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Avis de l'asbl urbAgora dans le cadre de l'enquête publique relative à la demande de permis unique de la première ligne du tram de Liège

mardi 14 mai 2013,

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Introduction

Liège a besoin d’un tram, la chose est démontrée, ne serait-ce que par la pratique quotidienne d’un réseau de bus qui sature sur plusieurs de ses tronçons centraux.

Liège a-t-elle besoin de ce tram-là ? Il est permis de se poser la question. Face à la méthode autoritaire de la maîtrise d’ouvrage, face à l’avalanche des occasions manquées, des médiocrités constamment reconduites, face à l’absence de vision d’ensemble de la mobilité à Liège, tant dans le chef de la Ville, dans celui de la Région ou dans celui de la SRWT, il nous semble urgent de sortir la tête du guidon et de prendre le temps de revoir les aspects les plus problématiques du projet actuel.

Nous reprenons ici une brève synthèse des principales remarques formulées à de multiples reprises par notre association depuis 2007 dans ce dossier sans être prises en considération ni avoir fait l’objet d’une réfutation argumentée sérieuse.

Généralités

Concertation. De façon très claire, jamais au cours du processus entamé en 2008, l’autorité publique n’a souhaité concerter la population — par plus que les travailleurs du transport en commun — sur ce projet, ses tenants et aboutissants, sa mise en oeuvre. L’absence d’un comité d’accompagnement en témoigne. Tout comme le fait que les différentes réunions publiques se sont, à peu de choses près, limitées au minimum légal et ont systématiquement porté sur une information a posteriori de décisions déjà prises. La présentation — notamment par l’échevin liégeois de la mobilité — du dossier comme n’étant plus susceptible de connaître d’évolution suite à l’enquête publique constitue une violation claire de l’esprit de la règle (il n’a cependant pas manqué son objectif, en décourageant de nombreux citoyens de participer à l’enquête publique, « puisque tout est déjà décidé »). Et ce n’est pas un sondage sur Internet permettant de choisir entre trois designs proposés pour les rames de tram qui va y changer quoi que ce soit... A minima, nous demandons la mise en place d’un comité d’accompagnement ouvert aux usagers, associations, syndicats,... et rendant publics ses travaux.

Maîtrise d’ouvrage. Le tram n’a de sens que comme projet urbain, touchant à toutes les sphères de la vie urbaine. La SRWT — désignée comme maître d’ouvrage du projet — n’a pas la compétence pour mener à bien un tel projet. La demande de permis unique concerne donc un projet de transport, pas un projet urbain. Face aux montants en jeu, ce n’est pas acceptable. Nous demandons que la maîtrise d’ouvrage soit conjointement exercée par la SRWT et la Ville de Liège.

Logement. Quel sera l’impact du tram sur le prix et les dynamiques du logement ? Pas plus l’autorité publique que l’auteur du projet ne semblent s’être posés la question. C’est pourtant un enjeu essentiel sur lequel une réflexion spécifique devrait être menée, et des moyens mis à disposition, notamment pour augmenter l’emprise publique dans les quartiers sensibles, en vue d’éviter un emballement des prix. Nous demandons la réalisation d’une étude sur cet aspect du projet et la mobilisation d’un budget spécifique.

Quartiers péri-centraux. Nous déplorons l’absence de prise en compte, dans le processus — aucune séance d’information n’ont été organisées en Outremeuse ou à Sainte-Marguerite, qui seront pourtant directement touchées par le projet — comme dans le projet lui-même, des quartiers non traversés par le tracé mais directement impactés. Nous demandons que des mesures d’accompagnement soient prises, notamment pour éviter un report massif du trafic sur les quais de la Dérivation, et la multiplication du stationnement ventouse en Outremeuse et en Sainte-Marguerite.

Réseau de bus. L’absence d’un schéma de réorganisation du réseau de bus rend l’exercice urbanistique aux abords du tracé assez aléatoire (et annonce inévitablement des cafouillages futurs sur ce terrain). Il suscite aussi — et à juste titre — une large inquiétude parmi les usagers actuels du réseau TEC. Nous demandons un engagement du gouvernement wallon à maintenir l’offre bus existante en la redéployant sur l’agglomération, ainsi que la publication d’un schéma d’ensemble avant approbation du permis unique.

Rail. Depuis sa conception et en dépit de demandes formulées à des dizaines de reprises par des voix nombreuses, le projet actuel se caractérise par une intermodalité gravement insuffisante avec le chemin de fer. Le seul point intermodal réel se trouve aux Guillemins. Dans les trois autres points de connexion possible (Sclessin, Palais et Bressoux), la distance entre la station de tram et le chemin de fer est trop importante pour pouvoir parler d’une réelle interconnexion. L’absence d’un point intermodale en rive gauche en aval du centre-ville pèse particulièrement lourd. De manière plus générale, on constate, de façon récurrente, une dynamique de concurrence entre la SRWT et la SNCB, alors que ces deux sociétés publiques devraient collaborer et chercher les complémentarités entre elles. Nous demandons que la SNCB soit associée au projet. Nous demandons la création d’un point intermodal en aval du centre-ville (idéalement place Vivegnis).

Pénétration urbaine vs desserte des quartiers. Le tram — ainsi que les aménagements urbains qu’il induit — est à nos yeux principalement pensé pour favoriser l’entrée dans la ville depuis l’extérieur (via des « P+R » coûteux et à l’utilité non démontrée), beaucoup plus que la circulation intérieure à la ville. Nous nous trouvons face à un imaginaire qui assigne à la ville une fonction principale de service au bénéfice des populations péri-urbaines et rurbanisées. Nous demandons une reconnaissance explicite du fait que le tram est d’abord et avant tout un outil au service de la ville et de ses habitants.

Stationnement. L’étude d’incidence recommande d’accompagner la mise en oeuvre du tram d’un plan de stationnement en centre ville, de manière à ce que les parkings-relais soient utilisés. Si l’offre de stationnement en centre-ville demeure aussi importante (voire augmente), il ne faudra pas s’étonner que le tram échoue à décongestionner la ville.

Contrat d’axe. Nous regrettons l’absence, à ce stade, d’un « contrat d’axe », ou des éléments qui pourraient le composer : nous ne notons pas, dans le projet, d’une politique de densification du bâti (et de l’activité) autour des stations ; nous n’observons pas qu’un mécanisme de captation de la plus-value foncière ait été mis en place ; nous déplorons l’absence d’une réflexion systématique sur les accès piétons et cyclables aux stations. Nous demandons la mise en place d’un contrat d’axe sur la ligne 1.

Art public. En matière d’art public, non seulement d’intégration d’oeuvres d’art sur le tracé, mais aussi d’intégration de démarches artistiques dans la conception du projet, on se trouve face à ce qu’on pourrait appeler un « service minimum », bien loin des exemples étrangers dont les uns et les autres se réclament pourtant volontiers.

Au fil du tracé

Sclessin. Vu l’enjeu que représente le site, vu ses énormes potentialités, nous plaidons pour un plan d’ensemble de toute la zone située entre le fleuve et le chemin de fer (en ce compris le terril), intégrant la construction d’un nouveau quartier, d’un parc autour du stade, etc. La qualité paysagère des aménagements proposés nous semble très insuffisante. L’emplacement du P+R hypothèque le développement du site en direction de la colline.

En tout état de cause, le maintien du service les soirs de matches — si nécessaire en éloignant un peu la ligne du stade — est indispensable, a fortiori si la ligne doit être à l’avenir prolongée vers Tilleur et Jemeppe.

Pont des Modeleurs. Le dispositif retenu semble fort complexe. L’investissement est conséquent et ne se justifie, in fine, que par l’arrêt du service les soirs de matches au Standard, sans pour autant fournir une alternative crédible. Les quelques dizaines de places du P+R du Pont des Modeleurs sont-elles supposées remplacer, les jours de matches, l’entièreté du P+R de Sclessin, à supposer que celui-ci soit attractif et donc utilisé à pleine capacité ? Il est difficile de l’imaginer.

Rue de la préfecture et du laminoir. Les logements situés à mi-chemin entre les stations Modeleurs et Val-Benoit perdent leur desserte TC actuelle, ce qui sera pénalisant pour leurs habitants. A minima, un soin particulier devrait être apporté au cheminement piéton permettant de rejoindre la station Val Benoit, ce qui ne nous semble pas être suffisamment le cas.

Place Leman. L’implantation des voies de tram de la première ligne doit permettre le branchement futur d’une antenne vers l’avenue Digneffe et le Pont de Fragnée (ainsi que prévu dans le schéma de la Transurbaine). Il n’est pas certain que ce soit le cas dans la disposition actuelle.

Esplanade des Guillemins. Le tracé retenu compromet l’utilisation de l’esplanade pour des manifestations publiques. Les vastes espaces publics disponibles sur l’esplanade semblent d’ailleurs plus pensés pour l’attrait visuel des voyageurs que comme des espaces de vie, utilisables, appropriables par les habitants. Même si les travaux entrepris dans le quartier constituent une politique du fait accompli, nous rappelons que la variante de tracé via les rues Buisseret, de Sclessin et des Guillemins semble mieux à même de concilier la qualité du service (qualité de l’accès à la gare et rapidité), la dynamique commerciale (localisée rue des Guillemins et menacée de décentrement) et la qualité de vie des habitants (qui passe par une esplanade dédiée à des fonctions d’agrément et d’animation).

Au niveau de la station Charlemagne. La suppression de toute percolarité automobile entre les quartiers Piercot et Botanique (dans les deux sens) sera pénalisante pour les habitants. C’est un exemple de la logique à l’oeuvre, selon nous, consistant à favoriser la pénétration urbaine au détriment des usages quotidiens des habitants de la Ville.

Feronstrée. Même si aucune solution parfaite n’existe entre St Lambert et Déportés, nous plaidons résolument pour un passage à deux voies par Ferontrée (à vitesse réduite). Cette option (dont la faisabilité technique a été démontrée à de nombreuses reprises) :

  • Simplifiera fortement, à l’avenir, l’implantation de la Transurbaine, rue Léopold ;
  • Evite la perte de capacité de la ligne consécutive au service en voie unique le dimanche (ce qui, à long terme, pourrait compromettre le développement du réseau vers l’aval) ;
  • Est la plus favorable au marché dominical de la Batte, à la fois pendant les travaux et en phase d’exploitation.
  • Laisse ouverte la possibilité de passer par la place Vivegnis (avec correspondance SNCB et téléphérique).
  • Rend le réseau plus lisible pour les usagers occasionnels.

Rue Cathédrale. Un double sens automobile sur le court tronçon situé au début de la rue Cathédrale (entre les rues Nagelmackers et Léopold) semble nécessaire pour maintenir l’accès au quartier Cathédrale Nord depuis, notamment le Pont des Arches.

Accès au Pont Maghin. Le site est à revoir complètement. Le dispositif actuel préfigure une situation très difficile aux heures de pointe pour les communications avec la rive droite de la Meuse. A minima, il est nécessaire de prévoir un passage direct pour les bus, dans les deux sens, entre le Pont et la rue Maghin (qui permettra la création d’une nouvelle ligne de bus fusionnant les tronçons résiduels des lignes 1 et 4 et permettant une desserte de l’intérieur du quartier). Le projet devrait également intégrer une suture du tissus urbain de la rue des Aveugles, actuellement très déchiqueté, notamment du côté Feronstrée.

Quai St Léonard. Nous continuons à considérer qu’un tracé intérieur au quartier (par exemple par les rues Maghin, Dony, St Léonard et Commandant Marchand, ou via la place Vieille Montagne) serait nettement préférable, tant pour la desserte du quartier lui-même que pour l’intermodalité avec le rail et le téléphérique vers la Citadelle. Ce passage dans le quartier peut se faire avec un impact minime en termes de démolition d’immeubles (moins de 12 expropriations dans le pire des cas). Dans le projet actuel, nous plaidons cependant pour que la voie de tram soit située du côté des immeubles et non du fleuve, à la fois pour des raisons de sécurité (limiter le croisement entre flux piéton et flux automobile) et d’attractivité.

Site de Bressoux. Le plus gros point le plus faible du projet se trouve à Bressoux. L’asbl urbAgora a toujours plaidé pour un passage du tram en rive droite. De ce point de vue, le choix du site de la gare de Bressoux pour la localisation du dépôt et du site de maintenance pouvait apparaître comme une bonne nouvelle. Force est de constater que la copie rendue par l’auteur du projet est dramatiquement insuffisante :

  • Loin de favoriser la desserte des quartiers de la rive droite (Outremeuse Nord et Bressoux), le tracé retenu pour relier le dépôt au centre-ville, via le Pont Atlas, contribue plutôt à excentrer ces quartiers.
  • L’implantation du dépôt de tram et du P+R (longitudinalement par rapport au chemin de fer), telle que proposée par l’auteur du projet, rend impossible la construction d’un franchissement ferroviaire de la Meuse à cet endroit (et donc en aval de Liège, car c’est le dernier site où la chose était possible), pourtant identifié parmi les priorités régionales en matière ferroviaire (Etude Tritel). Ce manque criant de prévoyance coûtera cher à l’avenir lorsque l’agglomération liégeoise aura besoin de développer un REL et que la saturation de la ligne 34 limitera les possibilités.
  • L’implantation d’un arrêt à proximité de la gare de Bressoux aurait pu permettre de créer un superbe pôle d’intermodalité avec le chemin de fer. Las : un cheminement malaisé de plusieurs centaines de mètres — via le Pont du Bouhay — sera nécessaire pour rejoindre la gare depuis la station de tram. Le peu de considération pour les usagers quotidiens dont témoigne cette proposition soulève d’assez lourdes questions sur le processus en cours.
  • De manière générale, il est aberrant d’implanter des infrastructures aussi lourdes sur un site tel que la plaine de Bressoux sans disposer d’une vue d’ensemble des différents équipements qu’on souhaite implanter. La cohabitation du dépôt de tram, de la FIL, d’un parc d’activités dans le domaine de l’alimentation, mais aussi de logement et de bureau, ainsi que la création d’une passerelle vers Coronmeuse et la transformation de l’autoroute en boulevard urbain,... est parfaitement possible, à condition de réaliser un master plan.

Dès lors que la localisation du dépôt à Bressoux représente un surcoût considérable (de l’ordre de 80 millions d’euros), et considérant le fait que le projet dans sa mouture actuelle va apporter plus de problèmes que de solutions à la rive droite (desserte des quartiers, intermodalité avec le rail, hypothèque sur le futur REL, urbanisation de la zone,...), la question doit se poser de la pertinence de maintenir la localisation du centre de remisage et de maintenance. Localiser un dépôt de taille plus modeste à Sclessin permettrait de dégager un budget considérable pour, par exemple, mener une politique d’accompagnement du projet en matière de logement, ou pour repenser le site de Sclessin dans son ensemble.

Conclusion

Selon nous, le projet n’est pas mûr en l’état actuel des choses. Nous demandons par conséquent à l’autorité publique de surseoir à la demande de permis unique et d’inviter l’auteur du projet à revoir sa copie.

Liège, le 14 mai 2013

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