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Tram : réfléchir en avançant...

mercredi 21 décembre 2011,

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Le gouvernement wallon tiendra sa dernière réunion de l’année ce jeudi 22 décembre. Cette date est présentée depuis plusieurs semaines comme un couperet : sans décision demain, c’est, à en croire le bourgmestre de Liège et d’autres responsables politiques ou commentateurs médiatiques, tout l’édifice bâti autour de l’échéance de l’« Expo 2017 » qui risquerait de s’effondrer, et avec lui le tram soi-même.

Cette dramatisation relève probablement de l’exagération : aucune échéance dans le dossier ne laisse, à notre connaissance, penser que quelques semaines de retard, à ce stade, porteraient sérieusement préjudice au respect des échéances de 2014 et 2017.

Il est par contre évident que le gouvernement rencontre actuellement de sérieuses difficultés à faire aboutir le dossier. Et pour cause : les taux d’intérêt auxquels la Région wallonne peut espérer se financer ont sérieusement cru ces derniers mois. On voit mal comment cette circonstance pourrait n’avoir aucun impact sur une trajectoire budgétaire du tram imaginée il y a deux à trois ans. On note sans étonnement que le ministre est remarquablement peu disert sur ce volet du dossier, se réfugiant systématiquement derrière le commode paravent du « Partenariat Public Privé » (PPP), supposé, semble-t-il, valoir viatique.

Dans ces conditions, les réserves exprimées par le ministre budget à l’égard du tram liégeois |1| nous semblent partiellement fondées |2|. Il est d’autant plus étonnant cependant que le ministre du budget n’ait pas exigé que soit évaluée la possibilité d’un financement du tram par endettement public (comme cela a été fait pour le métro de Charleroi), plutôt que par un « PPP » dont chacun sait pourtant qu’il représente un surcoût conséquent : jamais ce choix n’aura donc été objectivé et c’est plus que regrettable !

Quoi qu’il en soit, l’alternative devant laquelle nous nous trouvons apparaît aujourd’hui aussi simple qu’elle est pénible : soit augmenter le budget, soit réduire l’ampleur du projet, c’est-à-dire raccourcir la ligne.

Le problème, c’est qu’aucune de ces deux hypothèses ne semble politiquement défendable. La Région wallonne ne souhaite pas ajouter un centime à l’enveloppe prévue. Et les communes de la périphérie — sans le soutien desquelles le dossier est réputé « invendable » — ne sont pas prêtes à renoncer au passage du tram sur leur territoire. Le blocage semble donc sévère.

Il l’est d’autant plus que la qualité du projet lui-même laisse très sérieusement à désirer, comme l’ont souligné des dizaines d’acteurs de la société civile au cours des derniers mois – et comme le reconnaissent désormais — en « off » — la majorité de nos interlocuteurs politiques. La publication (non autorisée) de l’étude sur la « Transurbaine » — la très improbable, avant longtemps, seconde ligne du tram liégeois – a une fois de plus mis en lumière les profondes failles du projet de ligne de fond de vallée |3|. Et lorsque le Plan urbain de mobilité (PUM) sera enfin disponible, il risque lui aussi de faire paraître la ligne unique de fond de vallée pour le projet bien mal ficelé qu’elle est.

Pour urbAgora, cette situation très délicate — plutôt qu’à l’abandon du projet, désormais ouvertement prédit par d’aucuns, ou aux ukases visant à « passer en force », allègrement pratiqués par d’autres — doit inviter décideurs et acteurs de la société civile à plus d’intelligence collective, c’est-à-dire à la fois à plus de pragmatisme et à plus de dialogue. Car le tram doit se faire : l’urgence en est réelle et quotidiennement éprouvée par les usagers du transport et commun. Renoncer au projet à ce stade serait un désastre dont la ville mettrait plusieurs années à se relever.

Dès lors, la solution au blocage rencontré passe selon nous par un double mouvement.

  • Phaser le projet, et donc réduire, dans un premier temps (pour 2017), la longueur de la ligne aux seuls tronçons où la pertinence du tram est évidente à ce stade. Soit approximativement entre le Val Benoît et la gare d’Herstal (plus extension vers le dépôt via Outremeuse).
  • Lier le dossier du tram à celui du REL, dont le coût d’investissement au kilomètre est très nettement moindre et qui permet par conséquent d’inclure, dès 2017, plusieurs (dizaines de) communes au projet de réorganisation du transport en commun liégeois, et notamment Seraing (avec des arrêts à Ougrée, au Molinay et au Val Saint-Lambert) ou à Herstal (avec des arrêts à Herstal, La Préalle ou Milmort), ainsi que nous l’avons démontré dans une étude publiée au mois d’octobre. Pour ce faire, la Région wallonne doit utiliser les outils dont elle dispose, en particulier le pré-financement des infrastructures ferroviaires. L’étude « Tritel », commandée par le ministre de la mobilité, est un bon premier pas dans ce sens et nous l’en félicitons vivement.

Même si l’agglomération liégeoise a de toute évidence un pressant besoin — à l’instar des métropoles de tailles similaires dans les pays voisins — de quatre, cinq ou six lignes de tramway, de plusieurs lignes de RER, de trolley et d’autres infrastructures (c’est-à-dire, au bas mot, de plusieurs milliards d’euros d’investissement), nous pensons que, dans le contexte institutionnel et économique actuel, c’est en adoptant cette stratégie très modeste que seront maximisées les chances de retrouver des opportunités de développer le réseau dans un avenir proche. Il faut « amorcer la pompe ». Le succès de la première ligne, s’il est incontestable, rendra à notre sens inévitable le développement du reste du réseau. Nous appelons donc le gouvernement wallon à adopter cette stratégie progressive.

En outre, dès lors que ses carences sont à présent bien documentées mais que les délais (2017) ne permettent pas de s’arrêter pour réfléchir, il est essentiel de permettre au projet d’évoluer en cours de route. Loin d’être un caprice ou un luxe, il nous semble qu’il y a là rien moins qu’une condition à l’acceptabilité et à la faisabilité du projet. Il est par exemple indispensable d’envisager la manière dont l’hôpital de la Citadelle peut être relié et intégré au projet (nous avons formulé une proposition très élaborée en ce sens |4|, qui a reçu le soutien de l’institution hospitalière mais n’a jusqu’à présent jamais été examinée sérieusement par les autorités régionales). Il faut également tenir compte des enseignement de l’étude « Transurbaine » pour que la façon dont la première phase du projet sera réalisée n’hypothèque par la suite du développement du réseau. Il faut aussi et surtout donner une réelle place au citoyen dans un processus dont il a jusqu’à présent été systématiquement écarté — en rendant l’information accessible, tout d’abord, ensuite en permettant que, dans le cadre de l’étude d’incidence puis dans celui de l’enquête publique à venir, des aménagements significatifs (c’est-à-dire concernant y compris le tracé) soient apportés au projet.

Bref, il va falloir réfléchir en avançant, avancer en réfléchissant. Ce sera difficile, très difficile sans doute, mais c’est un superbe défi. Et urbAgora a bien l’intention de mettre toute son énergie au service de sa réussite.

|1| Même si les chiffres des sommes à rembourser sur trente ans, donnés en valeurs cumulées non actualisées, sont évidemment excessifs.

|2| Même si l’on regrette par ailleurs qu’elles soient visiblement polluées par un marchandage concernant le « Centre des élites sportives », auquel les Liégeois seraient — de façon tout à fait inacceptable — priés de renoncer pour obtenir le financement du tram qui leur a pourtant été maintes fois promis

 

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