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Une dernière chance pour la plaine de Bressoux

jeudi 11 juillet 2019,

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Avis de l’asbl urbAgora dans le cadre de l’enquête préalable à l’étude d’incidences sur la requalification de l’autoroute A25 et la construction d’une nouvelle halle des foires et marchés. Jeudi 11 juillet 2019.

Introduction

La plaine de Bressoux est un site exceptionnel, unique en région liégeoise, bordant la Meuse là où son cours belge est le plus large, bénéficiant d’une visibilité exceptionnelle en entrée de ville, desservie par l’autoroute, par une gare directement connectée à Bruxelles et à Maastricht et bientôt par le tram. Tout plaide pour qu’elle fasse l’objet d’une opération urbaine concertée et très qualitative, pour qu’on y fabrique un nouveau quartier urbain.

Ce site est en outre le lieu d’enjeux urbains qui le dépassent largement. C’est le dernier endroit où il est possible d’organiser un franchissement ferroviaire de la Meuse en aval de Liège sans faire d’immenses dégâts |1|, comme l’a souligné en 2011-2012 l’étude « Tritel », commandée par la Région wallonne |2|, sur les priorités stratégiques régionales au niveau ferroviaire. Ce site est également l’espace le plus sensible pour déterminer ce que sera l’entrée Nord de Liège — la « porte Nord » de la ville |3| — ouverte vers Maastricht, Aachen et l’Euregio. Pour répondre à ces enjeux, une vision à long terme est indispensable.

Force est cependant de constater qu’on reste très loin d’une telle ambition et d’une telle vision : à lire les projets envisagés, dont les deux principaux vont faire dans les prochains mois l’objet d’une étude d’incidences, il est manifeste que le potentiel du site reste — et restera si rien n’est fait dans l’immédiat — largement sous-utilisé. La typologie envisagée est celle du zoning (des « boîtes à chaussures » de faible hauteur au milieu de nappes de parking) plutôt qu’une typologie urbaine faite de mitoyenneté, de densité et de mixité et d’espaces publics qualitatifs. Et aucune vue d’ensemble du devenir du site, sinon la simple juxtaposition des projets, n’a pu être dégagée, malgré de très nombreuses demandes faites en ce sens depuis une dizaine d’année vis-à-vis de l’autorité publique |4|.

Il faut ajouter que le quartier de Droixhe reste à divers égards un quartier en souffrance, qui requiert à notre avis une attention particulière. C’est notamment un quartier qui est fortement touché par des pollutions sonores diverses et nombreuses. C’est aussi un quartier dont l’urbanité reste régulièrement mise en doute. La meilleure réponse à cette situation consiste probablement à inclure Droixhe dans le tissu urbain qualitatif, en faisant « avancer la ville » vers le Nord. Ce n’est malheureusement pas ce qui se dessine actuellement.

Un boulevard urbain : chiche !

Le SPW annonce son intention de transformer l’autoroute E25 entre le pont-barrage de l’île Monsin et le Pont Atlas en « boulevard urbain ». Nous souscrivons — et deux fois plutôt qu’une — à cette intention, mais nous pensons que le projet présenté doit encore évoluer de manière significative pour rencontrer cette ambition.

  • En tout premier lieu, la vitesse du trafic doit à nos yeux être effectivement réduite à 50 km/h sur l’ensemble du périmètre envisagé, soit dès le Pont-barrage, ce qui implique notamment a) de réduire anticipativement la vitesse en amont, b) d’adapter les aménagements envisagés et c) de prévoir un contrôle permanent (radar fixe) de la vitesse.
Loin du boulevard, la typologie proposée conserve tous les codes
de l’aménagement routier traditionnel.
  • Il importe ensuite que la rive soit accessible aux piétons (et non uniquement aux cyclistes) afin de permettre aux habitants du quartier la promenade en bord de Meuse. Ceci suppose l’adaptation de l’aménagement prévu du carrefour du Pont Atlas et la réalisation de plusieurs passages pour piétons entre le bord de Meuse et le quartier (dont au moins un au niveau de la rue Goblet et un second au niveau de la nouvelle voirie à créer). Actuellement, aucun franchissement piéton n’est prévu entre le Pont Atlas et l’Avenue de Jupille, sur une longueur de plus 1300 m !
  • Rendre le bord de Meuse accessible suppose en outre une fréquentation régulière des lieux pour garantir un contrôle social suffisant. Sur ce point, aucun scénario ne nous semble évident et nous préconisons une réflexion plus approfondie. Une possibilité à considérer serait de travailler en deux temps. Dans un premier temps, un itinéraire cyclo-pédestre, tel qu’envisagé, à hauteur de la voirie est sans doute la meilleure option, même si celui-ci restera éloigné du fleuve. Mais nous suggérons qu’il soit possible, à moyen terme, d’envisager un aménagement plus ambitieux des lieux, avec la création d’un véritable quai, en contrebas de la voirie, le long duquel pourraient venir s’installer des bateaux habités, non seulement des péniches mais également de véritables immeubles flottants.
  • Pour ce faire, nous plaidons pour que l’espace utilisé par le Boulevard urbain soit réduit — berme centrale moins large, réduction à une seule bande de circulation de la rampe d’accès au Pont Atlas, etc — de façon à laisser suffisamment d’espace à un aménagement très qualitatif du bord de Meuse. Concrètement, sur une largeur disponible d’environ 38 m, nous plaidons pour que l’espace dévolu au boulevard ne dépasse pas 20 m, en ce compris une rangée de stationnement côté Meuse destinée aux futurs habitants des bateaux évoqués plus haut. Cela permettrait de réaliser un quai destiné à la mobilité cyclo-pédestre et à la desserte des bateaux tout en veillant à une végétalisation suffisante des lieux. Pour réussir un tel aménagement, l’implication d’un paysagiste (voire d’autres spécialistes) nous semble indispensable.
Une nouvelle trémie est prévue à hauteur de l’avenue de Jupille.
  • Outre le maillage vers le quartier, la continuité des itinéraires cyclo-pédestres doit être assurée : une « véloroute » entre le Pont Atlas et l’Avenue de Jupille ne rencontrera un besoin que si, a minima, la connexion au Ravel d’une part, au centre de Jupille d’autre part, est assurée. Un aménagement cyclable est-il prévu sur les avenues de Jupille et Joseph Prévers ? Nous proposons en outre a) de prévoir un passage sous les ponts Biais et Atlas pour rejoindre la voie cyclo-pédestre située le long du Quai Albert (desservant tout le quartier de Bressoux et peut-être demain le site de Bavière, via la passerelle qui est envisagée sur la Dérivation), b) de réaliser une piste cyclable sur le pont-barrage afin de permettre l’accès cyclable de l’île (laquelle accueille notamment des activités sportives) et enfin c) de planifier dès à présent la prolongation de cette véloroute jusqu’à Wandre et Cheratte.
  • Le Boulevard doit par ailleurs permettre la desserte des équipements le long desquels il sera réalisé. Cela suppose que le carrefour avec la nouvelle voirie à créer pour desservir le P+R et la FIL soit complet (et permette donc le tourne-à-gauche, vers le centre-ville, en venant du P+R, ce qui n’est pas le cas actuellement). Nous pensons également aux parkings des immeubles de l’Avenue Georges Truffaut. Actuellement, l’accès à ces parkings s’effectue par l’intérieur de l’îlot (Place de la Libération), ce qui s’avère peu convivial, parfois dangereux et générateur de nombreuses nuisances pour les riverains (vu l’organisation, notamment, de « rodéos » automobiles nocturnes). Permettre l’accès aux parkings depuis le nouveau boulevard permettrait d’interdire tout trafic automobile sur la place de la Libération.
Le nouveau carrefour envisagé ne permet par le tourne-à-gauche en venant du quartier.
Carrefour prévu au niveau du magasin « Métro » : aucun franchissement du « boulevard » n’est prévu pour les modes doux.

Halles des foires

Le second projet soumis à étude d’incidences, porté quant à lui par l’Intercommunale de gestion immobilière de Liège (IGIL) est celui de la nouvelle Foire internationale de Liège (FIL). Nous sommes très interpellés par ce projet, dont les auteurs semblent s’être concentrés sur les qualités fonctionnelles et plastiques du bâtiment qu’ils envisagent de construire, beaucoup plus que sur l’insertion dans son environnement urbain immédiat ou moins immédiat.

Implantation envisagée pour la nouvelle halle des foires.
  • La localisation de cette infrastructure, au milieu de nappes de parking, si elle devait se confirmer, acterait le caractère peu urbain du nouveau quartier.
  • Si nous apprécions le principe d’un grand espace public piéton devant l’entrée principale, nous nous étonnons que cette entrée ne se tourne pas vers la gare et la station de tramway.
  • Le projet propose 13 000 m2 de surface utile, soit la jauge actuelle des Halles des foires de Coronmeuse,... mais aussi moins de la moitié du MECC de Maastricht (29 500 m2), à peine plus que Namur (12 000 m2), sans parler de Bruxelles (plus de 110 000 m2). Si l’on peut comprendre qu’il ne soit pas forcément immédiatement possible ou pertinent d’envisager plus grand dans l’immédiat, il nous semble regrettable qu’aucune possibilité d’extension n’ait été prévue dans le projet présenté. Une métropole de 650 000 habitants doit pouvoir se doter d’un outil dimensionné à son échelle.
  • Des complémentarités sont-elles recherchées avec d’autres équipements, par exemple pour permettre l’accueil de grands événements ? Hormis via la ligne de tram, ce projet semble se suffire à lui-même.
  • Là où les anciennes Halles des foires occupent un carrefour fréquenté, face à l’autoroute, le site retenu ne bénéficie de presqu’aucune visibilité. Ce choix nous semble de nature à compromettre la pleine réussite de l’activité.

Il est encore temps de réaliser un Master plan pour la plaine de Bressoux

Plusieurs dizaines d’hectares en entrée de ville, en bord de Meuse, avec une triple desserte autoroute + tram + train IC : l’opportunité urbaine est tout simplement unique à Liège et elle est donc en train d’être galvaudée, faute pour l’autorité publique, pourtant maître de la plus grande partie du foncier, de s’être dotée d’une vision pour l’ensemble du site.

Il n’est pas trop tard pour redresser la barre et nous répétons ici les principes qui devraient guider selon nous la guider.

  • Acquérir une maîtrise publique sur l’ensemble du foncier et rendre celui-ci utilisable, ce qui suppose de déplacer ou d’enterrer les lignes à haute tension présentes sur le site, mais aussi d’exproprier les quelques terrains privés (notamment le magasin Metro) qui se trouvent en bord de Meuse.
  • Densifier le quartier et diversifier les fonctions prévues, pour maximiser l’usage des infrastructures présentes, en particulier la gare. Cela suppose une planification globale préalable des 40 hectares de terrain. Cette démarche permettra d’assurer la présence de l’ensemble du programme actuellement prévu, tout en le complétant par d’autres fonctions, notamment du logement autour de la gare.
  • Prévoir, pour cette génération-ci ou pour la suivante, la possibilité d’un franchissement ferroviaire de la Meuse entre Coronmeuse et Bressoux, dont les justifications sont très nombreuses (voir par ailleurs). Cela suppose, a minima, l’établissement dès à présent d’une zone de réservation.
La jonction entre Bressoux et Coronmeuse bouclerait l’anneau ferroviaire autour du cœur de Liège, rendrait possible une liaison directe entre le centre-ville et Maastricht, soulagerait la ligne 34, qui sera très sollicitée dans le cadre du REL et permettrait de prolonger la dorsale wallonne vers la Basse-Meuse.
  • Revoir de façon urgente l’implantation du dépôt du tram (qui pourrait passer de l’autre côté des voies de chemin de fer), de façon à a) maintenir la possibilité du franchissement ferroviaire de la Meuse évoqué au point précédent, b) ouvrir la gare vers le nouveau quartier, c) assurer une intermodalité de grande qualité entre les divers transports publics présents sur le site (actuellement catastrophique), et d) préserver la possibilité de prolonger à l’avenir le tramway vers Jupille. La forme la plus adaptée nous semble de réaliser un nouveau pont au-dessus du chemin de fer, sur lequel seraient situées la station de tramway et la gare SNCB, assurant une connexion immédiate entre les deux modes. Ceci suppose qu’une négociation soit très rapidement ouverte par le gouvernement wallon avec l’opérateur chargé de la réalisation du tram, afin d’éviter que les travaux du dépôt ne soient réalisés dans leur forme actuellement prévue.
  • Penser les circulations cylo-pédestres qui traversent le site à une échelle beaucoup plus large. Des liaisons très importantes pourraient passer par la plaine de Bressoux : jonction vers la Basse-Meuse en rive droite, connexion entre Herstal et la rive droite (via une passerelle à joindre au nouveau pont ferroviaire), etc.

Conclusion

La programmation prévue sur le site de Bressoux est intéressante et diversifiée, même si elle pourrait encore largement s’enrichir au vu de l’espace disponible. Mais une bonne programmation ne suffit pas à faire un bon urbanisme. Les projets présentés aujourd’hui souffrent d’un manque criant d’inscription dans leur contexte urbain, ce qui peut encore être corrigé. L’opportunité est donc considérable, mais il est urgent que la Ville de Liège reprenne la main sur l’ensemble du processus.

Nous sommes convaincus que la plaine de Bressoux peut constituer, d’ici dix ans, un lieu emblématique de l’urbanité réinventée de la métropole liégeoise, directement connectée au nouveau quartier de Coronmeuse, prolongeant le quartier de Droixhe transformé, en lien avec Jupille, Herstal, le centre-ville. Bressoux peut devenir le lieu d’une intermodalité de très grande qualité, associant le train, le tram, le bus, le vélo et la voiture. Bressoux peut offrir au visiteur une image urbaine et attractive, loin de l’aspect « zoning » qui marque aujourd’hui l’entrée de Liège. Bressoux peut accueillir de nouvelles fonctions urbaines, qui tireront parti de sa qualité paysagère, de sa visibilité et de son accessibilité.

|2| « Le transport ferroviaire : un atout structurant pour la Wallonie Projet de Plan de développement de la desserte ferroviaire en Wallonie pour la période 2013‐2025 », SPW, 19/03/2012.

|3| Cf. Schreuer F., « Une « porte Nord » en mal de définition » in A+ 265, avril 2017.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

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