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Eléments pour la définition d’une stratégie ferroviaire régionale

dimanche 10 juin 2012,

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Note rédigée pour alimenter la réflexion du pôle de compétences d’Inter-environnement Wallonie du 12 juin 2012.

Approche générale des enjeux ferroviaires

L’asbl urbAgora plaide pour un renforcement conséquent de la capacité et de l’attractivité du réseau de chemin de fer en Wallonie et, plus largement, en Belgique. Encore faut-il que cela se fasse sur de bonnes bases. Pour urbAgora, le réseau ferroviaire constitue potentiellement un levier privilégié d’aménagement du territoire et de requalification des environnements urbains. L’objectif doit être d’engendrer des cercles vertueux susceptibles d’inverser la tendance à l’émiettement urbain. Ce dernier tue en effet tant la ville que la campagne et gaspille les ressources collectives. Le recentrage progressif des activités humaines autour des pôles bien desservis par les transports en commun permet de concevoir une offre de déplacements performante tout en maintenant sous contrôle les coûts d’exploitation. Dans le même temps, l’existence d’alternatives performantes au tout à la voiture couplée à des politiques volontaristes favorisant la qualité de vie en ville contribue à ramener habitants et activités économiques dans des environnements davantage urbains. Du fait de ses capacités et de ses performances, l’offre de transports ferroviaires a vocation à devenir l’épine dorsale d’un système intégré de mobilité qui prenne enfin en considération dès sa conception les enjeux sociaux et environnementaux.

Si l’on suit une telle optique, il est possible de diminuer la demande globale de déplacements tout en générant des flux localisés suffisamment importants pour offrir des services collectifs de haute qualité à la fois compétitifs et finançables. De plus, afin d’éviter au maximum que les réseaux de transports en commun ne connaissent en leurs points névralgiques les mêmes problèmes d’engorgement que le réseau routier, il convient de privilégier une offre densément maillée plutôt que centralisée en un petit nombre de points. Ceux-ci sont en effet alors autant de points de fragilité mettant en péril la robustesse et les performances de l’ensemble du réseau. Un réseau bien maillé permet de surcroît de limiter la pression foncière et les effets de dualisation territoriale et de précarisation des populations les plus excentrées. Il permet en effet de soutenir un développement territorial qui évite les travers engendrés par un trop grand éparpillement des activités humaines mais limite également les problèmes générés par une trop grande polarisation autour de quelques centres principaux. Il convient dans cette optique de concevoir un réseau bien maillé, robuste, intégré dans le tissu urbanisé et offrant des solutions à un large éventail de besoins de déplacements. Le réseau de transports publics doit pour ce faire tirer son efficacité de son organisation en réseau. C’est à l’amélioration et la valorisation d’une telle organisation en réseau que doivent s’attacher la conception des plans de transports et la définition de la politique d’investissement des différentes sociétés de transport.

Le plan d’investissement du groupe SNCB

Malheureusement, le plan d’investissement soumis par le groupe SNCB à l’autorité de tutelle et en cours de discussion ne semble pas augurer grand-chose de bon.

— Le plan d’investissement, non officiellement rendu public, ne fournit pas les informations permettant un choix éclairé des autorités publiques ou un débat de qualité dans la société civile. Il n’a aucune des caractéristiques d’un document d’orientation stratégique que l’on est en droit d’attendre face à l’importance des enjeux et des montants.

— La stratégie à long terme du groupe n’est pas explicitée et, à plus fortes raisons, justifiée.

— La contribution des projets retenus à la réalisation des objectifs n’est pas précisée.

— Les projets d’infrastructures semblent une nouvelles fois prendre la priorité sur la définition d’un plan de dessertes et d’un schéma d’exploitation à même de rencontrer au maximum les attentes des usagers et des pouvoirs publics subsidiants.

— Le redéploiement, dans une optique moderne et efficace, des services urbains et périurbains ainsi que le renforcement du maillage du réseau ferré comme épine dorsale de l’offre globale de transports publics semble une nouvelle fois remise aux calendes grecques.

Une analyse plus fouillée du plan d’investissement de la SNCB a été rédigée, actuellement au stade du brouillon |1|.

Il y a pourtant moyen de faire beaucoup mieux, pour autant qu’on accepte de réfléchir différemment, de fixer des objectifs ambitieux et de viser un haut degré de qualité dans la planification et la fourniture des services. Pour cela, nous demandons.

— Que soient fixés des objectifs volontaristes en termes de report modaux. I l faut préparer l’avenir, voire forcer des changements de trajectoire plutôt que d’adapter les infrastructures aux seuls flux existants. Cela implique de cibler l’essentiel et de rompre avec des traditions culturelles et organisationnelles parfois bien ancrées, tant dans le chef des sociétés de transports que dans le chef des responsables des politiques annexes conditionnant le succès d’un report modal massif. (aménagement du territoire, mobilité douce, localisation des pôles de développement,…) ;

— Que l’intégration horaire et tarifaire de l’ensemble des services de transports publics devienne un objectif prioritaire et impose le dépassement des frontières administratives entre sociétés de transport et entre pouvoirs de tutelles ;

— Qu’un plan de desserte ambitieux soi établi, mettant en œuvre autant que possible la philosophie du cadencement en réseaux autour de nœuds de correspondance. Ce plan de desserte doit être arrêté préalablement à a prise de décision portant sur les investissements relatifs à l’infrastructure et au matériel roulant. Ces investissements doivent permettre d’assurer la réalisation progressive du plan de desserte souhaité plutôt que d’en définir les contraintes.

— Que les infrastructures existantes mais pour l’instant sous-utilisées soient mises autant que possible au service des territoires qu’elles desservent. Ceci est tout particulièrement vrai dans et autour des villes que sont Anvers, Liège, Gand et Charleroi. Moyennant des investissements relativement modérés, il est en effet possible de mettre sur pied des services de types RER performants constituant à la fois l’épine dorsale d’un réseau de transports publics urbains et un prolongement naturel des dessertes intervilles et internationales susceptibles d’en démultiplier l’efficacité. Combinée à l’aire de desserte du RER bruxellois, les cinq principales zones urbaines du pays couvrent près de 50 pourcent de la population belge.

En particulier, urbAgora a rédigé une proposition visant à démontrer la faisabilité d’un réseau de type RER à Liège.

Elle soutient également les réflexions du Collectif citoyen carolo (CC) visant à faire de même à Charleroi |2|.

La gare de Gosselies

En ce qui concerne le document soumis au pôle de compétences, quelques remarques lapidaires.

En l’état, il y a de nombreuses erreurs et approximations. On sent bien que les membres du collectif se familiarisent petit à petit avec les arcanes du monde ferroviaire. Cependant, leur document trahit encore largement le fait que l’ensemble du dossier est, de manière compréhensible, lu au prisme des menaces qui planent sur le quartier de Luttre et non la problématique ferroviaire et ses répercussions sur l’aménagement du territoire ou l’avenir de Charleroi. Prenons quelques exemples.

« Le trajet en train de Charleroi vers Gosselies se fera par la ligne 140, qui est en très mauvais état et surtout, qui est à voie unique à la sortie de Charleroi »

La ligne 140 n’est pas particulièrement en mauvais état. Elle est régulièrement entretenue du fait qu’elle voit passer un important charroi fret. Son électrification est relativement récente et la vitesse de référence de 120 km/heure est loin d’en faire la pire ligne wallonne. Il y a effectivement une zone de ralentissement importante à l’entrée de Charleroi, qu’il serait de toute façon bon de lever autant que faire se peut, ainsi qu’un passage à voie unique. Ce dernier ne constitue pas nécessairement un obstacle infranchissable pour une augmentation modérée du trafic voyageurs à cet endroit. (où il n’y a pas de trafic fret). D’un point de vue technique, le vrai problème, si on met en service des trains directs ou semi-directs vers Bruxelles via Ottignies se trouve à l’autre bout de la ligne, à Ottignies. L’insertion sur la ligne 161 vers Bruxelles n’a pas été prévue et impose donc de nombreux cisaillements, ce qui, dans la future configuration à quatre voies, sera problématique. Il a par contre été tenu compte de ce problème dans la proposition de mise en place d’un RER carolo.

« L’exploitation possible de cette nouvelle liaison ferroviaire en sera fortement pénalisée et pourrait même conduire à une situation non rentable pour la SNCB ; ce sera d’autant plus le cas si la SNCB doit supporter elle-même une partie importante (200 à 300 millions d’euros) de cet énorme investissement et doit augmenter de 4 euros le prix des billets de/vers cette future nouvelle gare de Gosselies (voir article le 04/05/2012 paru dans plusieurs journaux) ; si c’est le cas, combien de passagers accepteront-ils de payer beaucoup plus cher pour pouvoir prendre le train de/vers Gosselies ? »

Là on mélange tout. Le problème, du point de vue de l’autorité publique, n’est pas et ne doit pas être la rentabilité. À ce rythme, on ferme tout le réseau. Il faut distinguer les coûts d’investissement, le déficit d’exploitation, les modalités de financement, et le coût supporté par l’usager.

— Le coût d’investissement doit être en principe mis en perspective de l’ensemble des coûts et bénéfices, monétaires ou non, induits par le projet, le tout en comparant à d’autres projets. En gros, il faut arriver à montrer que la gare de Gosselies est un mauvais projet car très coûteux et d’un bénéfice limité au regard d’autres projets, meilleurs et moins chers (l’argument peut d’ailleurs se lire en pointillé dans l’étude Tritel).

— Le déficit d’exploitation : le projet est effectivement problématique du fait qu’il duplique les itinéraires vers Charleroi, allonge les temps de parcours, diminue les fréquences et augmente les charges d’entretien. Là encore, ce n’est pas en soi le déficit d’exploitation qui est problématique, c’est le fait qu’il n’est pas la justifié ni par la qualité du service offert ni, dans toutes les prospectives raisonnables, par la demande pour un tel service.

— Les modalités de financement : la surtaxe est une possibilité parmi d’autres de couverture des charges de financement. C’est la solution retenue pour permettre un préfinancement par des capitaux privés du percement du tunnel ferroviaire sous l’aéroport de Zaventem.

— Le coût du billet, hors contraintes contractuelles liées à un PPP, dépend de l’autorité de tutelle. C’est elle qui décide des tarifs.

« Alors que par le bus de la TEC, ils peuvent s’y rendre dans un temps à peine plus long, pour seulement 3 euros ? » |3|

Ici l’argument frise la mauvaise fois de celui qui n’a jamais pris le bus. Aller en train jusqu’à la gare du Sud puis remonter ensuite en bus (ou en tram si on l’y prolongeait) vers l’aéroport est nettement plus long que via une desserte ferroviaire directe. Certainement depuis Bruxelles mais même, quoique se soit moins net, depuis la gare du Sud. Le gain d’une demi-heure ne justifie certes pas nécessairement la construction d’une nouvelle ligne. De là à dire que les usagers n’ont qu’à prendre le bus, c’est aussi bien, ça ne conviant personne. On croirait entendre un responsable SNCB des années 70 justifiant une fermeture de ligne. Ce qui est vrai, c’est qu’une part des usagers qui prendraient éventuellement un jour le train serait une clientèle perdue pour le TEC, limitant de fait l’ampleur du transfert modal réel.

Au-delà du document soumis, voici quelques remarques d’ordre général.

Le débat sur la gare de Gosselies est miné. Il convient sans doute de le prendre à différents niveaux, ce que la position IEW fait assez bien. Un contact plus approfondi avec le Collectif citoyen carolo serait utile à cet égard.

— La gare de Gosselies est devenue pour beaucoup d’acteurs carolo, plus ou moins informés, LE symbole par excellence et la condition nécessaire du (re)développement de Charleroi. C’est là qu’il faut insuffler le doute : excentrement du centre-ville qui sera moins encore un lieu de passage obligé pour la clientèle affaires et touristes transitant par l’aéroport, dégradation de l’offre ferroviaire vers le centre-ville, pression à l’exode urbain vers le Nord des classes moyennes et supérieures,… Et peut-être aussi insuffler une autre dynamique de développement que celles basée sur des travailleurs jetables dans un des secteurs les plus polluants de l’époque.

— Sur le plan de la politique ferroviaire, le débat doit porter sur la qualité du maillage de la région dans son ensemble. Il y a effectivement un enjeu régional à densifier le maillage de son réseau ferré afin d’une part de répondre à des manques flagrants dans l’offre actuelle (absence d’un axe est-ouest- passant par le Brabant wallon) et afin d’autre part de mieux valoriser les infrastructures existantes largement sous-utilisées dès qu’on s’éloigne de Bruxelles. Objectivement, la gare de Gosselies n’est pas idéalement placée à cet égard. Elle impose des parcours sinueux et lents pour aller de l’est du Hainaut vers l’est du BW d’une part et de l’ouest du BW vers Namur d’autre part. Cela implique de construite une grosse infrastructure entre Fleurus et Ransart pour connecter la nouvelle ligne vers Charleroi, vers Ottignies mais également vers Auvelais, avec beaucoup d’incertitudes sur le schéma d’exploitation qui permettrait de la rentabiliser. À ce prix, là on peut réaliser la transbrabançonne, plus utile et mieux insérée dans le tissu urbain comme dans le réseau existant.

— À l’échelle de Charleroi, c’est l’efficacité de la desserte des transports en commun au sein de l’agglomération qui doit être posé. À cet égard, voir la proposition détaillée de RER appliqué à Charleroi |4|.

Il convient de signaler que la ligne 140 passe à moins de 5km de l’aérogare, qu’il suffit d’y placer un quai, à moins d’utiliser ceux de la gare de Fleurus quelque peu remis à neuf, de faire rouler une navette comme dans tous les aérogares du monde,… et de faire circuler des trains raisonnablement modernes et fréquents sur la ligne 140 entre Charleroi et Ottignies, voire Leuven dans le prolongement naturel de la ligne.

Cette publication est éditée grâce au soutien du ministère de la culture, secteur de l'Education permanente

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