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Réorganisation du réseau de bus : problème de méthode et manque d'ambition

jeudi 17 septembre 2020,

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Communiqué de presse de l’asbl urbAgora, 17 septembre 2020

Le groupe TEC a communiqué ce mercredi les grandes lignes d’un plan de réorganisation du réseau de bus de l’agglomération de Liège, prévoyant notamment la création de quatre axes de « Bus à haut niveau de service » (Ans-Chênée, Liège-Fléron et deux axes vers le Sart Tilman). Cette communication appelle de la part de l’asbl urbAgora la réaction suivante.

Plan d’ensemble du projet diffusé à la presse le 16 septembre 2020. En vert : le tram. En jaune : les lignes de bus à haut niveau de service. En bleu : les lignes dites « structurantes ». En rouge : le reste du réseau.

1. Absence de concertation

Tout d’abord, fidèle à sa culture organisationnelle, le TEC annonce une évolution importante du réseau de bus de l’agglomération liégeoise sans avoir mené aucune concertation publique sur le sujet. Il semblerait que la direction du TEC, en dépit des décennies d’expérience démontrant le contraire, persiste à considérer qu’elle est en mesure de définir seule une offre répondant aux besoins des usagers. Nous ne pouvons que le regretter.

Certes, une partie des évolutions annoncées s’appuie sur le Plan urbain de mobilité, mais celui-ci a également été concocté sans concertation. Tout au plus les conseils communaux des 24 communes de l’arrondissement ont-ils été amenés — en sachant que c’était ça ou rien — à approuver, après sa finalisation et sans aucune possibilité de le modifier, ce document qui est très loin de répondre aux enjeux de mobilité auxquels fait face l’agglomération de Liège.

Plus regrettable encore, cette direction et le ministre compétent, Philippe Henry (Ecolo), semblent estimer qu’ils n’ont pas à rendre public leur projet. Celui-ci est en effet introuvable, ce jeudi, sur les divers sites web du TEC, du ministre, de la Région… Comment les personnes désireuses de participer au débat public pourront-elles formuler un avis circonstancié si elles doivent se contenter des échos parus dans la presse ?

2. Un calendrier qui pose question

Alors que la décision de réaliser la première ligne du tram de Liège a été prise il y a plus de dix ans, alors que différents acteurs se sont positionnés au cours des années écoulées pour alimenter ce débat (cf. notamment la note d’urbAgora : « Réorganiser le réseau de bus liégeois ? oui, mais comment ? », mars 2017), il aura fallu attendre 2020 pour que le TEC présente à la presse (à défaut, à ce jour, de le rendre public) un projet de réorganisation du réseau de bus, qui ne sera réalisé, selon les informations communiquées hier, qu’en 2025, soit trois ans après l’inauguration du tram (en imaginant que les retards à répétition observés dans le dossier du tram ne se répéteront pas). Le tram est pourtant un outil qui, en dépit de ses défauts de conception, devrait augmenter significativement l’attractivité du réseau de transport public.

Après plusieurs années de difficulté consécutives aux travaux du tram, il faudra donc encore aux usagers attendre (au moins) trois années de plus pour pouvoir disposer d’une offre de transport public complète. Le TEC souhaite-t-il dissuader le public d’utiliser le transport en commun ?

3. Quel budget ?

Le TEC semble avoir annoncé la création de nouveaux axes de « Bus à haut niveau de service » (BHNS) sans dire un mot du coût de l’opération. C’est pour le moins étrange. L’aménagement d’un axe BHNS — si l’on souhaite réellement atteindre le « haut niveau de service » — est pourtant très onéreux, autour de 10 millions d’euros du km, comme on vient encore de l’observer à Charleroi, où la facture des deux axes de BHNS (N53 et N5) a été récemment réévaluée à 120 millions d’euros, pour environ 11 km de ligne. Le présent projet déploie, pour les seules lignes estampillées « BHNS », environ 35 km de lignes, à quoi il faudra ajouter les investissements à programmer pour les lignes dites « structurantes ».

Même si certaines parties des axes concernés ont déjà fait l’objet d’aménagements, le budget d’ensemble est sans doute de l’ordre de plusieurs centaines de millions. Doit-on comprendre que la Région est prête à injecter de pareils montants dans ce projet ? Ou l’intention est-elle de faire un projet au rabais, portant le nom de BHNS mais très éloigné des références européennes en la matière ?

4. Quelques bonnes nouvelles

Dans les éléments communiqués, nous relevons cependant des avancées intéressantes, défendues de longue date par l’asbl urbAgora.

— L’arrivée, timide, de lignes de bus traversantes est une bonne chose, qui va permettre quelques connexions directes de périphérie à périphérie sans imposer aux usagers la rupture de charge actuellement (presque) inévitable dans le cœur urbain. Ce principe doit être appliqué à d’autres lignes, ce qui permettra également de libérer de l’espace dans le centre urbain pour d’autres fonctions.

— La fin de l’obligation de monter par l’avant est une excellente nouvelle, susceptible de faire gagner plusieurs minutes sur certains trajets. Malheureusement, seules les lignes « à haut niveau de service » semblent concernées par cette modification réglementaire annoncée. Nous souhaitons qu’il soit généralisé.

— La confirmation du projet de ligne fusionnant les parties subsistantes des lignes 1 et 4 pour créer une ligne nouvelle, reliant les Guillemins à Coronmeuse via la rive droite et le quartier Saint-Léonard, est également une bonne chose, en maintenant une desserte intérieure satisfaisante du quartier Saint-Léonard, qui risquait de disparaître avec le tram. La création de cette ligne pourrait être l’occasion de repenser la traversée du quartier, en créant une voie propre pour les bus, le long du chemin de fer, entre le Pont des Bayards et la place Vivegnis, afin de soulager la rue Lamarck du trafic bus et d’assurer une connexion de qualité avec le futur point d’arrêt ferroviaire de la place Vivegnis.

— La reconnaissance (timide là encore) de l’importance de la gare de Milmort (avec la prolongation annoncée de la ligne 7) est une avancée. Il reste à présent à prolonger les actuelles lignes 5, 24 et 87) et éventuellement à détourner les lignes 71 et 76 pour obtenir un vrai pôle de mobilité dans le Nord de l’agglomération, à partir duquel une desserte de qualité du zoning des Hauts-Sarts (via navette en boucle, système de micro-mobilité ou autres solutions) pourra enfin être envisagé.

5. Une architecture qui reste à repenser

Pour autant, aucune réelle refonte de l’architecture du réseau n’est opérée dans le projet qui a été présenté hier. Pour urbAgora, quatre préoccupations devraient pourtant être centrales à cet égard.

5.1. Identifier les nouveaux besoins

À l’exception de la ligne desservant le nouvel hôpital du « Mont Legia » (sur le tracé étudié pour la Transurbaine), la logique reste celle du renforcement des lignes existantes, sans chercher à identifier de nouveaux besoins. Nous pensons qu’une réelle refonte du réseau est nécessaire, en commençant par identifier les besoins et en voyant comment y répondre.

Par exemple, le nouveau boulevard urbain de Seraing, qui constitue l’épine dorsale de tout le redéploiement sérésien, demeure, de façon stupéfiante, dépourvu d’une desserte en transport public, alors même qu’un P+R majeur (qui ne figure même pas dans le plan communiqué par le TEC) est en cours de développement sur le site des Ateliers centraux d’Ougrée.

De même, aucune desserte du pôle de l’aéroport n’est envisagée : si, à nos yeux, la création massive de bureau face à l’aérogare est une monstruosité urbanistique, qui va profondément nuire à l’équilibre urbain de l’agglomération, la Région doit quand même se préoccuper des inévitables problèmes de mobilité dès lors qu’elle autorise (voire promeut) ce projet.

5.2. Sortir de la monocentralité

Toute l’organisation du réseau proposé par le TEC continue à être complètement monocentrique, comme si sa seule fonction était de desservir le centre-ville de Liège, la gare des Guillemins et le campus du Sart Tilman. Les autres pôles restent cantonnés au statut de périphérie. C’est fortement regrettable. Nous plaidons une fois de plus pour la définition du tissu urbain liégeois comme étant polycentrique, avec un réseau de transport public articulant ces pôles entre eux. A minima, outre le Sart Tilman, la gare d’Ans, le pôle Jemeppe/Seraing et la gare d’Herstal doivent à nos yeux être considérés comme des nœuds du réseau.

Une manière d’y parvenir est de mettre en place des lignes structurantes de rocade, en particulier :
— une ligne reliant la gare d’Ans au Sart Tilman via Jemeppe, le cœur de Seraing et Ougrée ;
— une autre reliant la gare d’Ans à Herstal via Rocourt et Milmort ;
— une troisième reliant les Guillemins à Herstal via Grivegnée et la gare de Bressoux.

5.3. Un problème de capacité

Même si la création d’un axe BHNS entre Fétinne et Saint-Lambert via le Longdoz va soulager un peu le tram sur sa partie centrale (entre Leman et Saint-Lambert), la question du manque de capacité reste selon nous posée (cf. « Le tram de liège est déjà en sous-capacité », juin 2019). Le principe de rabattement vers la ligne de tram, qui demeure central dans l’approche générale, renforcera ce problème. Nous demandons donc à nouveau au TEC et à la Région de prévoir dès à présent une augmentation de la fréquence du tram (et donc l’acquisition de matériel roulant supplémentaire).

Ce problème de capacité se posera également, à moyen terme, sur l’axe transversal (la Transurbaine, entre Ans et Chênée via Saint-Lambert et le Longdoz) : le BHNS n’offre pas une capacité suffisante pour drainer l’ensemble des développements urbains qui sont programmés sur cet axe, a fortiori si l’on formule des hypothèses un peu fortes en matière de report modal. On ne peut pas, comme le fait le ministre Henry, répéter sans cesse à quel point la transition énergétique est vitale, tout en rendant impossible une montée en charge des nouveaux projets de transport public. Nous le disons une fois encore : c’est un tram qu’il faut construire sur l’axe Ans-Chênée.

5.4. Le train, encore et toujours oublié

Là encore, rien ne change : alors que l’agglomération a le plus impératif besoin d’une approche intégrée en matière de transport public, la complémentarité entre le rail et les modes de transport urbain demeure évanescente, au point que le TEC publie des cartes portant sur la « refonte » du réseau de transport public liégeois sans même y faire figurer les voies de chemin de fer, au point que le TEC présente la nouvelle hiérarchie des axes de transport sans même mentionner le rail, qui constitue pourtant la réelle « ossature » (les métaphores squelettiques ayant semble-t-il la cote) du réseau métropolitain.

Face à cette attitude, nous demandons la création d’un Opérateur public métropolitain du transport, qui gérerait, à l’échelle de la grande agglomération liégeoise, à la fois l’ensemble de l’offre urbaine et les lignes de train suburbain (actuelle offre « S » de la SNCB).

6. Conclusion

L’arrivée du tram est une opportunité immense pour Liège, mais faire de cet outil un vrai levier de transformation de la mobilité quotidienne dans la ville, et plus encore un véritable levier de renaissance urbaine demande d’autres méthodes et d’autres ambitions que celles qui ont cours dans le groupe TEC et au gouvernement wallon. En premier lieu, il importe que ces institutions reconnaissent que les enjeux de mobilité dans une agglomération relèvent du débat démocratique urbain et qu’il n’est donc pas admissible que les décisions à ce sujet soient prises à Namur, sans une intense concertation avec les pouvoirs locaux et avec les acteurs de la mobilité.

L’asbl urbAgora demande dès lors au ministre de publier au plus vite le projet, d’admettre que ce projet doit évoluer en tenant compte du débat public et de se mettre, pour une fois, à l’écoute.

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