Nous, signataires de cet appel, marcherons le 12 juin prochain entre Ans et Chênée pour demander la construction, avant la fin de la décennie, d’une deuxième ligne de tram dans l’agglomération liégeoise : la « Transurbaine », selon le nom qui lui a été donné par l’étude réalisée en 2011 (CREAT & alii) à la demande de la Ville de Liège et du Groupement de redéploiement économique (GRE).
Nous sommes en effet convaincus qu’après la ligne de fond de vallée qui est actuellement en chantier, une seconde ligne de tramway, transversale, reliant le plateau ansois au confluent de l’Ourthe et de la Vesdre (avec des extensions vers Bressoux, Angleur et la place Leman) est une nécessité si l’on veut répondre aux défis face auxquels se trouvent notre agglomération et ses 678.000 habitants1. Ce projet doit lui-même s’inscrire au sein d’une vision d’ensemble du transport public incluant une forte intermodalité avec le rail, des aménagements ambitieux pour le vélo et un réseau de bus repensé en fonction des besoins d’aujourd’hui.
Le tramway est, en toute hypothèse, nécessaire pour répondre à la demande de mobilité sur cet axe.
Le gouvernement wallon prévoit, dans sa stratégie « FAST », de multiplier la part modale des TEC par 2,5 ; il souligne de surcroît que les grandes agglomérations devront aller au-delà de cet objectif. Nous nous réjouissons de cette ambition, qui atteste d’une prise en compte du défi climatique, qui laisse espérer une amélioration de la qualité de vie dans nos quartiers, une réduction de la pollution de l’air et du bruit, une augmentation importante de la qualité du service de transport public proposé aux Liégeoises et aux Liégeois... Mais, il faut le dire clairement, ce n’est pas une ligne de bus, même « à haut niveau de service » (BHNS), qui pourra répondre à une telle augmentation de la demande, alors que l’axe est déjà quasiment saturé et que l’effet « goulot » de la place Saint-Lambert ne permet pas de multiplier les tracés.
Augmenter fortement la capacité du transport public est aussi une nécessité sociale : l’explosion du prix de l’énergie réclame des décisions politiques fortes, en particulier dans une agglomération où la pauvreté et la précarité sont aussi présentes qu’à Liège.
En outre, l’axe de la Transurbaine passe à proximité de nombreux sites (Gare d’Ans, Bonne Fortune, Patience & Beaujonc, ancien charbonnage de l’Espérance, Fontainebleau, îlot « Barvaux », Bld de l’Automobile, site « Boliden », gare d’Angleur, site « LBP »...) où d’importants projets urbains sont en cours ou à venir, représentant plusieurs milliers de nouveaux logements et des milliers d’emplois. Ces projets peuvent être construits autour du transport public et des modes doux, mais seulement si une offre de qualité est au rendez-vous ; si ce n’est pas le cas, ils se tourneront vers la mobilité automobile : on voit l’importance du tramway.
Plus largement, le tram, sur cet axe hautement sensible, doit rendre possible la requalification de nos espaces publics urbains les plus abîmés : la percée routière Burenville-Cadran, le boulevard « de l’Automobile », la rue de la Station. Il peut amener la création de nouveaux espaces publics, l’apaisement et l’amélioration de ceux qui existent. Choisir le tram pour ce second axe, c’est aussi agir concrètement pour éviter la relégation des quartiers de la rive droite, qui ont historiquement bénéficié de beaucoup moins d’investissements publics importants que ceux de la rive gauche, alors qu’ils sont un peu plus peuplés. Choisir le tram, c’est aller vers un maillage urbain de nos quartiers denses, pour améliorer la mobilité intra-urbaine et non uniquement la pénétration dans la ville.
Choisir le tram, enfin, c’est faire le choix de l’interopérabilité, en rendant possible des lignes qui empruntent les 2 axes (Ans-Coronmeuse, par exemple, ou Chênée-Jemeppe), limitant les correspondances pour les usagers et favorisant des connexions directes entre les quartiers, sans rupture de charge au centre-ville, ce qui évitera aussi la saturation des espaces publics de l’hypercentre. Éviter de multiplier les standards techniques permettra en outre de mieux maîtriser le coût de la maintenance et des achats de matériel pour le TEC.
Bien sûr, l’investissement à consentir est important — plusieurs centaines de millions d’euros, à amortir en quelques décennies —, mais il reste faible par rapport aux sommes que les Liégeoises et les Liégeois mettent chaque année dans leur mobilité automobile (de l’ordre de 1,5 milliards d’euros). Il reste faible, aussi, par rapport aux coûts du non-investissement, sur le plan de la santé, de l’énergie, du climat, des finances publiques locales... Il reste faible, encore, voire très faible, par rapport aux investissements qui ont été réalisés ces dernières décennies dans quasiment toutes les agglomérations européennes de taille similaire. De surcroît, le coût du km/passager en tramway est nettement moins élevé que celui du bus ou des véhicules individuels : dans un contexte de nécessaire sobriété énergétique, le tramway coûte cher à l’investissement, mais il rend ensuite possible d’importantes économies.
Certes, nous le savons, le chantier actuel est pour beaucoup d’habitants de Liège un calvaire quotidien (délais non respectés, embouteillages récurrents, absence d’information sur l’évolution des travaux, difficultés d’accès aux services et aux commerces…). Mais nous sommes convaincus qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : ce n’est pas parce qu’il y a des difficultés aujourd’hui qu’il faut renoncer à tout projet pour demain. Plutôt que de renoncer à un outil indispensable, il nous faut donc profiter de cette expérience douloureuse afin d’améliorer le déroulement du chantier de la transurbaine. De plus, construire directement une ligne de tram générera moins de nuisances pour les quartiers traversés que la construction, annoncée, d’une ligne de BHNS suivie, quelques années plus tard, de son inévitable « tramification ».
Bref : Liège a vitalement besoin de la Transurbaine en tram et a accumulé trop de retard pour encore perdre du temps. Nous appelons les Liégeoises et les Liégeois à soutenir cette demande. Nous appelons les forces sociales, économiques et intellectuelles à s’emparer de cet enjeu. Et nous demandons à toutes les organisations politiques qui seront candidates aux prochaines élections régionales de la mettre à leur agenda en vue de la formation du prochain gouvernement wallon.
Pour l’asbl urbAgora
Pavel Kunysz
Pour l’asbl Barricade
Jérôme Becuwe
Pour le Comité de quartier d’Outremeuse
Laurent Beudels
Pour l’Aquilone
Nicola Briale
Pour Peuple et Culture Wallonie-Bruxelles
Loïc Decamp
Pour le Comité de quartier d’Amercoeur
Olivier De Wispelaere
Pour le Comité de quartier du Longdoz
Olivier Dheur
Perrine Ernest
Architecte
Pour « Touche pas à mes Vennes »
Laurent Godinas
Pour la plateforme Place Cockerill
Nicolas Javaux
Pour le Centre Franco Basaglia
Christian Legrève
Pour Inter-Environnement Wallonie
Sylvie Meekers
Pour le Gracq-Ans
Emmanuel Mortier
Jean Peltier
Activiste urbain
Pour le Comité de quartier Sainte-Walburge
Maxime Petit Jean
Pour le Gracq-Chaudfontaine
Benjamin Pirotte
Pour le Gracq-Liège
Serge Seron et Jean-Yves Lovens
Pour Navetteurs.be
Gianni Tabbone
Jacques Teller
Professeur à l’ULiège
Pour le Centre liégeois du Beau-Mur
Emilie Thomas
Sophie Tilman
Architecte urbaniste
Pour le Comité de quartier Vennes-Fétinne
Arlette Troisfontaines
Pour le Comité de quartier Sainte-Marguerite
Alain Vito