L’asbl urbAgora a pris connaissance des décisions relatives au tram prises par le gouvernement wallon au début de ce mois, lesquelles appellent plusieurs commentaires.
Constitution d’un « comité exécutif »
La mise en place d’un « comité exécutif » est une bonne chose dans la mesure où cela témoigne d’une prise de ses responsabilité par le pouvoir politique : le tram — qui va remodeler fondamentalement la ville et avoir des implications multiples sur la vie quotidienne dans toute l’agglomération — ne peut en effet se réduire à un simple enjeu de transport en commun et ne peut donc être mené à bien par la seule société régionale des transports : à nos yeux, l’implication effective des exécutifs communaux et régional est, parmi d’autres, une condition indispensable à la réussite du projet.
Nous saluons donc la mise en place de ce comité exécutif.
Sa composition nous étonne cependant sur deux points.
Tout d’abord, nous déplorons l’absence en son sein de la SNCB, qui témoigne une fois de plus du manque de complémentarité entre le projet de tram tel qu’il se conçoit aujourd’hui et le chemin de fer. Nous exprimons, une fois de plus, nos plus vives inquiétudes quant au risque de voir le tram dupliquer une infrastructure ferroviaire plutôt que de se positionner de manière complémentaire à elle.
Nous regrettons par ailleurs le fait que seules quatre communes (Herstal, Liège, Saint-Nicolas et Seraing, soit celles dont le territoire est traversé par la première ligne) sont associées à ce comité exécutif. Il est indispensable, selon nous, d’associer, dès à présent, les autres communes de l’agglomération qui seront également concernées par le projet, ne serait-ce que par l’indispensable réorganisation du réseau de bus dont s’accompagnera la mise en service du tram. Cet élargissement est d’autant plus souhaitable que le tram pourrait constituer un des éléments susceptibles d’amener à la constitution d’une Communauté urbaine liégeoise, qui réunirait naturellement bien plus que quatre communes.
Nous notons enfin l’absence persistante de tout dispositif d’information du public, a fortiori de toute instance permanente de concertation dont l’utilité est pourtant très largement reconnue. Nous constatons que, depuis le lancement du projet, aucune séance d’information ouverte au grand public n’a encore été organisée par les pouvoirs publics. Nous constatons encore que le site web, promis depuis plus d’un an et présenté à l’époque par le ministre comme la seule interface permettant au public de faire des remarques sur le projet, n’est toujours pas en ligne au moment de publier ce communiqué, alors même que des décisions extrêmement importantes sont en train d’être prises.
Maintien du financement par PPP
Nous constatons que le gouvernement wallon envisage, dans d’autres arrondissements, des investissements conséquents (contournement de Couvin, gare des bus de Namur, rénovation des routes,...) sans envisager de recourir au « Partenariat public privé » (PPP). Nous nous interrogeons donc sur le maintien, envers et contre tout, de cette formule de financement dont les défauts sont pourtant conséquents (à commencer par le surcoût).
Nous invitons le gouvernement wallon à publier un comparatif chiffré des coûts estimés et des conséquences du PPP face à d’autres formules, en particulier celle d’un emprunt à la BEI. Et que le choix objectif soit justifié sur cette base.
Désignation de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage
Enfin et surtout, la désignation du lauréat pour l’assistance à la maitrise d’ouvrage publique de la première ligne de tram |1| n’est pas sans poser certaines questions. Il n’est pas inutile de rappeler que la mission de cette équipe sera de « traiter l’aspect technique du projet d’implantation du tram à Liège mais aussi l’aspect urbanistique, architectural et la restructuration du réseau de transport liégeois » |2|. À cet égard, nous déplorons une nouvelle fois l’énorme distorsion qui apparaît entre l’importance des enjeux que revêt cette mission — il s’agit ni plus ni moins de concevoir et de mener à bien le plus important projet d’aménagement d’espace public de Liège en ce début de 21e siècle ! — et l’opacité dont a fait preuve l’administration pour faire son choix.
Y avait-il un jury ? Celui-ci comportait-il des membres extérieurs à l’administration ? Associait-il des personnes pouvant faire valoir une expérience relative à l’implantation d’un tram dans une autre ville belge ou européenne ? Les enjeux architecturaux, paysagers, de design urbain et d’art public ont-t-ils été pris en compte, et si oui, sur quels critères ? Pour quelles raisons l’administration a-t-elle choisi cette équipe lauréate ? Pour quelles raisons seules deux équipes candidates ont-elles été en mesure de faire offre alors qu’elles étaient pas moins de 8 sur la ligne de départ |3| ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’administration n’a, tant qu’à présent, pas jugé utile d’apporter des réponses à ces questions et il est à l’heure actuelle impossible de prendre connaissance du projet de l’équipe lauréate et des intentions qu’elle sous-tend pour l’aménagement de plusieurs kilomètres d’espaces publics... En conséquence, urbAgora invite de manière pressante l’administration à informer, sans attendre, le public de la manière dont le processus de sélection a été mené, et rende public la projet de l’équipe lauréate mais aussi ceux des autres candidats non retenus, de manière à ce que chacun puisse se saisir de ce projet d’avenir pour Liège.
Par ailleurs, nous revendiquons l’organisation de concours d’architecture ainsi qu’un programme d’installation d’art public |4|. Ces concours devraient associer architectes, paysagistes et designers pour le mobilier urbain, afin de concevoir les espaces publics traversés par la future ligne de tram, que nous souhaitons voir aménagés de façade à façade, mais aussi pour concevoir l’architecture de tous les équipements liés à l’exploitation du tram, comme les stations, le dépôt, le centre de maintenance, etc. Il s’agit là pour urbAgora — s’appuyant sur l’expérience des concours similaires relevés partout en Europe — d’une condition sine qua non pour la réalisation d’un projet d’aménagement de qualité, répondant tant aux attentes de la collectivité (habitants, usagers, collectifs citoyens, etc.) que des pouvoirs publics, sur le plan de la durabilité, de l’innovation et de la créativité. Et donc, susceptible d’améliorer significativement la qualité du cadre de vie des habitants de Liège, et de modifier la perception et l’image que la ville renvoie hors de ses murs.