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Les aspects participatifs et formels du PUM

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Cette analyse a pour vocation de discuter les aspects participatifs et formels du Plan Urbain de Mobilité de l’Agglomération de Liège (PUM de Liège) La première partie considère la participation citoyenne dans l’élaboration du PUM. La deuxième partie relève une série d’éléments du processus participatif du PUM de Liège pouvant être améliorés. Finalement, la troisième partie identifie des pistes de solutions pour la participation citoyenne en matière de mobilité et d’aménagement du territoire.

1. La participation citoyenne dans l’élaboration du PUM

Pour rappel, le PUMest encadré par le décret wallon du 1er avril 2004 relatif à la mobilité et à l’accessibilité locales. Le décret prévoit que c’est le Gouvernement wallon qui a la charge de l’élaboration de chaque plan urbain de mobilité, en concertation avec les communes concernées. Liège est donc le premier PUM élaboré par le Gouvernement, en concertation avec les communes de l’agglomération.

Il est possible de considérer que le décret prévoit deux modalités de participation du citoyen dans l’élaboration du décret. La première est directe, au travers de l’enquête publique, tandis que la seconde est indirecte, par l’intermédiaire des conseils communaux. Dans cette seconde modalité, le rôle des citoyens est indirect et beaucoup plus faible, dans la mesure où ce dernier est, surtout, représenté par ses élus communaux.

1. La première modalité, l’enquête publique, est une procédure classique qui permet aux citoyens de s’exprimer sur le PUM et sur son rapport sur les incidences environnementales. Cette procédure être annoncée dans chaque commune de l’agglomération par voie d’affiches et par un avis inséré dans la presse écrite. L’information doit également être diffusée deux fois en radio et une fois en télévision. Des séances d’information publiques doivent également être organisées, dont une dans la ville centre. L’enquête publique dure, au moins, 45 jours, durant lesquels les documents concernés sont accessibles à consultation.

2. La deuxième modalité est plus indirecte, dans la mesure où elle repose sur les conseillers communaux élus par les citoyens, que ces derniers peuvent sensibiliser ou interpeller afin de faire valoir leurs arguments. Concrètement, après l’enquête publique, le Gouvernement wallon soumet le PUM et son rapport sur les incidences environnementales aux différentes communes de l’agglomération urbaine. Celles-ci doivent remettre un avis dans les 45 jours suivant l’enquête publique. Au-delà de cette date, leur avis peut ne pas être considéré. L’adoption du PUM par le Gouvernement wallon est ainsi liée à l’avis favorable sur ce dernier de la majorité des communes représentant au moins les deux tiers de la population de l’agglomération. Tout écart de l’avis d’une commune doit par ailleurs être motivé.

Ces deux modalités représentent dès lors le cadre dans lequel les citoyens peuvent intervenir dans le PUM et sont celles qui ont été étudiées dans le cadre de la présente analyse.

Il est à souligner que le PUM indique, dans son introduction, qu’il est nécessaire de concrétiser ce document « avec l’appui des usagers, de la population » (page 6 du PUM). urbAgora soutient effectivement cette volonté d’intégrer les différents acteurs de la mobilité, qu’il soit expert technique ou expert d’usage1.

Néanmoins, cette ambition se limite essentiellement au titre de la section concernée. Très rapidement, il apparait que les acteurs à associer sont les praticiens du transport, les académiques, les intellectuels, les artistes et les grands donneurs d’ordre. Le citoyen lambda n’est intégré à ce processus de diffusion et d’ouverture qu’au travers de l’information transmise par d’autres, soit par les nouvelles technologies, soit par des outils classiques que sont les réunions et les débats publics.

Nous considérons que cette participation du citoyen autour d’enjeux essentiels à ses conditions et à sa qualité de vie reste trop limitée au regard des défis et des questions que pose le PUM. 

C’est pourquoi la présente analyse vise à pointer, de manière non-exhaustive, une série d’éléments du processus participatif qui pourraient être améliorés, tant dans le cadre de la présente consultation du PUM que dans l’élaboration d’autres PUM et d’autres plans de cette ampleur touchant à des questions liées à l’aménagement du territoire, à la mobilité ou encore au logement.

2. La participation dans le PUM, des dispositifs à améliorer

La présente analyse identifie plusieurs facettes du processus participatif du PUM (dont l’enquête publique fait partie) qui permette de sortir d’un processus n’impliquant le citoyen qu’a minima. Celles-ci concernent les procédures décrétales, l’établissement du calendrier, la disponibilité de l’information et la forme du document.

A. L’application stricte des procédures décrétales

Si les prescrits légaux ont été respectés, ceux-ci sont loin de favoriser une inclusion forte du citoyen dans le processus d’élaboration du PUM. Comme cela est souvent le cas, la participation est considérée comme un outil de légitimation, par l’inclusion du citoyen à la marge du processus (Parotte, Piet, & Rossignol, 2011). Deux exemples permettent de concrétiser cet aspect.

Le premier est la durée de la consultation de l’enquête publique, qui fixée à 45 jours dans les textes juridiques. L’enquête publique du PUM de Liège dure 46 jours, entre le 12 novembre 2018 et le 7 janvier 2019 – si l’on considère la suspension annoncée entre le 24 décembre 2018 et le 2 janvier 2019. Néanmoins, la lecture du décret n’indique en rien que cette durée est une durée maximale. Celle-ci aurait dès lors pu être prolongée de plusieurs semaines, afin de favoriser une participation plus large. Cette question de durée est traitée plus en détail dans la section suivante relative au calendrier.

Le deuxième exemple concerne la tenue des séances publiques d’information. Le décret prévoit que trois d’entre elles soient organisées. Cela a été le cas, entre le 20 et le 27 mars à Blégny, Aywaille et Liège. À nouveau, il est dommage pour l’information et la participation du citoyen à un tel processus que seules trois séances aient été organisées2.

À l’heure où la participation citoyenne devient un enjeu sociétal fort, où des mouvements sociaux émergent rapidement, il apparait quelque peu étrange de se vouloir participatif tout en appliquant à la lettre un décret de 2004, rédigé dans un contexte où la participation publique n’en était qu’à ces balbutiements en Région wallonne.

B. Le calendrier

En corollaire du point précédent, un élément plus concret de l’implication réduite du citoyen dans le processus, au-delà des prescrits légaux, est le choix du calendrier.

D’une part, deux éléments complexifient une prise de position informée du citoyen. La première est la durée de l’enquête publique, qui compte 56 jours (du 12 novembre au 7 janvier). Comme dit précédemment, cette durée aurait pu être prolongée puisque le délai de 45 jours est un minimum. Le PUM de Liège et son rapport sur les incidences environnementales sont des documents éminemment complexes pour le citoyen. Il a été rédigé par 8 experts spécialisés, issus de 6 bureaux différents pendant de nombreux mois. Dans ce cadre, il apparait plus que complexe, pour le citoyen, de disposer du temps pour lire, comprendre et se positionner sur un document d’une telle ampleur et d’une telle complexité en moins de deux mois, durant son temps libre.

Nous saluons bien sûr la volonté des auteurs d’avoir rédigé un document explicatif du processus et de l’enquête publique. Toutefois, d’autres outils auraient pu être utilisés et des moyens financiers plus importants auraient pu être mobilisés pour favoriser la participation. Cette réallocation des fonds vers un processus participatif n’a cependant pas semblé être la volonté du Gouvernement wallon et nous le regrettons.

Par ailleurs, outre la durée de la période de consultation, le fait qu’elle se termine à la suite d’une période de fêtes, en fin de congés scolaires, n’est pas un atout favorisant la participation. Les dernières semaines d’une enquête publique sont souvent celles qui sont les plus importantes et les plus décisives en termes de mobilisation citoyenne.

D’autre part, au-delà de l’enquête publique, le calendrier prévoit que les Conseils communaux doivent se prononcer dans les 45 jours suivant la clôture de l’enquête publique. Deux questions se posent dès lors.

 D’abord, dans quelle mesure les remarques des citoyens formulées au travers de l’enquête publique vont-elles pouvoir être intégrées dans leur complexité à une nouvelle version du PUM qui sera transmise aux autorités communales ? Réaliser cette tâche importante dans un temps si limité est selon nous plus qu’ambitieux. Aucune information n’est cependant disponible sur les modalités d’intégration (liste des commentaires, motivation de l’intégration ou de la non-intégration, délai de transmission) des commentaires citoyens dans le document transmis à l’approbation des 24 communes.

 Ensuite, quelles vont être les modalités de mise en débat du PUM dans les différents conseils communaux  ? Aucun document lié au PUM n’informe sur la suite de cette procédure, alors qu’elle est tout aussi importante pour le citoyen, par ses interactions avec ses élus communaux, d’une part, et par son droit d’interpellation du conseil, d’autre part.

C. L’accessibilité des documents

L’accessibilité des documents a également tendance à limiter la participation informée des citoyens. Il n’est pas question ici des documents relatifs au PUM en tant que tels, qui étaient aisément accessibles, mais plutôt de l’ensemble des documents et d’études antérieurs sur lequel ce PUM prend appui. Comme nous l’avons souligné en introduction, le PUM prend appui sur une série de documents et d’études antérieurs.

Néanmoins, ces documents et leur contenu ne sont pas facilement accessibles pour le citoyen, ce qui complexifie à nouveau la construction d’une opinion informée sur le PUM de Liège. Par exemple, le PUM mentionne la démarche AnGeLiC en page 5. Il est possible de déduire que cette démarche (qui est appelée également « projet » dans la suite du document) est liée à la mobilité ferroviaire, mais ses objectifs ne sont jamais mentionnés explicitement. La seule explicitation de cette démarche se trouve dans la note en bas de page 15, page 50, du rapport des incidences environnementales où il est dit qu’il s’agit « d’un programme d’études et de suivis des Réseaux Express Régionaux (RER) initié par la SNCB, acronyme des 4 RER d’Anvers, Gand, Liège et Charleroi ». Un autre exemple est l’étude sur les 14 axes structurants, où l’on comprend aisément qu’il s’agit d’une étude sur 14 axes structurants pour le bus liégeois, mais où, à nouveau, aucune information centralisée sur les objectifs et le contenu n’est fournie.

D. Les autres éléments de forme

Sur la forme, deux autres points d’attention mineurs pourraient faciliter la lecture du PUM. 

D’abord, mentionnons le format du PUM. Il est présenté en format paysage, ce qui laisse au lecteur le choix entre l’impression d’un document massif et une lecture peu ergonomique sur la majorité des écrans.

Ensuite, le PUM ne mentionne jamais au même endroit qui sont les 24 communes de l’agglomération de Liège. La seule mention centralisée de ces éléments se trouve à la page 20 du rapport d’incidences environnementales. Une mention au début du PUM permettrait de gagner en clarté.

3. Quelles solutions proposer ?

Nous sommes pleinement conscients du fait que le PUM de Liège est le premier en son genre et nous soulignons, à nouveau, l’important travail, précieux et de qualité, réalisé par les différents auteurs, même si certaines remarques sont émises par urbAgora dans le cadre de l’enquête publique sur une série de choix posés par les auteurs.

Néanmoins, au vu des éléments mentionnés plus haut, nous souhaitons émettre une série de propositions relativement à la forme et au processus participatif lié au PUM.

Ces propositions sont réparties en trois axes : le processus participatif, l’accessibilité des documents et les aspects de forme.

Relativement au processus participatif, nous sommes conscients qu’il n’est guère possible, pour des raisons politiques, de modifier le processus du PUM et nous le regrettons. Néanmoins, nous souhaitons attirer l’attention des décideurs et des concepteurs du PUM sur la nécessité, à l’avenir, de mettre en place des procédures qui dépassent les minimas établis par le décret du 1er avril 2004. Cela offrirait des opportunités d’améliorer les processus participatifs et de prendre en compte de manière plus substantielle les avis et l’expérience des citoyens. Dans l’entretemps, une adaptation des délais pour permettre un débat effectif du PUM au niveau des conseils communaux nous semble une nécessité pour favoriser l’amélioration du document.

Le PUM étant un document directeur, nous considérons également qu’il est essentiel que toute action et infrastructure proposée par le PUM s’inscrive dans une concertation avec les différentes parties prenantes en ce compris les citoyens et les usagers. Aussi, nous souhaitons que le PUM propose également un cadre de concertation indicatif pour l’ensemble des projets qui en découleront. Ce cadre devrait se baser sur les principes suivants :
Une information adaptée des différentes parties prenantes, par la multiplication des formats, des canaux et des dispositifs d’information ;
L’intégration des citoyens de la conception à la validation, et non uniquement en fin de projet, au moment de l’enquête publique ;
L’extension des délais de consultation au-delà du strict respect des procédures légales ;
Et le positionnement des deux dernières semaines en dehors d’une période de congés scolaires.

En parallèle, nous encouragerons les décideurs publics wallons à considérer l’instauration de processus délibératifs favorisant la rencontre et le débat entre une pluralité d’opinions.

En matière d’accessibilité des documents, deux propositions sont émises pour améliorer la compréhension du PUM par le citoyen et renforcer le statut du PUM en tant qu’outil de référence :

 Insérer, en annexe, un ensemble de fiches explicatives sur chacune des études sur lesquelles le PUM s’appuie, en mentionnant notamment la période de réalisation, les objectifs et les principales conclusions.
Mettre à disposition de tous ces différentes études en établissant un répertoire en ligne hébergé par la Région wallonne (DGO2).

 Finalement, en termes de forme, nous demandons simplement qu’une attention soit portée, à l’avenir, sur les modalités formelles pour faciliter la lecture du document sous format numérique. Nous insistons également sur le fait que les communes de l’agglomération soient mentionnées en début du PUM. 

Maxime Petit Jean

Références

Parotte, C., Piet, G., & Rossignol, N. (2011). Participer n’est pas influencer : le poids du citoyen" expert d’usage" dans le processus décisionnel.

Sintomer, Y. (2008). Du savoir d’usage au métier de citoyen. Raisons politiques, 2008/3(31), 115-133.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

 

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