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Bavière : des évolutions positives, mais insuffisantes

Questions et remarques relatives à l’enquête publique concernant trois demandes de permis d’urbanisme avec étude d’incidences relatives au projet global de reconstruction du site de Bavière

mardi 10 octobre 2017,

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L’avis ci-présent a été rédigé par les membres de la plate-forme Bavière.be, en partenariat avec l’ASBL urbagora.

Mesdames et messieurs les membres du Collège communal, en vos titres et qualités,

Nous souhaitons par ce courrier vous transmettre les remarques et questionnements qui ont émané au sein de notre plate-forme citoyenne Baviere.be suite à la consultation des documents déposés depuis ce 11 septembre. Nous divisons ces observations dans ce courrier en trois parties, relatives aux trois permis.

1. Le pôle de développement culturel

Le projet qui est proposé présente un caractère architectural très fort et typé. Il se veut également à la pointe de la technologie en matière thermique et d’économies d’énergies. Concernant un équipement public, on est en droit d’attendre un usage optimal et transparent des moyens alloués au projet.

Pourtant on peut s’interroger sur les choix et les options de conception qui ont été opérés au regard des interactions entre les 3 aspects suivants du projet : le parti architectural, le rapport à l’énergie et le bon usage des deniers publics.

1.1. Une légitimité d’écriture bancale

En préambule, on peut déplorer que la commande ait été directement attribuées aux services de la Province. Quel que soit leur degré de
compétence, il aurait été souhaitable qu’un tel projet puisse faire l’objet d’un concours (et il y a assez de type de procédures que pour que cela n’ait ni ralenti ni grevé le projet).

Lorsque l’on regarde les façades et la spatialité du projet, il n’échappe à personne que c’est un bâtiment ambitieux du point de vue formel et très connoté dans son époque. Faire valider ce parti par un jury et s’être donné les moyens de comparaisons de différentes options eût été un minimum afin de convaincre l’ensemble de la population d’avoir fait le bon choix. En termes de débat public, l’absence de concertation de la population ou de tout autre œil extérieur sur le développement de ce projet est donc à souligner.

1.2. Une spatialité peu optimale

Le projet en plan et en élévation se caractérise par un grand nombre d’espaces trapézoïdaux ou triangulaires. Cette conception faisant la part belle aux angles aigus génère beaucoup d’espaces perdus. Concernant les espaces utilisables, ce type de formes nécessite des quantités de matières plus importantes à mettre en œuvre à surface égale.

Du point de vue général, on peut également s’interroger sur la forme globale du projet qui développe beaucoup de surfaces en contact avec l’extérieur par rapport aux surfaces de plancher. On doit donc mettre en œuvre beaucoup de façades plus coûteuses à construire et génératrices également de surfaces de déperdition d’énergie.

Cette composition est donc peu économe et en contradiction totale avec les enjeux d’usage rationnel des moyens (matériels et financiers) et de l’énergie, alors même que l’ambition affichée, et ayant fait office de condition à l’octroi du fond FEDER, est de proposer un bâtiment exemplaire en termes de durabilité.

1.3. Une faible résilience à long terme

Si l’on se penche plus en détail sur les usages projetés, on peut remarquer que les espaces présentent des plans aménagés pour des activités très précises envisagées actuellement. Mais on peut sérieusement s’interroger sur la capacité du bâtiment à évoluer dans le temps. En effet, des espaces trop connotés, « taillés sur mesures » ou dont les interactions potentielles sont très déterminées, auront du mal à permettre l’évolution des activités initiales ou à être investis par les nouveaux besoins qui ne manqueront pas d’apparaître dans les décennies à venir. Cette souplesse d’appropriation est pourtant nécessaire à l’évolution de la vie et de l’usage du bâtiment. Sans ça, le projet et le bâtiment dans son ensemble risquent d’être touchés plus rapidement par l’obsolescence qu’une conception plus classique des espaces. C’est un comble au regard des ambitions du projet, car cette fragilité le rend inexorablement moins durable. Nous adressons donc ces questions : quelles évolutions des usages les espaces, tels qu’ainsi dessinés, pourront-ils accueillir ? Quelles réflexions sur la longévité de la vie du bâtiment ont été mises en œuvre au travers de sa conception ?

1.4. Une gestion du foncier d’un autre âge

On peut s’interroger encore sur la capacité de l’équipement à évoluer sur son implantation. Si le bâtiment lui-même paraît fort figé dans ses usages, le projet ne ménage aucun vase d’expansion sur son site. Une gestion « en bon père de famille » aurait réservé du foncier afin de permettre une extension horizontale ou encore surdimensionné la structure et prévu l’architecture du bâtiment afin d’autoriser une croissance verticale. Mais rien de tout cela n’a été prévu ; pour, semble-t-il, assouvir un caprice formel, on consomme toute les ressources spatiales disponibles au temps T, sans se soucier des besoins futurs de croissance. C’est une attitude interpellante, qui questionne lourdement, une fois encore la capacité de ce projet à répondre aux impératifs du développement durable.

Ainsi, ce projet aura beau faire la démonstration de l’usage des dernières technologies où être l’objet des attentions les plus raffinées de mise au point, il nous semble qu’il ne donnera jamais satisfaction. Les partis pris qui ont été adoptés dès les premières esquisses et qui sont aujourd’hui développés avec force et détails sont tout simplement mauvais et déjà dépassés.

Il est extrêmement navrant de n’avoir l’occasion d’exprimer ces remarques qu’à ce stade de la procédure. Toutes ces constats auraient déjà pu être débattus dès les premières esquisses du bâtiment mais il a été dit à l’époque — par la Province, le promoteur et la Ville — que ce n’était là que des dessins sans valeur et absolument pas une spatialisation aboutie ; le gâchis est à la hauteur du mensonge.

On assiste aujourd’hui à la mise au point d’une faillite annoncée. Celle d’une idée qui n’a pas su évoluer ; d’une image dont on tombe amoureux et qu’on est ensuite incapable de remettre en question. En l’état ce projet — qui doit être le cœur du renouveau du quartier — a tout juste le potentiel pour devenir un monument au mépris pour les citoyens qui s’intéressent à la chose publique... C’est désespérément cocasse pour un pôle culturel.

Nous enjoignons donc à reconsidérer l’architecture de ce qui pourrait être un véritable moteur de la redynamisation d’Outremeuse afin qu’elle inclue véritablement les principes du développement durable. En soi, il s’agit d’une part, d’allier au projet un véritable processus de concertation de la population à un questionnement du bâtiment, d’autre part d’y intégrer une préoccupation effective et rationnelle pour les évolutions futures des usages du lieu, en termes d’occupation des locaux et du foncier.

Si de telles demandes peuvent apparaître conflictuelles avec les délais imposés par les fonds européens, elles n’en sont pas moins la condition pour ériger un véritable bâtiment public exemplaire qui pourra être montré comme le symbole effectif d’un renouveau d’Outremeuse, et de Liège en général.

2. Aménagements des abords du site de Bavière

Le plan d’aménagement des voiries internes au nouveau quartier de Bavière a sensiblement évolué depuis les premières esquisses. On peut tout d’abord saluer et apprécier cette évolution au regard des contraintes complexes qui sont en jeu, et la prise en compte des remarques faites lors de l’enquête préalable à l’étude d’incidences.

Toutefois, on peut s’interroger sur la validation du tracé de ces nouvelles voiries internes et ses conséquences sur les projets de construction à venir.
En effet, le découpage opéré sur le site par leur tracé génère certaines poches à lotir à la géométrie ingrate voir résiduelle. C’est particulièrement le cas de l’îlot destiné à accueillir du logement situé au milieu du quai de la dérivation. Cet îlot s’il est bâti par une épaisseur périphérique relativement constante (comme les esquisses semblent le prévoir) ménage en effet peu — à très peu — de distance entre les façades arrières. Ces caractéristiques mettront à mal la qualité de la vie qui pourra s’épanouir dans les logements concernés et se poseront en véritable gageure vis-à-vis de l’usage du sol extérieur à l’intérieur de l’îlot.

De manière générale, si la coupe dans l’assiette de ses voiries et leur conditions locales d’épanouissement semblent globalement agréables, les conséquences opérées par leurs interactions sur le bâti sont à bien considérer avant de valider leur tracé au risque de compliquer très fort le développement en seconde phase du reste du projet. Nous demandons donc qu’une attention toute particulière soit portée au développement architectural futur de ces îlots, et que les aménagements des voiries internes actuellement considérés puissent accompagner celui-ci. Les questions d’intimité, de vis-à-vis et de rapport espaces publics/semi-publics/semi-privés/privés, ainsi que celles d’apports de luminosité sont donc à considérer dès à présent dans les aménagements.

Enfin, un autre point à noter concerne la qualification du triangle minéralisé derrière le pôle culturel. Il est désolant que cette zone n’ait pu faire l’objet d’un aménagement davantage végétalisé afin de pouvoir être qualifié d’espace vert. C’est en effet un manque encore assez cruel à l’échelle de la zone vis-à-vis de sa capacité à en ménager, alors même qu’il s’agit là d’une demande évidente et explicite des habitants du quartier d’Outremeuse à laquelle le récent réaménagement de la place de l’Yser ne répond que trop peu.

Cela est d’autant plus interpellant qu’on peut s’interroger sur la pertinence d’une seconde zone minéralisée de l’autre côté de la place principale du pôle culturel. Cet aménagement en mode résiduel ou mineur est redondant avec l’esplanade principale. Nous suggérons donc qu’il gagnerait à être travaillé au contraire dans une dynamique de diversité et complémentarité au bénéfice de l’économie générale du projet, et non comme simple résurgence du parking enterré. Si l’impact de ce dernier ne peut véritablement pas être limité, en dépit de cause il serait toujours bon de penser un véritable aménagement qualitatif de cette (trop) vaste terrasse du pôle culturel qui ne se limite pas à un mobilier urbain périphérique, tel que dessiné actuellement.

3. Aménagements du boulevard de la Constitution & rue des bonnes villes

L’ensemble des aménagements envisagés semblent être l’amorce d’une réinterprétation contemporaine intéressante et bienvenue des voiries et espaces publics du quartier.

Une question se pose toutefois plus particulièrement concernant la vaste esplanade qui s’étire depuis l’académie vers les quais de dérivation et plus précisément la partie essentiellement minérale : quelles sont les activités envisagées pour cette zone et quels types d’aménagements permettront leur épanouissement ?

On peut en effet s’interroger sur le positionnement d’un tel espace à cet endroit de la ville à proximité du flux de voiture qui constitue une nuisance.
Sur quelles conditions locales compte-t-on pour animer l’espace ? Quelles sont les activités pressenties ? Qu’est ce qui est mis en œuvre pour les privilégier et empêcher d’autres mésusages non souhaités comme le parking sauvage, les dépôts clandestins, ou les appropriations excluantes ou criminogènes ?

Une piste de réponse pourrait être esquissée par un inventaire et une analyse de l’occupation des RDC actuels et projetés des bords de cet espace public.
Ceux-ci par leurs interactions avec l’espace public attenant et leur pouvoir en matière de contrôle social ont une capacité à générer l’animation de la zone et induire des usages positifs. De notre point de vue, cette émulation potentielle n’est toutefois pas évidente à imaginer à l’heure actuelle. Trop d’inconnues demeurent en l’état sur les conditions périphériques d’émulation de la zone. Y a-t-il des mesures d’accompagnements particulières qui ont été élaborées avec le projet à venir ? Cet espace a-t-il une chance de fonctionner si les projets immobiliers du nouveau quartier tardent trop longtemps à venir ou changent d’affectation une fois le permis des nouveaux aménagements validé en l’état ?

À défaut de réponses concrètes et étudiées, ne serait-il pas plus juste et plus sage de revoir ou préciser cet espace avec une adéquation plus fine au contexte et aux façades existantes ? Soit de concevoir cet espace public de façades à façades.

Un des problèmes pour ce faire est qu’actuellement une partie de l’esplanade jouxte un vide en attente de projet. Une solution pragmatique permettant d’articuler les choses et préserver un point d’ancrage au site consisterait à faire rénover le bâtiment de la dentisterie au sein du projet à venir. L’espace public aurait alors un point d’accroche sur lequel appuyer son dessin et amorcer sa colonisation au sein même du nouveau quartier sans devoir attendre la conception de cette partie du projet. La dentisterie possède en effet une façade largement percée et qui une fois ré-habitée offrirait un relais et un ancrage au vide à animer. Ce bâtiment qui possède des qualités spatiales internes indéniables est idéal pour abriter une fonction polarisante au sein du sous quartier.

Il « suffirait » idéalement de trouver une ou plusieurs fonctions pour l’habiter de manière pérenne au sein du projet et le bâtiment pourrait jouer le rôle d’articulation entre le nouveau quartier et le boulevard de la constitution.

Nous savons que ce scénario souffre de plusieurs difficultés notamment qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune institution dont la taille critique et les finances sont suffisants que pour porter un tel projet. Mais il nous semble également que la volonté même de chercher un tel partenaire est absente tant les décideurs envisagent le bâtiment uniquement sous l’aspect des problèmes dont il souffre aujourd’hui. Toutefois, lorsqu’on voit la réussite de la requalification du site du Val-Benoit ou même de l’ancienne piscine des Bains de la Sauvenière, on ne peut nier l’intérêt de ces projets en termes de plus-value locale générée par la requalification de ces repères paysagers territoriaux. Le premier pas pour avancer dans le dossier de la sauvegarde de la dentisterie serait de pouvoir balancer objectivement les écueils dont souffre actuellement le bâtiment par les points positifs de sa conservation et requalification. Il nous semble que l’interaction positive avec l’espace public attenant et sa capacité de génération de contrôle social et d’animation fait partie des vertus de ce bâtiment. En concevant l’espace public en réponse à la présence du bâtiment de la dentisterie, celui-ci pourrait être mis en valeur et redécouvert, notamment par de potentiels investisseurs. Qui plus est, il s’agirait là d’une amorce idéale au cheminement vers la future passerelle piétonne reliant le boulevard au quartier de Bressoux. En tant que point d’articulation et repère dans l’espace, ce bâtiment a capacité à générer un espace public le jouxtant pouvant soutenir la délicate transition entre les différentes atmosphères urbaines en présence.

Ainsi, nous demandons que l’étude des sous-permis partiels du projet global de renouveau du quartier puissent être appréciée en intégrant les effets de bord et les interactions positives des différents sous-projets phasés dans le temps. L’enjeu est ici de re-tisser un nouveau biotope riche et équilibré pour la zone. Se priver de lien forts et latents comme le potentiel de reconversion de la Dentisterie nous paraît être une erreur au préjudice du bon fonctionnement de l’ensemble du projet de nouvel espace public. Une mise à jour du projet induisant des conditions particulières d’interaction avec le bâtiment intégrées au nouvel espace public nous paraît être un premier signe positif à marquer dans ce sens. Ces propos sont par ailleurs également applicable à l’ancien bâtiment d’entrée de l’hôpital, ainsi qu’à la chapelle de Bavière.

Globalement, si le projet actuel a pu évoluer de façon assez positive, de nombreux écueils restent donc bien présents, tant dans chacun des permis ici en question, que dans ceux qui se profilent à l’horizon, mais qui seront directement impactés par l’aboutissement des premiers.

Nous considérons donc qu’il est de première importance que les documents actuellement en question soient retravaillés avec en tête les exigences d’une utilisation pragmatique de l’argent public faisant montre d’un souci de pérennité et d’adaptabilité du projet dans les décennies à venir, les besoins d’intimité et de luminosité des futurs habitants, comme ceux d’espaces publics, verts et qualifiés des riverains actuels et la nécessité d’inscrire une qualification fine des espaces publics transformés dans un tissu existant complexe, qui exige une grande capacité à gérer la diversité d’atmosphères urbaines en présence et à générer qualité et animation dans l’espace, lesquelles reposent en grand epartie sur les aménagements pressentis et les conditions locales existantes. Dans le cas où ces demandes ne trouveraient pas réponse dans les futures modifications, nous ne manquerons pas d’employer les moyens nécessaires que pour faire entendre les besoins de ce site, et de ses riverains.

En l’attente de vous lire, nous nous prions, Mesdames et Messieurs les membres du Collège communal, en vos titres et qualités, de recevoir nos salutations distinguées,

Pour la plateforme Baviere.be,

Le 10 octobre 2017,

Olivier De Wispelaere,
Pavel Kunysz,
Benoit Heylens,
Erwin Woos,

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

 

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