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Avis dans le cadre de l’enquête publique sur l'aménagement des quais de Meuse

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Monsieur le bourgmestre,
Madame et Messieurs les échevins,

J’ai l’honneur de vous faire part de l’avis de l’asbl urbAgora concernant le projet de réaménagement des Quais de Meuse à Liège, soumis jusqu’à ce 6 septembre à enquête publique.

Avant toute chose, je tiens à rappeler le soutien de notre association à ce projet, déjà manifesté dans le cadre de l’étude d’incidence du projet et dans notre communiqué du 7 octobre 2010 |1|. Nous y faisions part de notre enthousiasme, pour ce qui apparait comme un « tournant culturel dans le chef des aménageurs publics, qui proposent ici une vision équilibrée d’un espace urbain dans lequel tous les usagers de la ville ont — enfin — leur place [et] où le bord de Meuse redeviendra un espace agréable, accessible aux usagers lents, propice à la promenade ». Mais nous pointions également quelques carences fondamentales du projet : l’absence de prise en compte du pied du pont de Fragnée dans le périmètre d’aménagement (alors que distant de seulement 50 mètres de son pourtour), les inconnues liées à la conception de la future passerelle enjambant la Meuse et l’absence de plan de circulation globale du quartier des Guillemins. Si la lecture du permis tend à confirmer globalement notre propos — et qu’enfin une communication est annoncée le 13 septembre prochain à propos de la passerelle —, il s’accompagne également de remarques nouvelles.

1. Remarques d’ordre général

1.1. Nous souhaiterions voir le projet accorder une priorité plus claire aux modes doux. Certes, l’optique dans laquelle le projet de réaménagement des quais tel a été conçue semble bien être celle-là. N’empêche : à y regarder de plus près, le risque nous paraît réel de voir s’opérer un glissement vers une conception davantage routière et de revenir, ce faisant, aux bonnes vieilles habitudes de l’ex-Ministère de l’Equipement et des Transports, qui était réputé pour arbitrer systématiquement en faveur des mesures propices à la fluidité de la circulation automobile au détriment des usagers faibles. Ce risque se concrétise notamment, dans le permis, par le choix de raboter la largeur du cheminement cyclo-pédestre en bord de Meuse, là où le quai est le plus étroit, pour implanter quelques dizaines de places de parking supplémentaires. L’absence d’aménagement du pied du Pont de Fragnée pose quant à lui la question de la cohérence de l’aménagement : pourquoi créer un cheminement cyclable en bord de Meuse si rien n’est prévu pour permettre aux cycliste de s’insérer dans la circulation aux extrémités de cet aménagement ?

1.2. Il reste indispensable de réaliser dans les meilleurs délais un plan de circulation du quartier des Guillemins, maintenant (au contraire de ce qui est envisagé avec la coupure de la rue de Sclessin entre les rues Bovy et Paradis) un minimum de perméabilité interne aux quartiers pour les habitants, tirant profit des nouvelles entrées dans le quartier prévus sur le quai et amenant enfin une solution à l’engorgement inacceptable des bus dans les rues de Sclessin et Buisseret. Un tel plan pourrait notamment s’articuler autour d’une mise en sens unique (sauf pour les bus) des rues de Sclessin et Buisseret (vers la place Leman), qui limiterait fortement le trafic de transit et permettrait de retrouver un service correct pour le transport en commun. Comme nous l’avions souligné il y a un an, l’absence d’un tel schéma constitue un sérieux préjudice à la bonne gestion actuelle et à venir du quartier, d’autant plus cruciale qu’il est le théâtre des certaines des enjeux urbains les plus importants pour Liège en cette entrée du XXIe siècle |2| ? Tous les éléments nous semblent pourtant être en place pour pouvoir établir un scénario fiable pour la circulation à venir. Nous réitérons donc notre demande : sans plan de circulation global, les riverains du quartier des Guillemins seront otages des projets qui s’y développent sans vision partagée de la mobilité, comme c’est le cas aujourd’hui.

2. Demandes concernant des points particuliers

2.1. Supprimer une partie du stationnement projeté en bord de Meuse sur le Quai de Rome. Le Quai de Rome totalise, dans le permis, 6 voies réservées à l’automobile (2 bandes dans chaque sens plus 2 bandes de stationnement) pour deux trottoirs réservés aux usagers faibles, l’un du côté du front bâti ; l’autre du côté de la Meuse. Le partage de l’espace public reste donc très largement favorable à la voiture |3|. Certes, il s’agit d’une amélioration par rapport à la situation actuelle… Mais c’est évidemment insuffisant dès lors qu’on prétend « rendre la Meuse aux Liégeois ». À l’analyse du permis, on constate aisément que c’est la réalisation d’une bande de parking continue, de part et d’autre des deux voies de circulation, sur les 2 km définis par le périmètre d’intervention, qui pose problème. Si cette mesure globale est revendiquée à juste titre comme visant à ralentir la vitesse des automobilistes — et à maintenir grosso modo le nombre actuel d’emplacements de parkings —, son application littérale sur le quai de Rome (comme devant l’évêché, à l’autre extrémité) frise le dogmatisme. Comment peut-on en effet justifier la création de tels emplacements de parking sachant qu’elle va réduire drastiquement l’espace réservé aux usagers lents le long de la promenade qui sera créée en bord de Meuse, quitte à nuire au confort de ses futurs usagers ? Au point le plus étroit du quai, ces places de parkings, d’une largeur de 2,30, ne laisseront qu’un goulot de 2,70 m aux promeneurs et aux cyclistes !

Le choix d’une telle projection est d’autant difficile à concevoir que le « RAVeL » de la rive droite démontre, les jours de beau temps, qu’une conception initiale trop étriquée a finalement produit un aménagement inadapté à l’afflux des promeneurs et à la circulation des vélos. Si, dans le cas du RAVeL, l’aménagement s’explique en partie par des contraintes physiques fortes (comme l’imposant parking souterrain du Palais des Congrès qui réduit à portion congrue la bande cyclo-pédestre qui le longe), cet argument ne peut en aucun cas être retenu pour le quai de Rome, où l’espace réservé demain aux usagers lents dépendra de la place que le SPW voudra bien lui donner, de votre engagement politique à y accorder la priorité et de la traduction que les auteurs de projet en feront sur le terrain ! Nous demandons donc la suppression de la quarantaine d’emplacement de parkings prévus en bord de Meuse |4| sur le quai de Rome, entre la rue de Harlez et la rue de Fragnée.

2.2. Aménager les 50 mètres de trottoir manquant jusqu’au Pont de Fragnée. Si le budget ne permet pas, dans la phase d’aménagement actuel, de réaliser le réaménagement global du pied du Pont de Fragnée, il est alors indispensable d’au minimum élargir et remettre en état les 50 mètres de trottoir côté Meuse entre le pont et la future promenade, pour permettre l’accès des piétons et des cyclistes au pont. Il est notamment indispensable de permettre aux cyclistes arrivant du quai de Rome de pouvoir franchir la Meuse en empruntant le Pont de Fragnée, ce qui est strictement impossible dans la configuration actuelle (un cycliste arrivant de la piste cyclable prévue sur le Quai doit mettre pied à terre, franchir deux passages pour piétons et se réinsérer dans le trafic au bout de l’avenue Digneffe, ce qui représente une perte de temps de plusieurs minutes, laquelle obère fortement l’intérêt de l’aménagement cycliste du Quai pour la mobilité quotidienne). Nous vous demandons donc, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevins, d’appuyer avec insistance cette requête auprès du SPW. Par la même occasion, il serait indispensable d’harmoniser les luminaires existants du pied du Pont de Fragnée avec ceux nouvellement créés dans le périmètre d’intervention. Sans quoi la cohérence du plan lumière à cet endroit en sera fortement précarisée.

2.3. Prévoir la poursuite du cheminement cycliste au-delà de l’évêché. Sur le même principe que pour le Pont de Fragnée, l’aménagement cyclable en bord de Meuse ne trouvera toute son utilité que s’il permet d’accéder au centre-ville. Pour ce faire, nous proposons l’aménagement d’une piste cyclable empruntant la trémie située au pied du Pont Kennedy et reliant l’extrémité de l’aménagement ici prévu avec la place du XX Août.

2.4. Opter pour le passage du tram par la rue des Guillemins, car cette solution optimise la connexion entre le tram et la gare (proximité entre l’arrêt de tram et l’entrée de la gare), raccourcit le trajet entre celle-ci et le centre-ville (et donc fera gagner du temps à des dizaines de milliers d’usagers quotidiens), permet de développer un espace piétonnier de qualité sur l’esplanade (là où les tracés actuellement envisagés pour le tram passage du tram à travers celle-ci la rendront impropre à en faire, notamment, un espace de jeu pour les enfants ou à accueillir des manifestations publiques) et permet de réaliser complètement l’aménagement paysager envisagé Avenue Blonden et donc de créer une liaison verte entre le parc d’Avroy et celui de Boverie, via la future passerelle. Dans tous les cas, l’incertitude actuelle sur le tracé doit être rapidement levée.

2.5. Planter de véritables hautes tiges quai de Rome, et assurer la continuité des plantations. Un œil averti constatera qu’entre le projet présent à l’étude d’incidences en 2010 et le permis d’urbanisme, la plantation d’arbres prévue quai de Rome a sérieusement été réduite sur des tronçons entiers. Alors que le caractère minéral domine particulièrement sur ce quai de la Meuse — en raison de l’imposant et continu front de buildings — il serait regrettable qu’un alignement tant soit peu conséquent ne puisse être mis en place. Qui se plaint d’ailleurs aujourd’hui des allées plantées centenaires — pour la plupart protégées — que sont les quais de Maastricht, des Ardennes, de Gaulle, des Tanneurs, Bonaparte, Kurth, etc.? Pourquoi devrait-on s’en priver pour ce nouvel aménagement, que l’on espère le plus pérenne possible ? Dans le même ordre d’idée, l’essence retenue pour cette plantation — le charme commun — ne semble pas aller dans le sens d’une allée majestueuse une fois les arbres arrivés à maturité. À cet égard, il suffit d’observer la désastreuse expérience menée alors par le MET quai de la Batte avec cette même essence : en quinze ans, les arbres n’ont pratiquement pas grandi, et l’alignement confère au ridicule.

2.5. Supprimer le stationnement projeté devant l’Evêché. L’Évêché est l’un des rares monuments de l’ancienne Principauté jouxtant la Meuse ; nous déplorerions, à travers la forme de dogmatisme dénoncée précédemment, de voir son rez-de-chaussée rester partiellement dissimulé au regard par des emplacements de parking. Le dégagement du pied du bâtiment et la mise en œuvre d’une valorisation nocturne à travers un éclairage approprié, dans la continuité du plan lumière de la Ville de Liège, constituerait un atout patrimonial indéniable.

3. Conclusion

Le projet présenté va métamorphoser la situation actuelle et offrir un cadre de vie incomparablement meilleur à celui existant ; néanmoins, il serait regrettable qu’aussi près de l’objectif avoué de « rendre la Meuse aux Liégeois », les imperfections relevées ici ne puissent être gommées au bénéfice de la collectivité en raison d’un manque d’arbitrage en faveur du confort des usagers faibles. Il est dès lors évident que seule votre attention, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevins, au jour le jour, en faveur de ces mêmes usagers, sera gage du succès d’une opération d’une telle envergure.

En espérant que ces remarques contribueront à la réalisation d’espaces publics de grande qualité, je vous prie d’agréer, Monsieur le bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevins, l’expression de ma considération distinguée.

François Schreuer
Président de l’asbl urbAgora

|2| Doit-on rappeler ici l’exceptionnel concentration de projets réalisés ou en devenir du quartier des Guillemins, tels que la nouvelle gare et le flux de voyageurs qu’elle génère, la reconstruction annoncée de plusieurs centaines de logements et bureaux en bordure de l’esplanade (avec les nouveaux déplacements qu’ils vont susciter), sans oublier le passage du tram, le présent projet de réaménagement des quais, la réaffectation du Val Benoît ou encore la construction de milliers de m² de bureaux rue du Plan Incliné ?

|3| Plus précisément : 16,60 m réservée à la voiture (4 x 3 m de bandes de circulation, 2 x 2,30 m de bandes de parking) plus la largeur de la berme centrale, non accessible… pour en moyenne, seulement 6 m réservé aux usagers lents (dont côté Meuse, en moyenne un trottoir de 3 m de largeur et même 2,70 m à son endroit le plus étroit).

|4| Il n’est nullement ici question de supprimer du parking côté front bâti.

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