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La dentisterie menacée ? Bavière à la croisée des chemins

vendredi 20 janvier 2012,

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Il faut relancer le projet architectural et paysager de Bavière et réaffecter plutôt que laisser démolir l’ancienne dentisterie !

La récente annonce de la démolition de l’ancien bâtiment dit de la « dentisterie », sur le site de Bavière, en Outremeuse, qui vient s’ajouter aux velléités spéculatives de l’actuel propriétaire du terrain, fait craindre un abandon pur et simple du projet de nouveau quartier qui est aujourd’hui « au frigo » en raison de la faillite de son promoteur. L’asbl urbAgora souhaite réaffirmer son soutien à ce projet architectural et paysager ambitieux, qui prévoyait notamment la rénovation, et l’affectation à des finalités culturelles, du bâtiment aujourd’hui menacé.

Pour rappel, à l’issue d’une compétition internationale convoquant architectes et promoteurs, ce projet de nouveau quartier a été choisi à l’unanimité d’un jury présidé par l’architecte-urbaniste en chef de l’état français Ariella Masboungi et composé notamment de représentants de la ville de Liège et de la Région. Une décision — il faut également le rappeler — validée ensuite à l’unanimité du Collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville de Liège en 2005, en raisons des qualités du projet lauréat.

Quelles sont ces qualités ? Le projet Bavière, tel qu’il a été conçu, n’est pas qu’un simple projet immobilier privé, c’est un projet de nouveau quartier multifonctionnel au cœur de Liège, proposant 600 logements dont des maisons et appartements, commerces, bureaux, espaces et parc publics, crèche, salle de sport/piscine, etc. À cette échelle, c’est l’un des projets urbains les plus intéressants élaborés en Wallonie au cours de la dernière décennie. On peut probablement considérer que c’est aujourd’hui le seul projet de ce type à Liège qui tienne la comparaison avec les meilleurs développements similaires à l’étranger, à commencer par ceux de plusieurs villes françaises (île Seguin-Rives de Seine à Paris, Saint-Dizier 2020, Bordeaux Euratlantique, Grenoble presqu’île, etc.). À l’heure où Liège s’échauffe pour « Liège 2017 » et compte parmi les thématiques de sa candidature celle de l’habitat de demain, on peut s’interroger sur l’absence de réel soutien à la réalisation du seul projet qui l’incarne réellement aujourd’hui sur le territoire de la ville… |1|

Bavière, développé par une association d’architectes et de paysagiste comptant parmi les plus talentueux à exercer aujourd’hui en Belgique |2|, constitue en effet une réponse convaincante pour promouvoir une densité urbaine réfléchie — qui est aujourd’hui l’un des fers de lance de la politique d’aménagement du territoire wallonne |3| — et pour développer un habitat réellement innovant, capables de répondre aux défis de la ville au XXIe siècle : modularité des logements dans le temps, terrasses généreuses pour chaque appartement, parkings vélos intégrés au rez-de-chaussée de chacun des immeubles, priorité des usagers lents sur tout le site, performances environnementales et énergétiques des bâtiments, commerces de proximité en complémentarité avec ceux d’Outremeuse, ambition architecturale et paysagère sans commune mesure avec la frilosité habituelle de la promotion immobilière locale, etc.

Enfin, et ce n’est pas la moindre des qualités de ce projet de nouveau quartier, il intègre intelligemment les anciens vestiges de l’hôpital de Bavière pour les réhabiliter : ainsi en est-il de l’ancien portail d’entrée de l’hôpital (proposé à la réaffectation en logements d’étudiants) et de l’ancienne dentisterie, aujourd’hui menacée de démolition et dont l’affectation envisagée était de nature communautaire et/ou publique.

L’ancienne dentisterie de Bavière (Institut de stomatologie) a été construite de 1937 à 1939 à l’initiative de l’Université de Liège, par l’architecte Charles Servais. La qualité architecturale de l’édifice est indéniable, se rapprochant de l’esthétique moderniste du campus du Val Benoît construit également à l’Université de Liège et qui lui est contemporain. L’Institut de Stomatologie témoigne historiquement, socialement et culturellement de la politique architecturale innovante de l’Université de Liège dans les années 1930, dont l’ambition était de rivaliser avec les meilleurs ensembles architecturaux construits au même moment à l’étranger — on s’étonne d’autant plus qu’il n’est pas été repris à l’Inventaire du patrimoine consacré à Liège.

Deux conclusions s’imposent donc pour urbAgora.

Primo, il faut relancer sans attendre le projet de Bavière tel qu’il a été imaginé par l’équipe d’architectes et de paysagiste désignée par la Ville de Liège, quitte a demander à ses concepteurs d’y apporter les modifications nécessaires afin de l’adapter à la situation actuelle. Il faut ainsi surtout éviter de jeter l’ensemble du projet à la poubelle, ce qui reviendrait à réduire à néant des années de travail dans le chef des architectes, des pouvoirs publics et d’autres intervenants. Alors que le permis de bâtir de la première phase a été délivré, que des travaux de fondation ont été entrepris, que la pépinière d’arbres a été réalisée pour planter à terme tout le site, de nombreux arguments plaident en faveur de la reprise du projet. Nous demandons donc à la Ville de Liège de veiller au maintien du projet architectural et paysager dans le cadre de la reprise du site, dont certaines informations dont nous disposons laissent entendre qu’elle serait en cours de négociation.

Par ailleurs, pour remettre le nouveau quartier sur les rails, deux actions politiques doivent être mises en œuvre et une troisième sérieusement étudiée, afin de le rendre plus attractif qu’il ne l’est aujourd’hui auprès des investisseurs privés.

1) Il faut tout faire pour que le tram passe par Outremeuse et Bressoux pour rejoindre le dépôt prévu à Droixhe, de manière à irriguer les près de 1500 nouveaux habitants que le site pourra accueillir en plus de tous ceux qui habitent le Nord d’Outremeuse et le quartier de Bressoux. Cela semble tomber sous le sens (l’étude « Transurbaine » plaide également pour un tel tracé), mais jusqu’à présent, ce scénario n’a pas été jugé digne d’étude par la SRWT…

2) Ensuite, il faut un engagement ferme de la ville de Liège pour commencer à réaliser les espaces publics prévus par le projet : il s’agit ici de plusieurs places, dont une avec plan d’eau, et d’un parc urbain en relation avec la Dérivation, des aménagements qui accroitront significativement la qualité de vie des habitants d’Outremeuse, et donc, des futurs habitants du quartier. À ce propos, il serait plus que souhaitable d’impliquer le SPW pour élargir la réflexion et le périmètre d’aménagement à la requalification complète de la voie rapide qui borde le site, afin de recréer le lien avec l’eau.

3) Enfin, il serait opportun de réfléchir à y installer l’Espace Simenon, projet de musée consacré à l’écrivain en cours d’étude aujourd’hui et dont la localisation n’est pas encore arrêtée |4|. Une telle infrastructure culturelle, logée dans le quartier de cœur de l’écrivain liégeois, en bord de cours d’eau comme le souhaite son fils John Simenon, apte à amener des visiteurs en Outremeuse avec les retombées positives que cela entrainerait, n’apparaît pas incongru et mériterait selon nous d’être étudié.

Secundo, urbAgora demande d’inscrire l’ancien Institut de stomatologie (ex-dentisterie) à l’inventaire du patrimoine — dont la liste de bâtiments inscrits doit pouvoir être mise à jour régulièrement en concertation avec les acteurs de terrain — et invite les autorités compétentes à réaliser sans attendre un diagnostic complet de l’état du bâtiment, de manière à valider ou non l’hypothèse de sa réaffectation. Cela permettrait d’écarter la démolition envisagée ici d’emblée sans même avoir évalué l’hypothèse de sa conservation.

Nous pensons, afin d’apporter notre pierre à l’édifice d’un nécessaire débat sur l’affectation de ce bâtiment ou d’un autre qui pourrait le remplacer le cas échéant, qu’une maison des associations — qui fait actuellement défaut à Liège alors que la réputation culturelle de la Liège hors de ses frontières tient largement du dynamisme du secteur associatif culturel — pourrait y trouver une place particulièrement appropriée. En effet, le bâtiment dispose de plusieurs vastes plateaux (un par étage) facilement modulables et sécables en bureaux de différentes tailles, qui pourraient être mis à disposition d’associations culturelles, ainsi que d’autres espaces dont la gestion pourrait être partagée par les occupants et qui auraient une finalité publique : l’amphithéâtre existant pourrait ainsi permettre aux associations d’y organiser des débats, projections, conférences, etc., Une cafétéria pourrait être aménagée au rez-de-chaussée. Un espace d’exposition pourrait également y prendre place, avec une programmation développée par ses occupants. Ce lieu serait bien évidemment ouvert au grand public et tout en répondant à une réelle demande des acteurs locaux, participerait à l’animation du quartier à proximité du campus des arts Saint-Luc et du Festival de Liège au Manège de la Caserne Fonck.

|1| À l’exception, bien sûr, du futur « écoquartier » de Coronmeuse ainsi que de celui du Sart-Tilman (FHW architectes), mais dont l’échelle est beaucoup plus petite (92 logements) que celle de Bavière (600 logements) et la localisation nettement plus discutable.

|2| Architectes : Anorak (Bruxelles), DMT (Anvers), Polo (Anvers), George-Eric Lantair (Liège), ARTAU (Malmedy). Architecte paysagiste : Michel Desvigne (Paris).

|4| Le Soir du mercredi 14 septembre 2011.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

 

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