui risque de s’étendre aux soirées et aux dimanches. Les moments de respiration pourraient tout simplement disparaître dans ce quartier qui subit d’ores et déjà une pression automobile exceptionnellement élevée. Il est en effet prévu que le complexe cinématographique soit ouvert 365 jours par an, avec une occupation maximale prévue par ses promoteurs les vendredi soir et durant tout le weekend.

Notons que cette situation va être rendue encore plus délicate par l’ouverture du Centre international d’art de culture (CIAC) sur le site de la Boverie, où la plupart des emplacements de stationnement seront supprimés, étant entendu que ce sont les parkings... de la « Médiacité » qui devront absorber ce flux supplémentaire.
Enfin, sauf à ce que des mesures fortes de priorisation du transport public soient prises (couloirs réservés, priorité aux feux et autres) — ce que nous demandons en tout état de cause à la Ville d’envisager — les usagers des lignes de bus passant dans le secteur (lignes 4, 17, 29, 33, 35, 26 et 31) verront la vitesse commerciale de ceux-ci encore ralentie, ce qui réduira leur attractivité tout en coûtant plus cher à la collectivité.

L’arrivée du tram dans le quartier (Transurbaine) pourrait sans doute changer la donne et redistribuer complètement les cartes de la mobilité dans le quartier, en améliorant très significativement l’offre de transport public, aussi bien qualitativement (confort, vitesse, respect des horaires,...) que quantitativement (la plupart des lignes de bus passant dans le quartier étant saturées à l’heure de pointe). Ce projet n’en est cependant encore qu’au stade de l’étude — aucun financement n’ayant été pour le moment dégagé.

La réalisation de l’axe cyclo-pédestre prévu entre les Guillemins et la Médiacité pourrait également améliorer la situation. Mais si l’esplanade des Guillemins (dans le cadre du tram) et la passerelle sur la Meuse (dont les travaux sont en cours) sont maintenant en vue, la mise en œuvre de cet « axe » entre la Boverie et la « Médiacité » s’avère beaucoup plus difficile et ne pourra se réaliser d’une manière satisfaisante que moyennant des travaux particulièrement lourds visant à reconfigurer le « nœud » routier qui branche entre eux les quais de la Dérivation, le boulevard « de l’automobile » et le quai Mativa, dans le but de dégager des espaces pour la circulation des piétons et des cyclistes (qu’on essaie, par exemple de rejoindre, à pied, la « piazza » depuis le quai Mativa pour se rendre compte de l’ampleur de la tâche). En l’attente d’une solution sur ce point, la connexion de la « Médiacité » — et du projet de cinémas — avec l’axe cyclo-pédestre majeur que constitue le RAVeL restera de toute évidence parfaitement médiocre. Il n’est donc pas étonnant — même si on peut le regretter — que la proximité n’ait quasiment pas été prise en compte dans le projet « Médiaciné ».

Rappelons encore que dans son étude sur le quartier d’Outremeuse, « Outremeuse, île endormie ? » |5| (décembre 2012), urbAgora proposait la création d’un nouvel itinéraire cyclo-pédestre sur la rive Est de la Dérivation, entre la Boverie et le Pont Atlas.

4. Problèmes de sécurité

Les caractéristiques du projet et les problèmes de mobilité cités-plus haut pourraient avoir pour répercussion de nombreux problèmes de sécurité pour tout un quartier.

Nous pensons que les circulations du complexe cinématographique dirigées vers la galerie commerçante ou sa « piazza » ainsi que ses façades aveugles et sans vie sont propices à créer un sentiment d’insécurité en dehors de la galerie, à favoriser les gestes d’incivilité. Rien ne semble envisagé du point de vue de l’éclairage public ni du point de vue des aménagements cyclistes et piétons. Nous estimons également que cet afflux supplémentaire d’automobiles dans le quartier du Longdoz pourrait mettre en danger principalement les usagers les plus faibles du quartier, en commençant par les enfants et les personnes âgées. L’occupation des places de parking réservées aux riverains, la recherche obstinée du parking gratuit à proximité de la « Médiacité » et le parking sauvage sont des phénomènes déjà connus des habitants. Ils ne pourraient que s’aggraver. Est-ce bien de ce genre d’intervention dans leur cadre de vie dont les habitants ont besoin ?

5. Forme architecturale et relation avec le quartier

Depuis de longues années, ce grand coin de parcelle vide offre à la vue des Liégeois et de leurs visiteurs l’image d’un trou béant perceptible à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Si la nécessité semble évidente d’achever la construction de l’îlot, cette nécessité ne justifie pas n’importe quoi.

Pourtant localisé sur un coin d’îlot offrant un grand potentiel de relation, d’intégration et de synergies avec la rue Armand Stouls, le quai Mozart, le quartier du Longdoz et la ville par delà la Dérivation, ce projet semble tout simplement faire abstraction de ces opportunités de créer de l’urbanité. L’analyse de ses circulations et des flux qu’elles induisent montre qu’il est pensé de manière à se connecter et à se tourner presqu’exclusivement sur la galerie commerçante. Ce projet, au lieu donc de renforcer le quartier et alors qu’il dispose de deux « façades » à rue de plusieurs dizaines de mètres chacune, prévoit une entrée principale depuis le premier étage du centre commercial et quasiment aucune interaction avec l’espace public.

Source : RTBF

Son seul accès à rue, situé sur le quai Mozart, sera en effet ouvert uniquement en cas d’événements exceptionnels. On se demande d’ailleurs pourquoi, vu l’absence de tout dégagement devant cette entrée à rue. Trois accès techniques et quatre sorties de secours donneront en outre directement sur le quai Mozart (on peut se poser ici la question de la pertinence de sorties de secours donnant directement... sur une voie rapide), trois sorties de secours sur la rue Armand Stouls, sans compter les cinq sorties de secours prévues dans l’impasse privée poétiquement nommée « Link Stouls » qui rejoint la rue du même nom.

Ce rôle de second plan volontairement donné aux deux façades à rue de l’édifice et le refus dont cette option témoigne de toute interaction avec le quartier et ses habitants les plus proches nous paraissent dévastateurs. Il convient de souligner les conséquences potentiellement mortifères d’une telle architecture sur la ville, avec pour exemple frappant cet acharnement sur la rue Armand Stouls, ramenée au statut de « canyon technique ».

Tel que prévu, ce complexe de cinéma ne va donc en rien contribuer à établir une interface entre la « Médiacité » et son quartier. C’est d’autant plus regrettable que, sur ce plan, la « Médiacité » est un fiasco incontestable : coupure de la rue d’Harscamp, multiplication des façades aveugles, privatisation de fait de la place Henriette Brenu pour servir d’entrée de prestige au centre commercial, alors que cette place était le seul espace public piéton du quartier, etc.

Il n’est donc pas étonnant que la « Médiacité » n’ait pas joué un rôle polarisant au service de son quartier ni n’ait développé une dynamique commerciale hors de ses seuls murs, ni n’ait amené à étendre vers le Longdoz le périmètre qui est perçu comme « le centre ville ». Elle n’était pas destinée à cela.

À voir l’état présent du quartier du Longdoz, il nous semble qu’il est grand temps d’arrêter les frais, et de profiter de toutes les opportunités foncières encore disponibles pour développer des fonctions utiles aux habitants et amener des espaces de respiration.

6. Recommandations

Compte tenu des arguments énumérés jusqu’ici, il nous semble que la demande de permis de bâtir de ce projet devrait être refusée par l’autorité communale.
Nous sommes convaincus que le site Stouls/Mozart devrait accueillir une autre fonction, de préférence un projet multifonctionnel profitant pleinement des potentialités du site, permettant de dégager un espace public, et largement tourné vers le quartier.

Si vous deviez cependant considérer que la fonction proposée est la bonne et doit être retenue, nous pensons que, a minima, l’expression formelle du projet proposé devrait être profondément revue, pour dégager, sur le site, un espace public — peut-être un espace vert — dont le quartier a le plus grand besoin, et pour améliorer fortement l’interface entre le quartier et le centre commercial.

6.1. Affecter le site à une autre fonction

Si le projet « Médiaciné » est de toute évidence conçu pour optimiser le fonctionnement et l’attractivité commerciale de la « Médiacité », il semble tout aussi évident qu’il ne soutiendra aucune dynamique commerciale ou urbaine à l’échelle du quartier : ce complexe « Médiaciné » est prévu pour fonctionner avec un parking, pas avec un quartier. Contrairement à d’autres endroits où le cinéma joue réellement un rôle de locomotive urbaine, on ne verra pas, dans le Longdoz, les cinéphiles flâner dans le quartier avant ou après une séance. Il ne semble pas exagéré de dire que ce projet est conçu au détriment de son contexte urbain qu’il vient parasiter, blesser, étouffer par un flot automobile supplémentaire sans rien lui apporter en retour.

Il semble assez évident que les habitants du quartier du Longdoz ont d’autres besoins que celui d’un complexe cinématographique au service d’une galerie commerçante. Est-il impossible d’imaginer une plus grande mixité de l’offre de la « Médiacité », pas uniquement en terme de produits de consommation mis à la vente mais aussi de fonctions à proprement parler urbaines ?

Le coin de cet îlot représente un emplacement stratégique pour créer de la vie/ville, une véritable interface avec le bâtis existant et même au-delà. Il mériterait d’être dédié à d’autres fonctions mélangeant espaces de vie, espaces de respiration et de production locale. La fonction de logement nous paraît primordiale car elle aurait pour conséquence directe de ramener de la vie quotidienne dans la rue Armand Stouls et sur le quai Mozart, tout en mettant un frein au sentiment de vide abyssal causé par ces bulles commerciales introverties et imperméables.

Nous pensons également au besoin d’espaces verts publics exprimé à de multiples reprises par le comité de quartier du Longdoz. Force est de constater que l’ersatz de place publique qu’est la « piazza », située quai Mozart, se révèle être bien plus au service de l’aura de l’œuvre de Ron Arad qu’au service d’un quelconque public local. Rappelons une fois encore que les colossales surfaces de toitures disponibles sur le complexe « Médiacité » pourraient offrir des opportunités de création d’espaces verts voire de production maraîchère locale via des jardins et potager suspendus. Le site Stouls/Mozart pourrait aussi être pensé comme l’accès à ces toitures verdurisées.

6.2. Si le cinéma est malgré tout retenu, repenser sa relation avec son environnement proche

Au-delà du débat sur la pertinence fonctionnelle du projet, sa pertinence architecturale nous semble également très discutable. Tel que proposé à l’enquête publique, le projet « Mediaciné » ne constitue pas, selon nous, une opportunité de renforcer la proximité psychologique et physique à un équipement culturel d’envergure pour les riverains des quartiers de la rive droite. Il nous semble plus correct de dire que sa réalisation pourrait participer à intensifier une série d’incidences négatives déjà bien connues sur le quartier du Longdoz, ses habitants et sur la ville.

Nous estimons qu’il faudrait revoir le projet dans son ensemble, tant du point de vue formel que du point de vue de son ouverture au quartier. Pour cela, l’organisation d’un concours d’architecture semble propice à la production d’un projet de meilleure qualité. Rappelons ici la véritable réussite du concours pour le cinéma « Sauvenière » (« Les Grignoux »), qui a abouti à la réalisation d’un complexe cinématographique en centre urbain intégrant espaces publics à rue et semi-publics en coeur d’îlot. Tous les Liégeois sont témoins de cette belle synergie qui a amorcé la renaissance du quartier de la place Xavier Neujean.

À titre de comparaison, les cinémas « Palace » (5 salles) et « Sauvenière » (4 salles) occupent chacun environ 1 600 m² au sol, en ce compris les espaces publics et semi-publics pour ce dernier. Le terrain concerné par ce projet de complexe cinématographique « Médiaciné » étant vaste de 2 061 m², il devrait donc être envisageable de redéfinir les caractéristiques d’un tel complexe, s’il devait voir le jour — a fortiori si une partie du complexe vient s’implanter en toiture d’autres bâtiments, comme le projet le prévoit.

L’arrivée du cinéma dans le quartier du Longdoz devrait être envisagée comme vecteur d’humanité œuvrant à insuffler de la vie à tout un quartier et non l’inverse. Egalement pour une meilleure intégration à la rue Stouls et au quartier du Longdoz ; pour une meilleure communication entre la « Médiacité », le futur CIAC du parc de la Boverie et Outremeuse de manière générale.

Nous soulignons la réelle opportunité que représente cette parcelle à bâtir pour apporter des espaces verts publics ou semi publics au quartier. Il n’est pas irréaliste d’imaginer qu’un projet alternatif puisse prévoir, avec la même programmation fonctionnelle, l’intégration de 500 m² d’espace vert public et la création d’une fenêtre paysagère rendant la patinoire visible depuis les quais, de façon à mettre beaucoup plus en valeur cet important équipement public, actuellement destiné à un véritable confinement au cœur d’un îlot commercial.

Le site Stouls/Mozart doit selon nous avoir prioritairement une fonction de mise en relation de la « Médiacité » avec son environnement. De nombreuses possibilités existent pour ce faire.

7. Conclusion

Sauf à démontrer la pertinence économique et culturelle d’un nouveau complexe de cinéma à Liège, et sauf à répondre aux importants problèmes de mobilité que son arrivée poserait dans le quartier, il nous semble préférable que le promoteur renonce à son projet et envisage d’autres affectations possibles pour ce terrain.

Dans tous les cas, l’interaction avec le quartier devrait être substantiellement améliorée et des espaces publics créés, ce qui est possible sur base de la programmation actuelle, a fortiori avec une nouvelle programmation.

Le site Stouls/Mozart constitue une nodalité sensible dans le rapport entre Longdoz et Boverie, le long de l’axe de la Dérivation. Il serait regrettable de ne pas exploiter les potentialités liantes de ce site.

Nous espérons que le Collège communal pourra prendre en compte les arguments développés dans le présent avis, et donnera la priorité — bien nécessaire dans ce contexte — à la présence des habitants et à leurs besoins, plutôt qu’à une intensification supplémentaire de l’exploitation commerciale de ces lieux.

Pour l’asbl urbAgora,

Geoffroy Lhoest
Chargé de mission

Mathilde Collin
Présidente

|3| Étude des incidences socio-économiques du projet « Cinémacité » réalisée par la SPRL GM² pour Belga Film.

|4| Sinon en sous-sol, dans le parking souterrain du centre commercial.

«Nous sommes convaincus que le site Stouls/Mozart devrait accueillir une autre fonction, de préférence un projet multifonctionnel profitant pleinement des potentialités du site, permettant de dégager un espace public, et largement tourné vers le quartier.»

 

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