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Pourquoi le Busway ne répond pas aux besoins de l'agglomération liégeoise

mercredi 26 février 2025,

 

Remarques de l’asbl urbAgora dans le cadre de l’étude des incidences du projet « Busway » du 7 juillet 2023 (François Schreuer) — introduites par Marie Gérard dans le cadre d’une analyse d’éducation permanente.

1. Introduction

Penser un réseau de transport urbain, ce n’est pas juste transporter des personnes : c’est aussi transformer la ville, ses pôles, ses flux, son métabolisme, ce qui a une profonde influence sur la vie des quartiers et des humains qui les habitent. C’est pourquoi il est essentiel de mener et de partager une réflexion sur le projet “BUSWAY” porté actuellement par le groupe TEC dans l’agglomération liégeoise, un projet qui, pour le dire une première fois très rapidement, concerne la construction/transformation de quatre lignes de bus prioritaires.

Il est en effet important que les habitants de Liège, les premiers concernés par ces nouvelles orientations de mobilité qui vont transformer le réseau actuel des bus, puissent se forger une opinion éclairée sur ce projet. Il convient donc en premier lieu de faire sortir celui-ci de la demi-confidentialité qui est la sienne et de présenter clairement son contenu au public ; il convient aussi de pointer du doigt certaines critiques qu’on peut lui adresser ; enfin, à nos yeux, il est également important de faire une contre-proposition concrète car celle-ci peut permettre d’ouvrir l’imagination sur un sujet souvent très technique et, se faisant, aider les citoyens à se positionner plus concrètement à l’égard de ces propositions du TEC lesquelles ne manqueront pas dans les années à venir d’avoir une influence déterminante sur leur manière de se déplacer, c’est-à-dire sur leur vie la plus quotidienne.

C’est l’objet de la présente analyse. Avant de s’engager dans le vif du propos, un mot s’avère cependant nécessaire pour éclairer le lecteur sur le contexte dans lequel cette analyse a été écrite. Celle-ci s’inscrit en effet dans le cadre de l’étude d’incidence qui, c’est la règle en démocratie, doit être menée sur ce type de projet en vue de l’obtention des permis d’urbanisme nécessaires à la réalisation des travaux. Conformément à la procédure légale, ces propositions de mobilité du TEC ont donc été présentées aux citoyens lors d’une Réunion d’Information Préalable (RIP) qui s’est tenue le 22 juin 2023. Celle-ci visait à tenir la population au courant des grandes lignes du projet BUSWAY proposé par le TEC ainsi que des tracés et des travaux impliqués par ce projet afin que les citoyens puissent, dans les 15 jours suivants - c’est la règle en démocratie -, remettre leur avis et adresser leurs remarques, leurs questions et leurs inquiétudes au bureau STRATEC chargé de l’étude d’incidence (les membres chargés de la coordination de cette étude d’incidence étaient donc également présents ce jour-là pour recueillir les premiers commentaires). Le rôle du bureau STRATEC est alors d’évaluer les incidences possibles de ce projet en matière de mobilité, de paysage, de nuisances sonores, de pollution des eaux souterraines et des sols, etc. Le rapport final de cette étude doit répondre aux questions soulevées par les citoyens et intégrer des propositions et des mesures alternatives pouvant être envisagées afin d’éviter, de réduire ou de prévenir des nuisances identifiées.

L’analyse qui suit s’inscrit donc dans ce contexte : après avoir brièvement présenté les enjeux du projet BUSWAY, on pourra lire les remarques formulées par urbAgora quant à ce projet à la suite de cette soirée d’information du 22 juin 2023 à destination des Liégeois.

2. LE PROJET BUSWAY, DE QUOI S’AGIT–IL ?

Les enjeux contemporains de mobilité et la vision FAST de la Région Wallonne

La manière dont est organisée ce qu’on appelle la “mobilité”, c’est-à-dire le déplacement des personnes (et des choses), pose actuellement toutes sortes de problèmes, toutes sortes de questions. En effet, en accordant une place déterminante à la voiture individuelle depuis l’après-guerre, nos sociétés ont fini par construire une véritable dépendance matérielle et mentale à l’automobile - une dépendance qui se traduit statistiquement à travers le fait que la “part modale” de la voiture est actuellement beaucoup plus importante que les autres modes de déplacement, 83% selon les chiffres de la Région wallonne - et cette situation, on le sait, a fini par entraîner une spirale de difficultés complexes et très préoccupantes allant de la pollution de l’atmosphère avec ses répercussions sur la santé des hommes, des plantes et des animaux à la bétonisation des sols en passant par les nuisances sonores générées par la circulation et la congestion quotidienne du trafic.

Le réseau de bus, très important dans les villes de Wallonie et notamment à Liège où il a pris le relais des anciens tramways démantelés dans l’après-guerre au profit des véhicules motorisés, contribue chaque jour à construire cette situation. Une situation dont il souffre néanmoins puisque les bus, en plus d’être bien souvent saturés, sont pris dans la densité d’un trafic qui, à certaines heures, manque cruellement de fluidité - et c’est peu dire. Or, il semble que dans un avenir proche cette situation soit amenée à se dégrader encore puisque le nombre de déplacements est appelé à croître (de telle sorte que le TEC annonce par exemple “+ 22% de véhicules/km” et “+ 23% d’indice de congestion” d’ici 2030 si rien n’est fait pour changer les choses…).

La problématique de “l’asphyxie automobile”, qui condense bien des enjeux, est donc bien réelle. C’est pourquoi, dans un contexte social plus général d’inquiétudes grandissantes liées à l’environnement et à la santé publique, les autorités de la Région wallonne ont décidé de se saisir de ce problème. En 2017, le Gouvernement wallon a par conséquent adopté ce qu’on a appelé la “Vision FAST 2030” de la mobilité qui définit les ambitions de mobilité vers lesquelles la Wallonie doit s’évertuer de tendre d’ici 2030. Nous ne décrirons pas dans le détail l’ensemble de cette vision de la mobilité proposée par la Région wallonne ; on notera simplement qu’en vue de sortir de notre situation présente pour le moins problématique, il convient que la mobilité devienne “FAST”, c’est-à-dire que soient fixés des objectifs cohérents afin d’améliorer la “Fluidité”, l’“Accessibilité”, la “Sécurité, la “Santé” ainsi que le “Transfert modal”. |1|

L’un des objectifs que se fixe la Région wallonne concerne donc ce qu’on appelle techniquement le “transfert modal”. C’est dire que la “part modale” de la voiture dans l’ensemble des déplacements doit impérativement diminuer, et ce dans le cadre d’une augmentation annoncée de la masse globale des déplacements. En d’autres termes : alors même que les déplacements des personnes et des marchandises vont s’accroître et s’intensifier dans les années à venir, il faut que la “part modale” de la voiture diminue au profit d’autres modalités de transport, notamment le vélo, le train, les trams, mais aussi… les bus ! Sur ce point, la Région wallonne affiche en effet des ambitions élevées puisqu’il convient d’après la Vision FAST de passer des 4% actuel de la part modale des bus dans l’ensemble des déplacements à 10% d’ici 2030. Raison pour laquelle il est urgent de développer, mais aussi de favoriser et d’encourager les transports en bus dans un contexte de mobilité qui, plus généralement, veut évoluer dans le sens d’une “intermodalité” plus efficace. L’intermodalité désigne l’utilisation de plusieurs modes de transport au cours d’un même déplacement.

Source : Stratégie Régionale de Mobilité, 2019, p.7

On l’aura compris : le concept de BUSWAY porté par le groupe TEC (qui dépend de la Région Wallonne) s’inscrit dans ce contexte. A travers ce projet, le TEC affirme travailler dans le sens du “transfert de modalité” réclamé par la Région wallonne en développant un réseau de bus plus performant, plus capacitaire et plus attrayant. Concrètement, il s’agit de développer et d’encourager dans l’agglomération liégeoise le transport en bus en proposant aux usagers, sur des axes très fortement fréquentés et d’ores et déjà complètement saturés, quatre “nouvelles” lignes de bus - “B1, B2, B3 et B4” - qui, greffées sur le tracé du tram et connectées à d’autres lignes, constitueront la nouvelle ossature du réseau de transport en commun pour l’agglomération liégeoise, un réseau que l’on souhaite plus architecturé, c’est-à-dire tout à la fois structurant, ramifié et capable de favoriser l’intermodalité des moyens de transport.

LE BUSWAY : QUATRE LIGNES DE BUS STRUCTURANTES DANS L’AGGLOMÉRATION LIÉGEOISE

B1 : Ans – Mont Légia – Saint-Lambert – République Française – Chênée
B2 : Guillemins – Sart-Tilman – CHU – Botanique
B3 : République Française – Médiacité – Sart-Tilman – CHU
B4 : Léopold – Robermont – Beyne-Heusay – Fléron

Le concept de BUSWAY tel qu’il est présenté par le groupe TEC

Plus précisément, comme on peut le lire dans la brochure de présentation sur le site du TEC, le BUSWAY, “c’est l’usage du bus en mode quasi tram !”. Il s’agit donc d’abord de mettre en oeuvre quatre lignes de bus comparables en qualité à ce que peut proposer un tram, autrement dit : des bus tout à la fois fréquents et réguliers, rapides et prioritaires, moins aléatoires et plus fiables, plus efficaces et plus confortables. Pour parvenir à ce résultat, le projet se décline selon les axes suivants ; il convient : 1) de construire pour ces quatre nouvelles lignes une infrastructure prioritaire dans la circulation (en “site propre” chaque fois que cela est possible et où cela s’avère nécessaire ; en établissant aussi des priorités de feu) afin que le déplacement soit le plus fluide possible et que les véhicules échappent autant que faire se peut à l’engorgement de la circulation ; 2) de mettre en oeuvre une nouvelle génération de véhicules davantage respectueux de l’environnement, plus grands et plus spacieux (capables pour certains d’entre eux d’accueillir jusqu’à 200 personnes), des bus dans lesquels les passagers pourront monter rapidement en empruntant toutes les portes d’accès et pour lesquels aucune vente de tickets n’est prévue à bord ; 3) de proposer un service “attractif” fondé sur une amplitude horaire importante (de 5h à 1h du matin), sur une fréquence rapide (des bus toutes les 5 à 10 min en heure de pointe), sur la mise en place de nouveaux quais d’embarquement reconnaissables et accessibles et dont la situation permet de favoriser l’intermodalité, c’est-à-dire, concrètement, aux voyageurs de se connecter facilement aux trains, au tram, à d’autres lignes de bus, mais aussi aux parcours piétons et vélo appelés à se développer dans le futur.

Telle est la proposition du BUSWAY défendue par le TEC telle qu’elle apparaît sur le site web et telle qu’elle a été présentée lors de la RIP - une proposition qui, on l’aura compris, est décrite au public d’une façon très superficielle et très lisse, presque publicitaire alors même qu’elle appelle plus d’une remarque critique… Des remarques critiques que nous nous permettons de formuler ci-dessous.

3. Remarques générales sur le projet dans le cadre de l’étude d’incidence

https://urbagora.be/interventions/enquetes-publiques/pourquoi-le-busway-ne-repond-pas-aux-besoins-de-l-agglomeration-liegeoise.html

|1| Les quelques lignes qui inaugurent le document dans lequel cette vision FAST de la Région wallonne est décrite sont très claires ; elles évoquent bien le contexte présent. On pourra lire : “En Wallonie, comme dans la plupart des régions du monde et d’Europe, la mobilité actuelle des personnes est encore trop centrée sur les déplacements en voiture individuelle. En effet, la part modale actuelle de la voiture s’élève à 83 % des kilomètres parcourus. Le constat est sensiblement identique pour le transport de marchandises. Actuellement, le degré de saturation des voiries en Wallonie n’atteint pas encore celui observé dans les régions voisines (Bruxelles, grandes capitales européennes, Flandre). Cependant, selon les prévisions d’augmentation de demande de déplacements tant des personnes que des marchandises, cette situation ne durera pas. D’autre part, le besoin accru de sécurité routière et les défis environnementaux réclament dès aujourd’hui des actions ambitieuses et cohérentes portant simultanément sur l’organisation de la société ainsi que sur la demande et sur l’offre de transport”.

 

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