Lancée en 2008 par l’asbl urbAgora, l’idée de construire un téléphérique pour desservir le CHR de la Citadelle fait aujourd’hui consensus à Liège. Soutenu par les autorités régionales et locales, le projet a dépassé le stade de l’utopie pour se concrétiser peu à peu. Une première étape a été franchie en 2018 avec la présentation de l’étude de pré-faisabilité commandée par la Ville de Liège. Cette dernière privilégiait le choix d’un tracé partant de l’Ilot Saint-Georges et de la Cité administrative au détriment de la place des Déportés ou de la place Vivegnis. Aujourd’hui, la deuxième vitesse est passée, avec l’inscription par la Ville d’une somme de 100.000 euros à son budget extraordinaire. Depuis Namur, le ministre Henry a rappelé son soutien en commission parlementaire, le 11 janvier dernier.
La question de l’intégration de cette infrastructure au futur réseau de l’agglomération reste cependant cruciale, dans la perspective d’une utilisation du transport par câble comme un véritable outil de mobilité et non uniquement dans une logique touristique ou de branding urbain. Pour cela, la localisation de la station aval ne doit pas viser prioritairement un attrait touristique mais s’appuyer sur une réflexion fondée sur les besoins des utilisateurs quotidiens de la future infrastructure, notamment le public drainé par le CHR, qui dépasse clairement la zone desservie par le tram. Le rayonnement du centre hospitalier dépasse en effet nettement la Ville de Liège et même l’agglomération liégeoise. Le train et le futur réseau express liégeois (réseau S) apparaissent essentiels pour atteindre l’hinterland du CHR et avoir un effet significatif sur la circulation automobile. La réouverture d’un point d’arrêt SNCB place Vivegnis, autour duquel un consensus semble également formé, constitue ainsi un nœud stratégique d’intermodalité. Cette connexion au rail permet les liaisons directes depuis Huy et Tongres ou depuis les vallées de l’Ourthe et de la Vesdre |1|.
Ajoutons que le tracé partant de la place Vivegnis — au contraire de celui partant de l’îlot Saint-Georges et, dans une moindre mesure, de celui de la place des Déportés — évite le survol d’habitations, une contrainte forte, nécessitant d’installer des vitres dépolies (donc faisant perdre une part de l’attrait de ce mode de déplacement) et susceptible de susciter une opposition importante de la part des habitants du quartier Hors-Château (impasses, montagne de Bueren, etc.) pouvant mener à l’abandon du projet ; une contrainte qui semble avoir été notablement sous-estimée par l’étude de pré-faisabilité.
En outre, le prolongement du téléphérique vers le pôle multimodal de Vottem doit, à notre sens, rester à l’agenda. Il permettrait en effet de réduire fortement la pénétration automobile vers le CHR, soulageant le quartier de Sainte-Walburge et évitant la construction d’un très évitable nouveau parking devant l’hôpital |2|. Si Vottem n’accueille actuellement qu’un P+R de petite dimension, mal desservi de surcroît, son potentiel est à nos yeux considérable, notamment la perspective du développement d’une ligne de bus de rocade entre la gare d’Ans et Herstal |3|. Or, en raison de la conformation des lieux, localiser la gare aval à l’îlot Saint-Georges rendrait quasiment impossible cette prolongation vers Vottem (il faudrait pouvoir contourner le bâtiment). Dans ce schéma, la future ligne 148 (bus à haut niveau de service), prolongée par rapport au projet actuel qui place son terminus place Saint-Lambert, permettrait en outre de compléter l’accès au CHR depuis la rive droite de la Meuse, tout en connectant CHR et CHU.
De la localisation de la gare aval du téléphérique dépendra donc une grande partie de la stratégie de mobilité que le grand hôpital public liégeois pourra — ou non — déployer dans les années à venir, dans un contexte de concurrence entre hôpitaux où l’on sait que sa localisation — sur une citadelle, par définition peu accessible — complique à bien des égards la tâche de ses dirigeants.
L’alternative de la place Vivegnis — vers laquelle la création d’une antenne du tram reste possible |4| afin de créer un point d’intermodalité complet : rail, tram, téléphérique, vélo — mérite dès lors, pour urbAgora, d’être privilégiée dans l’étude à venir. Nous appelons aussi les autorités locales à veiller à ce que cette étude soit clairement orientée vers les besoins de mobilité quotidiens, ce qui n’était pas le cas de l’étude de pré-faisabilité réalisée par un bureau d’ingénieurs grenoblois spécialisé dans les remontées mécaniques de montagne.
Capacitaire (1400 personnes par heure), avec une forte fréquence (limitant l’impact de la rupture de charge) et très rapide, le téléphérique doit avant tout être envisagé, en milieu urbain, comme moyen de transport structurant, et non comme une attraction. En tant que tel, le futur tram aérien doit être maillé avec les autres composantes du réseau à venir : tram, train, BHNS, lignes structurantes… Enfin, le téléphérique est l’occasion d’affirmer le caractère urbain du CHR de la Citadelle comme un atout et non une contrainte. Bien intégré au réseau de transport public, l’hôpital verra la question existentielle de l’accès en voiture définitivement résolue, le tout, en épargnant de l’argent public sur le renoncement aux parkings.