L’information a été annoncée à la presse en octobre 2014 |1|, à l’occasion de la présentation du budget 2015 de la Province de Liège : les autorités provinciales souhaitent édifier une nouvelle bibliothèque provinciale sur le site de Bavière, et délaisser son implantation historique des Chiroux. Ce déménagement et la création d’un pôle culturel en Outremeuse nous apparaît comme une bonne nouvelle pour ce quartier (comme ceux, voisins, d’Amercoeur et de Bressoux), notamment depuis le départ du Théâtre de la place, où ces nouvelles fonctions publiques viendraient compléter, et équilibrer, le projet de construction de nouveaux logements prévus sur le site.
Néanmoins, notre inquiétude est vive de ne pas voir s’organiser une compétition d’architecture pour la conception de ce nouvel équipement. Ainsi découvre-t-on, dès à présent, une vue 3D du futur bâtiment, présentée à la presse : tout indique à ce stade que le bâtiment, d’une superficie de 5 000 m² et estimé à 40 millions d’euros — ce qui en fait le plus important projet culturel de la décennie à Liège — sera conçu en interne par les services techniques provinciaux.
Cette annonce provinciale est d’autant plus surprenante que c’est notamment au départ de projets culturels, résultats de compétitions, que l’architecture a retrouvé sa crédibilité à Liège et que l’image de la ville a gagné en visibilité, en Belgique et à l’étranger : que l’on pense au Cinéma Sauvenière, au Manège de la Caserne Fonck, au Théâtre de Liège, au futur CIAC et au MAD musée,...
Ne pas organiser une compétition d’architecture, vecteur d’ambition, de vision et d’émulation publiques apparaît d’autant plus paradoxal que ce bâtiment, qui deviendra la plus importante bibliothèque de Wallonie, abritera aussi, au côté d’une pépinière d’entreprises numériques… « une maison de la création » — dont il faut donc comprendre que sa conception échappera aux acteurs de la création architecturale !
Quand l’on regarde les projets similaires en Belgique et à l’étranger, de petites ou grandes échelles, ils sont toujours le fruit de compétitions d’architecture, indispensables pour réinventer le modèle de la bibliothèque, questionnant ces carrefours des mondes imprimés et numériques, répondant aux enjeux multiples de cohésion sociale et de lecture publique : ainsi en est-il de l’impressionnante nouvelle bibliothèque et pôle culturel de Gand (Waalse Krook) |2|, des multiples projets réalisés en France (Anzin |3|, Tourcoing |4|, Pau |5|, Metz |6|, Montauban |7|, La Madeleine |8|, Mont-de-Marsan |9|, Strasbourg |10|,…), en Grande-Bretagne (Birmingham |11|), entre-autres.
Enfin, rappelons le remarquable projet de Bavière (un ensemble de logements et d’espaces publics |12|), lauréat à l’unanimité d’une compétition internationale organisée par la Ville de Liège et objet d’un permis d’urbanisme en 2007, a capoté faute de soutien public… alors que la Province débourse aujourd’hui près de 3,5 millions d’euros rien qu’à l’achat du terrain pour la bibliothèque — et sans juger utile que l’actuel promoteur présente ses nouveaux plans (en dépit d’avoir conservé ceux du projet initial). Rappelons encore que celui-ci proposait une lecture du site d’un grand intérêt pour le quartier, créant des interconnexions avec le quartier et des transversalité par rapport à la Dérivation, des espaces publics diversifiés au cœur de l’îlot (cours, places et parc), qu’il conservait l’intéressant bâtiment des années 1930 de la « Dentisterie » |13| aujourd’hui promis à la démolition, et enfin qu’il prévoyait par-dessus tout la contribution de plusieurs architectes au fil du temps afin de prendre en compte et participer à l’évolution de l’architecture, dont la vitalité n’est plus à démontrer à Liège (sauf à la Province ?)
Dans un tel scénario, l’actuelle bibliothèque des Chiroux doit aussi faire l’objet d’une réflexion quand à sa réaffectation. Et plus largement, nous soutenons les nécessaires transversalités à développer avec les services culturels de la Ville de Liège (dont le Centre culturel) et de la Fédération Wallonie-Bruxelles : pour ne pas que ce nouveau pôle culturel à Bavière se réalise en dépit des nécessaires rapprochements entre pouvoirs publics aux compétences identiques, de manière à proposer une offre intégrée de services (Province, Ville, Fédération) auprès du citoyen.
Nous plaidons dès lors pour qu’un concours soit organisé pour la construction de ce pôle culturel tout d’abord, et plus largement, pour la création du nouveau quartier de Bavière (à tout le moins d’inviter les lauréats déchus du projet précédent), conservant et réaffectant l’ancienne Dentisterie, intégrant dans son périmètre la requalification du site provincial des Barboux ainsi que les schémas prospectifs de la mobilité à Liège (vélos et tram), en particulier ceux de la Transurbaine (commandité par le Groupement de redéploiement économique) |14| qui prévoit un passage du tram en Outremeuse. Enfin, compte-tenu de la carence en la matière à Liège, il apparaîtrait opportun de développer la réflexion pour réserver une part du site à du logement public.
L’asbl urbAgora lance un appel à la mobilisation et invite tous ceux qui souhaitent voir organiser pour le pôle culturel une compétition d’architecture à joindre leur signature au présent texte. C’est la seule véritable issue pour rencontrer avec subtilité les enjeux qualitatifs de la construction de la ville aujourd’hui, dans ses dimensions architecturales, urbanistiques et paysagères, dans une vision progressiste de l’action des pouvoirs publics, et au bénéfice final des habitants et de ceux qui la fréquenteront demain.