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Le projet « Madeleine 4.0 », utile et perfectible

mercredi 30 octobre 2019,

 

Avis de l’asbl urbAgora dans le cadre de l’enquête publique relative à la demande de permis unique de classe 2 portant sur la réaffectation d’un îlot urbain rue Souverain-Pont, rue de la Cathédrale et rue Jamin Saint-Roch (dossier U/87994).

Notre association est particulièrement intéressée par la demande de permis pour le projet « Madeleine 4.0 », concernant les immeubles situés rue Souverain-Pont 33, 35, 37, 41 et 43, rue de la Madeleine 30 à 36, rue de la Cathédrale 40 et rue Jamin Saint-Roch 3 à 9. Ce projet prévoit la démolition d’une partie importante de l’îlot, le réaménagement en profondeur de certains bâtiments conservés ainsi que la construction d’un nouveau bâtiment comprenant bureaux, logements, commerces et, surtout, un parking de 105 places.

De l’emploi dans le centre-ville

Avant toute chose, nous nous réjouissons de voir naître des projets relocalisant de l’activité économique dans le centre-ville — et même, dans le cas d’espèce, dans l’hypercentre. L’engagement urbain d’un acteur économique important comme Noshaq (ex Meusinvest) doit être souligné et salué quand tant d’entreprises du secteur tertiaire optent pour des localisations périphériques, souvent éloignées de tout accès correct au transport public.

La ville a besoin d’une mixité de fonctions et les opérations pilotées par Noshaq dans le quartier sont de nature à fixer plusieurs centaines d’emplois dans l’hypercentre, avec des conséquences très positives sur son dynamisme, notamment commercial.

Lorsqu’on sait les très nombreuses difficultés — et les nombreux surcoûts — qui accompagnent un tel choix par rapport à un bâtiment clé sur porte construit sur un terrain vierge (acquisition du foncier, négociation avec les riverains, avec le patrimoine, coûts de démolition et de construction, etc), il nous semble qu’il appelle un apriori positif de la part de l’autorité publique et un certain degré de compréhension de la part des différents acteurs de la fabrique urbaine.

Du stationnement superfétatoire

Pour autant, nous ne comprenons pas le choix fait par le maître d’ouvrage de prévoir une importante offre de stationnement dans son projet, a fortiori en les empilant de manière très étriquée sur cinq niveaux (du rez moins un au rez + trois !), au point de « remplir » l’îlot avec trois niveaux de parking, ce qui réduit fortement l’accès à la lumière du jour d’un nombre important de locaux au sein du projet.

Outre que la construction de nouveaux emplacements de stationnement dans l’hypercentre est manifestement contradictoire avec la politique menée par la Ville et la Région — qui affichent, l’une comme l’autre, l’ambition de réduire la pression automobile sur le centre et de favoriser les alternatives de mobilité —, elle nous semble surtout inutile.

En effet, situé entre les gares des bus Léopold, Saint-Lambert et République française, à proximité immédiate de la gare du Palais, le quartier Cathédrale-Nord, au cœur duquel ce projet s’inscrit, est peut-être le quartier de Wallonie le mieux desservi par le transport public. L’arrivée du tramway, si les fréquences sont au rendez-vous, va encore améliorer la desserte du quartier. De même, le second axe métropolitain, celui de la Transurbaine, s’il se concrétise comme on peut l’espérer, desservira lui aussi le quartier.

Parallèlement, les embouteillages que connait le centre-ville de Liège sont devenus, au fil de années, préoccupants, notamment pour ce qui concerne la sortie de ville à l’heure de pointe du soir. Ils ont un impact considérable sur la circulation des bus, induisant une perte d’attractivité pour le transport public et d’importants surcoûts pour le TEC. Si la multiplication des chantiers explique en partie cette situation difficile, elle trouve d’abord et avant tout sa source dans la monomodalité liégeoise, dans l’usage beaucoup trop massif et exclusif de la voiture. Ajouter, dans ce contexte très tendu, plusieurs centaines de mouvements automobiles quotidiens contribuera à un engorgement généralisé, qui réduira finalement fortement l’intérêt de disposer de places de stationnement aussi centrales.

De surcroît, l’offre de stationnement dans l’hypercentre est actuellement loin d’être saturée : comme on l’observe désormais avec le jalonnement dynamique mis en œuvre par la Ville, il reste en permanence des places disponibles dans les parkings du cœur urbain et notamment au parking Saint-Denis, situé... en face du présent projet. On a observé que les quelques jours par an où les parkings du centre sont saturés sont des samedis (avant les fêtes de fin d’année et pendant les soldes de janvier), ce qui ne devrait donc pas inquiéter un projet de nature principalement économique, tourné vers l’activité de la semaine. Ajoutons encore que la création, en cours ou annoncée, de plusieurs milliers de places de stationnement « relais » devrait contribuer à faire baisser sensiblement la demande de stationnement dans le centre.

Il nous semble donc que les ressources dont dispose le quartier sont de nature à permettre la mobilité des travailleurs qui s’y rendront quotidiennement sans qu’il soit besoin d’y accroître le nombre de places de stationnement.

Nous demandons donc le retrait des 105 places de stationnement prévues dans le projet.

Une brique possible dans un projet pour le quartier

La transformation du quartier — dans le cadre du plan « Grand Léopold » mené par la Ville, avec l’arrivée du tramway ou du fait du dynamisme d’autres acteurs publics ou privés — devrait cependant amener l’autorité communale à une réflexion approfondie sur l’organisation du quartier, l’aménagement de ses espaces publics ou la promotion des modes doux.

Cette réflexion doit selon nous inclure la question de la relation avec le fleuve, dont l’hypercentre reste à ce jour totalement coupé en raison de la présence d’une voie de circulation importante sur les quais. Conformément au scénario pour « un centre-ville sans transit » que nous avons présenté en 2015, nous restons persuadés qu’il est possible d’aménager une large esplanade piétonne en bord de Meuse, entre l’université et la place des Déportés, moyennant la création d’un tunnel deux fois une bande sur cette portion du quai. Ce projet a d’ailleurs fait l’objet d’un large assentiment public, en terminant sur le podium de l’appel « Liège 2025 » organisé par la Ville de Liège.

Dans la perspective d’un tel aménagement, qui transformerait radicalement la relation de la ville à son fleuve, offrirait un espace public de très grande qualité aux Liégeois comme à leurs visiteurs et achèverait la transformation de l’hypercentre par un geste très fort, les rues de la Madeleine et Souverain-Pont, tout comme Neuvice ou la rue du Pont, sont décisives, comme liens piétons entre les places Saint-Lambert et du Marché avec ce nouvel espace public potentiel. L’aménagement de l’îlot dont il est question ici, très stratégiquement situé au carrefour de ces axes piétons vers le fleuve (correspondant d’ailleurs aux circulations historiques entre le marché et les quais), qui doivent être valorisés, avec l’axe de la rue Cathédrale, n’est pas un enjeu anecdotique.

En tant qu’association spécialisée dans les questions d’urbanisme, de surcroît située dans le quartier, nous sommes disponibles pour contribuer à cette réflexion.

Un patrimoine ancien qui pourrait être conservé

Nous nous interrogeons enfin sur la pertinence de démolir cinq bâtiments datant des XVIIe et XVIIIe siècle, dont l’hôtel de Lantremange. Ces démolitions, qui s’ajoutent à d’autres, prévues dans le cadre du Master plan du Grand Léopold, nous font craindre la perte du caractère du quartier, notamment en brisant le rythme des façades classiques, lorsque plusieurs immeubles anciens seront, comme c’est le cas ici du côté de la rue Souverain-Pont (ou comme on l’annonce rue Cathédrale, dans un autre projet) remplacés par un unique immeuble contemporain, dont la massivité s’avère peu compatible avec l’esthétique façonnée par plusieurs siècles de construction sur un parcellaire étroit.

La démolition de ces immeubles est-elle encore justifiée — ou même simplement économiquement pertinente — dès lors que l’on renoncerait à la construction des 105 places de stationnement ? La question mérite à notre sens d’être posée et nous souhaiterions que l’autorité publique éclaircisse ce point avant d’envisager de délivrer un permis d’urbanisme pour ce projet.

Conclusion

Si ce projet nous semble devoir être défendu, dans une optique de réhabilitation d’immeubles aujourd’hui insalubres et dans une logique d’installation de nouveaux emplois dans le centre-ville, sa forme actuelle reste insatisfaisante et appelle une réécriture, tenant mieux compte du contexte compliqué de la mobilité liégeoise et plus respectueux du patrimoine bâti déjà présent.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

 

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