accueil interventions communiqués le projet de tram du gouvernement dessert trop peu de logements (...)

Le projet de tram du gouvernement dessert trop peu de logements !

vendredi 4 novembre 2011,

Tags liés à cet article :

À kilométrage égal, le tram proposé par urbAgora dessert deux fois plus de logements que le projet du gouvernement.

Alors qu’une décision définitive du gouvernement wallon sur le tracé du futur tram liégeois est annoncée pour ce jeudi 10 novembre, l’asbl urbAgora est aujourd’hui en mesure de rendre publique une estimation du nombre de logements desservis par le projet officiel et de comparer ces chiffres avec ceux obtenus sur base du projet proposé par urbAgora |1|.

Pour rappel, le projet du gouvernement consiste en une ligne de fond de vallée entre Jemeppe et Basse-Campagne, avec une extension vers la gare de Bressoux, où est localisé le centre de remisage et d’entretien, tel que représentée sur la carte suivante. Ce projet implique la construction de 19 061 mètres de ligne (17 799 m pour la ligne de fond de vallée, 1 262 m pour l’extension vers Bressoux) |2|. 24 arrêts sont prévus sur la ligne principale (soit une distance entre stations de 773 m |3|) et trois sur l’extension vers la gare de Bressoux.

Le projet d’urbAgora, quant à lui, s’articule autour d’une boucle centrale (correspondant approximativement à celle du bus 4) desservie par trois lignes qui ne l’empruntent chacune que partiellement. Il vise systématiquement le passage au cœur des quartiers — et maximise donc la population desservie — là où le projet du gouvernement opte pour des tracés tangentiels aux quartiers. Il envisage deux possibilités pour la localisation du centre de remisage et d’entretien : la gare de Bressoux, mais aussi les actuels parkings du CHC, à Fontainebleau. Sa longueur complète est de 18 933 m (10 975 m pour la ligne 1 entre le Val Benoit et la place Licourt ; 5384 m pour la ligne 2 entre Fontainebleau et Leman, le tracé Leman-Guillemins étant commun avec la ligne 1 ; 2 574 m pour l’extension entre la place de l’Yser et la gare de Bressoux). Bref : la longueur du projet proposé par urbAgora est inférieure à celle du projet du gouvernement. Quant à la distance entre stations, elle est de 457 mètres pour la ligne 1 entre le Val Benoit et la place Licourt (25 stations pour 10 975 m de ligne), de 415 mètres pour la ligne 2 entre Fontainebleau et les Guillemins (16 stations pour 6 228 m de ligne) et de 436 m pour la ligne 3, entre la gare de Bressoux et les Guillemins (15 stations pour 6 114 m de ligne).

Dans les deux cas, il ne s’agit que d’une première phase, appelée à être complétée par des phases ultérieures — lesquelles risquent cependant d’attendre longtemps compte tenu du contexte budgétaire régional. À cet égard, un axe 2, reliant Chênée à Ans, est étudié par le GRE |4| tandis qu’urbAgora prône le développement du réseau vers les communes périphériques — et notamment Ans ou vers la rive droite de Seraing — dans des phases ultérieures.

Sur base de ces tracés, nous avons fait réaliser |5| un travail quantitatif sur le nombre de logements desservis dans une zone de 250 m (desserte de bonne qualité) et de 500 m (desserte de qualité moyenne) autour des arrêts des différents projets. Ces deux distances sont bien sûr discutables, mais sont fréquemment utilisées dans la littérature scientifique (il s’agit même de chiffres plutôt élevés, peu favorables à notre démonstration). Rien n’interdit, bien entendu, de refaire le calcul sur base d’autres distances (avec des valeurs de 200 m et 400 m, par exemple, qui sont également utilisées). On notera, accessoirement, que — parmi d’autres lacunes aussi importantes —, l’étude sur laquelle se base la décision politique |6| ne comporte aucune donnée de ce type : on ignore, en lisant cette étude, le nombre de personnes qui seront concernées par le projet, selon ses auteurs.

Les cartes isochrones qui suivent tiennent compte de la topographie (disposition du réseau viaire et obstacles naturels, mais pas du relief) et permettent donc de délimiter de façon relativement précise les zones effectivement desservies. L’on compte ensuite le nombre de logements situés dans ces zones |7|.

Zones desservies par le projet de tram du gouvernement
En rouge foncé, les zones situées à moins de 250 m d’un arrêt de tram (desserte de bonne qualité). En rouge clair, les zones situées à moins de 500 m d’un arrêt de tram (desserte de qualité moyenne). Cliquez pour agrandir.
Zones desservies par le projet de tram proposé par urbAgora
En rouge foncé, les zones situées à moins de 250 m d’un arrêt de tram (desserte de bonne qualité). En rouge clair, les zones situées à moins de 500 m d’un arrêt de tram (desserte de qualité moyenne). Cliquez pour agrandir.

Projet du gouvernement

Distance des stations Bâtiments résidentiels Logements
 250 m 3 871 13 416
 500 m 11 429 31 510

Projet d’urbAgora

Distance des stations Bâtiments résidentiels Logements
250 m 10 141 30 456
500 m 19 102 53 030

Comparaison entre les deux propositions

On constate donc que le projet proposé par urbAgora, avec un kilométrage inférieur, offre une desserte de bonne qualité (distance au premier arrêt inférieure à 250 m) à 2,2 fois plus de logements (30 456 contre 13 416) que celui proposé par le gouvernement et une desserte de qualité bonne ou moyenne (distance au premier arrêt inférieure à 500 m) à 1,6 fois plus de logements (53 030 contre 31 510). Compte tenu d’un taux d’occupation moyen d’environ 1,9 habitants par logement |8|, ce sont donc pas moins de 32 000 personnes qui gagneraient, avec le projet d’urbAgora, un accès de bonne qualité au tram. Et plus de 40 000 en plus qui seraient tout simplement desservies par le tram !

En outre, ces chiffres ne tiennent compte que des logements existants. Une analyse plus fine devrait intégrer les projets immobiliers en cours et les opportunités foncières de développement de logement. Il nous est difficile d’anticiper les résultats d’un tel travail. Nous notons cependant que quelques projets importants (Bavière ou le site du Pré-Madame, par exemple) sont très nettement mieux desservis par le projet proposé par urbAgora que par celui du gouvernement.

On notera que ces données particulièrement éloquentes confirment la perception empirique affirmée avec constance par urbAgora : pour maximiser le nombre de personnes qu’il dessert, le tram doit passer au cœur des quartiers et desservir la rive droite dont on sait qu’elle est plus peuplée que la rive gauche. Elles recoupent également les données statistiques disponibles, notamment le tableau de bord de la population de la Ville de Liège (données 2007) qui propose un classement des quartiers en fonction de leur densité, avec, dans l’ordre décroissant : le Centre (91 hab/ha), Outremeuse (84), Avroy (84), le Longdoz (74), les Vennes (63), les Guillemins (55), Sainte-Marguerite (55) et Saint-Léonard (50) |9|. Sur ces huit quartiers |10|, seuls trois sont correctement desservis par le projet du gouvernement |11|. Ils sont par contre tous desservis par le projet proposé par urbAgora. Le choix d’implanter de nombreuses stations en bord de Meuse pénalise très fortement les performances du tracé officiel sur le plan du nombre de logements desservis.

Signalons qu’un raisonnement similaire à celui qui est ici développé pour les logements aurait dû aussi être tenu pour l’activité commerciale, pour les services publics (écoles, hôpitaux, administrations,...) ou pour les surfaces de bureau. Nous ne sommes pas en mesure pour le moment de produire des données chiffrées à ce propos. Une approche empirique permet cependant de se rendre compte que, là encore, le différentiel entre les deux projets est considérable : le projet d’urbAgora, à la différence du projet du gouvernement, dessert en effet les quartiers commerçants du Longdoz (avec notamment un arrêt devant la Médiacité), d’Outremeuse et du centre de Herstal. Il dessert également Sainte-Marguerite ou Bressoux, deux quartiers qui ont su conserver une activité commerciale locale importante. En optant pour une distance plus réduite entre stations, il permet encore d’offrir une desserte de meilleure qualité à la rue des Guillemins et à plusieurs zones de l’hyper-centre.

Ajoutons encore que le comparatif proposé ici ne porte que sur deux options. Un travail plus systématique permettrait de comparer de nombreuses sous-variantes (notamment au niveau de la localisation des arrêts) et de produire une proposition de tracé optimisée sous l’angle du nombre de m2 bâtis desservis, par exemple |12|. Il est donc très vraisemblable que, à kilométrage constant, l’on peut faire encore mieux que le projet proposé par urbAgora.

Objections possibles

L’on objectera éventuellement que le projet proposé par urbAgora coûtera plus cher, et ce pour deux raisons : d’une part, les contraintes techniques liées au tracé sont plus importantes (notamment en raison des cinq ponts à franchir sur la Meuse ou la Dérivation : Arches, Bressoux, Longdoz, Fétinne et Fragnée, contre seulement le pont Atlas pour le projet officiel) et, d’autre part, le nombre plus important de stations fait perdre un peu de vitesse commerciale et pénalise donc la rentabilité du projet. Ces objections sont pertinentes, mais il importe d’évaluer leur impact exact. Au regard du coût de l’infrastructure de réseau (77 millions d’euros sur les 483 prévus pour l’ensemble du projet), un dépassement, même important, sur ce poste (par exemple pour adapter un ou deux ponts qui ne seraient pas conformes au passage du tram), ne modifierait pas fondamentalement l’équation générale du projet. Quant à la modification du coût d’exploitation, une étude plus pointue que ce que nous sommes en mesure de faire serait nécessaire, mais il ne semble pas outrageusement téméraire d’envisager que le nombre beaucoup plus important d’usagers (et donc l’impact sur les recettes) qu’on peut attendre d’un tracé tel que celui que propose urbAgora compense le (léger) surcoût au niveau de l’exploitation.

Peut-être objectera-t-on encore que les propositions d’urbAgora ne sont pas « réalistes », soit qu’elles impliqueraient un trop grand nombre d’expropriations, soit que les contraintes techniques du tram (rayons de courbure, déplacement des impétrants, etc) ne seraient pas rencontrées. Sur ce point, nous serions plus qu’heureux qu’on nous oppose enfin des faits, des arguments, des études, plutôt que des rumeurs ou des postures d’autorités. Le tracé proposé ici a été systématiquement examiné par nos soins. Nous pensons notamment être en mesure d’affirmer que la boucle en rive droite peut être réalisée sans exproprier un seul logement. Nous constatons aussi que les études commandées par le gouvernement n’ont tout simplement pas envisagé certains scénarios pourtant évidents (le passage par le quartier St Léonard, par exemple).

Conclusion

Les chiffres que nous publions aujourd’hui (et dont nous espérons qu’ils seront réévalués par d’autres bureaux d’études) nous semblent confirmer de façon évidente que le projet officiel n’est pas mûr. Nous demandons donc, avec gravité et en en appelant à leur sens du bien commun, aux membres du gouvernement wallon de surseoir à la décision prévue pour le 10 novembre, d’exiger des bureaux d’étude un travail plus fouillé et de mener — enfin — une concertation publique autour du projet. L’investissement d’une somme aussi importante ne peut être décidé sans avoir été sérieusement pesé et soupesé, ce dont nous sommes loin à ce jour. Redisons-le : bâcler le tram, ce serait hypothéquer l’avenir de toute une ville.

Lire aussi

|1| Une comparaison similaire devrait bien entendu être faite avec d’autres projets, notamment celui que propose le Plan urbain de mobilité (PUM)... dont on attend toujours la publication.

|2| Voire 20 075 m si l’on inclut la « variante dissociée » pour le passage de Feronstrée (1014 m supplémentaires).

|3| Encore plus importante que notre estimation précédente, basée sur une distance de 17,1 km annoncée dans l’étude, mais non confirmée sur plan.

|4| Sans que — fort curieusement — cette étude n’ait été en aucune façon prise en compte par l’étude de l’axe 1.

|5| Par une source qui souhaite rester anonyme. Mais le présent travail peut — et doit — évidemment être reproduit par les bureaux d’étude mandatés par le gouvernement, ce qui permettra d’ailleurs d’affiner les chiffres.

|6| Etude qui a été rendue publique par urbAgora le 12 octobre dernier et analysée lors d’une conférence de presse le 19 octobre.

|7| Ces chiffres étant affectés d’une marge d’erreur qui peut atteindre 5%.

|8| Ce chiffre est obtenu par comparaison entre le nombre de logements recensés dans la ville et le nombre de personnes qui habitent la ville. Compte tenu de la présence significative de personnes non domiciliées, il est probablement un peu plus élevé.

|9| On notera en outre que ces chiffres n’intègrent que les personnes domiciliées, ce qui peut constituer un biais significatif avec la population effectivement résidente. Or les personnes résidentes mais non domiciliées (étudiants en kots, notamment) ont nettement tendance à se concentrer dans les quartiers les plus centraux, ce qui accroît l’importance des chiffres cités ici.

|10| Les seuls qui atteignent ou dépassent 50 habitants à l’hectare.

|11| Quatre si l’on compte St Léonard, dont la plus grande partie n’est cependant pas atteinte par le tram version officielle.

|12| Sans oublier cependant d’autres critères importants comme l’interaction avec les autres réseaux de transport.

 

Poster un commentaire

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.