Une proposition portée par la Faculté d’architecture de l’ULiège, les Amis de l’Université de Liège, la Société astronomique de Liège, la Société libre d’Emulation et l’asbl urbAgora.
Contexte
Après avoir été occupé pendant plus d’un siècle par l’Institut d’Astrophysique et de Géophysique de l’Université de Liège, l’Observatoire de Cointe a été désaffecté en 2002 et vendu à la Région Wallonne, qui s’était engagée à y installer le Service Régional des Fouilles Archéologiques, conformément à la vocation scientifique du lieu, projet qui ne fut jamais mené à bien.
En 2018, une pétition demandant « la préservation du bâtiment dans le long terme, son maintien dans les mains des pouvoirs publics et son ouverture au public » a réuni plus de 30 000 signatures (25 500 en ligne et plus de 6 000 sur papier), témoignant de l’attachement du public à cet emblème du paysage liégeois et ouvrant la voie à un classement, qui interviendra finalement, pour une part de l’ensemble bâti seulement, en juin 2020.
En septembre 2021, le ministre Jean-Luc Crucke, après avoir envisagé de vendre le site, change d’avis sur la base de travaux réalisés par la Faculté d’Architecture de l’ULiège et annonce qu’il sera finalement préservé et réhabilité. Son successeur, Adrien Dolimont, est cependant revenu sur ces engagements et a lancé une procédure de vente, qui pourrait se conclure rapidement (mai), très probablement pour réaliser du logement privé de très haut de gamme.
Un patrimoine important à préserver
L’Observatoire de Cointe, construit par l’architecte Lambert Noppius en 1881 au cœur du Parc Privé de Cointe qui venait d’être créé, est le premier des huit « Instituts Trasenster », construits entre 1881 et 1890, les sept autres étant l’Institut de Pharmacie rue Fusch, l’Institut de Botanique rue Fusch, l’Institut d’Anatomie rue de Pitteurs, l’Institut de Physiologie place Delcour, l’Institut de Zoologie quai van Beneden, l’Institut de Chimie quai Roosevelt et l’Institut Électrotechnique Montefiore, rue Saint-Gilles.
Au sein de cet ensemble qui a pour le moment été intégralement préservé, il est le reflet mémoriel d’une importante expansion de l’Université de Liège à la fin du XIXè siècle. Il est l’un des rares témoins de sa typologie et intègre des instruments scientifiques exceptionnels, qui font corps avec le bâtiment, dont une lunette méridienne. Son intérêt patrimonial et scientifique est désormais largement reconnu.
Le classement intervenu en juin 2020, de la partie remontant au XIXe siècle et transformée à plusieurs reprises au cours du XXe siècle, inclut un périmètre de protection et constitue une avancée significative en vue de la préservation de l’ensemble. Nous plaidons cependant pour une extension du classement à l’aile moderniste du bâtiment et au parc. En effet, outre son intérêt intrinsèque en tant que témoignage de l’architecture moderniste liégeoise, l’aile construite en 1959 est indissociable des bâtiments antérieurs de l’observatoire, qui ont subi d’importants remaniements lors de la construction de cette extension. Composée de larges espaces baignés de lumière, présentant pour certains, une indéniable qualité spatiale et architecturale (principalement le grand hall d’entrée et l’auditoire), cette aile dispose également d’un important potentiel en termes de reconversion. Quant au parc, outre la présence de plusieurs arbres remarquables, dialoguant de façon harmonieuse avec le bâti, une enquête menée par l’Université de Liège a montré l’attachement des habitants du parc privé à son maintien en tant qu’espace vert.
Un projet de fondation
Face à la volonté de la Région de vendre le bâtiment et au risque de voir une promotion immobilière privatiser définitivement le lieu, un groupe d’acteurs liégeois, signataires de la présente, s’est constitué afin de proposer une alternative permettant le maintien du lieu dans le giron public tout en prenant en compte la difficulté financière, réelle, dans laquelle se trouvent la Région, mais aussi la Ville et, de manière générale, l’ensemble des pouvoirs publics en Wallonie
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Cette proposition alternative repose sur la proposition de créer une Fondation d’utilité publique qui serait placée sous le parrainage conjoint de la Ville de Liège et de l’Université de Liège afin de reprendre le bâtiment et d’y développer une activité respectueuse de l’histoire et de l’esprit des lieux, mais aussi de la quiétude des riverains et des nombreuses contraintes techniques et juridiques qui leur sont propres.
Programme
Le programme proposé comporte deux volets.
D’une part, un lieu de rencontre entre arts et sciences, sur un modèle qu’on retrouve fréquemment dans le monde universitaire anglo-saxon, incluant des espaces de résidence à destination de chercheurs et d’artistes, mais aussi la possibilité d’y organiser des séminaires, des expositions, des conférences,... dans un cadre particulièrement privilégié.
D’autre part, nous envisageons le développement d’un espace dédié à l’accueil de classes scientifiques, permettant d’héberger deux ou trois groupes scolaires dans de bonnes conditions (éventuellement dans une nouvelle aile à construire contre le pignon aveugle qui donne sur le site). Cette offre serait pensée pour être complémentaire aux outils de sensibilisation aux enjeux scientifiques déjà présents à Liège avec l’Embarcadère du Savoir (Maison de la Science et Maison de la Métallurgie) et les séjours proposés pourraient intégrer plusieurs étapes incluant idéalement le Musée des Transports, etc) en utilisant éventuellement la navette fluviale comme moyen de communication.
Budget
Faute d’informations suffisamment détaillées sur l’état du bâtiment et en l’attente d’une étude de faisabilité qui est un préalable nécessaire, nous estimons ne pas encore être en mesure de proposer un plan financier détaillé pour le projet. Il est cependant possible de tracer à grands traits la manière dont il pourrait atteindre l’équilibre.
Investissement
En l’état actuel de la réflexion, nous estimons qu’un budget de l’ordre de 10 millions d’euros sera nécessaire pour restaurer le bâtiment, auquel il faudrait, le cas échéant (et dans un second temps), ajouter deux ou trois millions pour la construction d’un volume annexe dédié à l’accueil des groupes scolaires. La réhabilitation devra intégrer la question du stationnement et des abords, afin d’éviter de générer des nuisances pour le voisinage. Il est cependant envisageable de phaser le projet, certaines parties du bâtiment (l’aile moderniste en particulier) étant en suffisamment bon état pour être affectées provisoirement, par exemple, à un espace d’exposition : nous estimons donc que, dans un premier temps, un investissement de l’ordre de 7 à 8 millions (hors acquisition) est nécessaire pour rendre fonctionnel le projet que nous proposons.
Les travaux concernant les parties classées pourront (quel que soit le projet) être partiellement financées par la Région, au titre de la politique du Patrimoine, jusqu’à 60 % dans le cadre du présent projet (majoration de 10 % pour un programme public) auquel s’ajoutent 4 % de financement provincial et 1 % de financement communal, soit 65 % au total.
Nous estimons dès lors que le projet présenté ici devient envisageable dès lors qu’un montant de l’ordre de 4 millions d’euros pourra être réuni.
Le financement de cette première enveloppe pourrait reposer sur les recettes suivantes :
— Une levée de fonds citoyenne, via un compte de projet de la Fondation Roi Baudouin, qui réunirait au moins 1,5 million d’euros (la réussite de cette levée de fonds pourrait être la condition mise par la Région pour céder le bâtiment à la Fondation) ;
— Un autofinancement (pour la partie dédiée aux résidences de chercheurs et d’artistes) à hauteur de 2,5 millions d’euros, soit de l’ordre de 130.000 euros par an, préfinancés par l’intercommunale ECETIA selon un montage à qui est en cours de discussion ;
Une seconde enveloppe devrait ensuite être dégagée, à moyen terme, pour assurer la finalisation du projet. Elle pourrait faire appel :
— À du mécénat d’entreprises, à hauteur de quelques dizaines de milliers d’euros par an, notamment sous la forme de soutien aux activités culturelles envisagées sur le site ;
— À un financement spécifique à trouver pour le volet « classes scientifiques » ;
— À la fondation Roi Baudouin (qui développe actuellement un fonds spécifiquement consacré à Liège).
Frais de fonctionnement
En première analyse, nous estimons les frais de fonctionnement de la Fondation (hors aides à l’emploi) à environ 200.000 euros par an. La majeure partie de cette somme pourrait être financée par les activités du lieu.
La cession ou la mise à disposition du bien
Pour que ce projet, tel que nous l’imaginons aujourd’hui, devienne réalité, il est indispensable que la Région accepte de confier le bien à la Fondation, idéalement en le cédant pour pour l’euro symbolique (contre l’engagement d’y développer un programme d’intérêt public), mais éventuellement en lui confiant un bail emphytéotique de longue durée ou en le mettant à disposition d’une autre manière.
Pour rendre ce scénario possible, nous demandons au gouvernement wallon d’accorder au projet une période de grâce de six mois, au cours de laquelle serait notamment menée à bien la levée de fonds — laquelle, en cas de succès, ouvrirait la voie à la sauvegarde du site.
Des porteurs de projet
Au delà de l’engagement des différentes associations partenaires et sans préjuger évidemment des discussions à venir avec de nouveaux partenaires, un groupe porteur de douze personnes a été rassemblé afin de donner de la substance au projet. Il est composé des personnes suivantes.
Edith Bertholet, Directrice générale de « Point Culture »
Hervé Caps, Professeur de physique ULiège, directeur de la Maison de la Science
Christine Defraigne, Première échevine de la Ville de Liège
Charlotte Derclaye, Historienne de l’art. Enseignante à l’ESA Saint-Luc Liège, ancienne collaboratrice à l’AWaP
Pierre Hallot, Doyen de la Faculté d’Architecture de l’Université de Liège
Claudine Houbart, Professeure à la Faculté d’Architecture de l’Université de Liège
Françoise Lempereur, Professeure de Patrimoine immatériel ULiège
Yaël Nazé, Astrophysicienne
Pierre Paquet, Directeur des musées de la Ville de Liège
Bernard Rentier, Recteur honoraire de l’Université de Liège, président des Amis de l’ULiège et de la Société libre d’Emulation
François Schreuer, Coordinateur de l’asbl urbAgora, Conseiller communal de la Ville de Liège, administrateur-délégué de la Coopérative Les Biens communaux
Marko Sojic, Président de la Société astronomique de Liège.
En résumé
L’Observatoire de Cointe est aujourd’hui plus menacé que jamais, sa vente par la Région à un promoteur privé étant imminente — à rebours des engagements pris par la Région lorsqu’elle a acquis le bien il y a une vingtaine d’années.
Une importante mobilisation citoyenne, institutionnelle, associative et scientifique s’est néanmoins mise sur pied depuis plusieurs années pour proposer et réclamer une alternative à cette issue funeste.
Cette mobilisation a permis de construire un scénario juridiquement et financièrement viable, qui permet le maintien du site dans le giron public et son affectation à une fonction conforme à son histoire.
Ce scénario propose deux fonctions principales pour l’Observatoire : l’accueil en résidence de chercheurs et d’artistes et l’organisation de classes scientifiques pour un public scolaire.
Nous demandons au gouvernement wallon de donner une chance à cette alternative de se construire en accordant un « délai de grâce » de six pendant lesquels la future fondation d’utilité publique tentera de réunir au moins 1,5 million d’euros et en s’engageant à mettre le bien à sa disposition si elle y parvient.