Après trois décennies d’atermoiements et de rebondissements divers, le dossier « Bavière » s’apprête à sortir des limbes, avec le dépôt d’une demande de permis d’urbanisme dont le contenu sera présenté au public ce jeudi soir 14 avril lors de la séance d’ouverture de l’enquête publique (20h15, à l’auditoire de l’Institut de Zoologie (Aquarium Dubuisson), quai Van Beneden, 22 à 4020 Liège).
C’est peu dire que ce dossier est attendu. Dernière grande friche urbaine du centre-ville liégeois, Bavière aura longtemps été — nous espérons que cette étape sera bientôt derrière nous — un trou noir dans le paysage de l’urbanisme liégeois. Mais le site constitue aussi l’une des dernières grandes opportunités de produire, dans le centre-ville, une opération urbaine exemplaire de ce qu’il est possible d’imaginer, à Liège, en matière d’urbanisme en ce début de siècle. À ce titre, Bavière est une opportunité d’imposer de nouveaux standards, plus exigeants, dans la production urbaine, notamment en ce qui concerne les espaces publics, qui restent aujourd’hui, à quelques exceptions près, le parent pauvre de l’aménagement urbain dans notre ville.
L’asbl urbAgora est dès lors extrêmement vigilante à ce sujet, et, avant d’avoir pu prendre connaissance du dossier, souhaite expliciter ici les critères sur lesquels elle évaluera ce projet et déterminera sa position à son endroit.
1) D’abord et avant tout, nous considérons qu’une vision d’ensemble de l’urbanisation du site est nécessaire : Bavière ne peut être urbanisé à la manière d’un lotissement, en découpant le site en morceaux et en laissant chaque maître d’ouvrage faire sur ceux-ci ce qui lui plaît. Cette nécessaire vision globale doit être traduite dans un « Master plan » définissant les typologies et les fonctions attendues, garantissant la cohérence de l’ensemble et son insertion dans le quartier. Ce Master Plan doit être élaboré préalablement aux projets particuliers.
2) Il nous semble également de première importance que des procédures exigeantes en matière de sélection des projets d’architecture s’imposent, en particulier pour les projets publics. Cette demande, exprimée l’année dernière par plus de 150 personnalités de la culture et de l’urbanisme dans l’appel « Bavière black out ? », à propos du projet de bibliothèque, n’a pas été suivie jusqu’à présent. Nous continuons à penser qu’elle est d’une criante actualité.
3) Ensuite, nous défendons la présence d’espaces publics de qualité au sein du projet (et non uniquement en bordure de celui-ci) incluant au moins une grande place publique et un parc.
4) Nous estimons encore que la préservation du bâtiment, extrêmement menacé depuis longtemps, de la dentisterie (ou « stomatologie ») est souhaitable, au vu du grand intérêt patrimonial et paysager qu’il représente. Des pistes existent pour sa rénovation : nous demandons notamment à la Ville de les explorer.
5) Nous souhaitons que l’ensemble se caractérise par une mixité des fonctions : logement, pôle d’emploi, outils culturels,… Ce point est le seul sur lequel nous disposons d’un peu d’informations, et, sur ce plan, les choses semblent bien parties.
6) Enfin, nous estimons nécessaire la présence d’une part significative de logement social au sein du projet. La Ville de Liège est aujourd’hui en déficit de logement social ; il nous semblerait extrêmement regrettable que l’on ne profite pas de l’urbanisation d’un site aussi vaste que Bavière pour contribuer à résorber ce déficit.
Ces six critères nous semblent être le minimum requis pour un projet d’une telle ampleur et présentant des enjeux aussi importants, que celui de Bavière.
Nous rappelons que le projet Anorak & alii (le seul projet à avoir jamais fait l’objet d’un permis sur ce site) respectait ces six exigences.
Si ces critères sont rencontrés, l’asbl urbAgora appuiera le projet soumis à enquête publique.
Si, au contraire, la plupart d’entre eux ne sont pas rencontrés, nous demanderons à l’autorité publique de refuser la demande de permis d’urbanisme et à demander à l’auteur de projet de revoir sa copie. Et nous appellerons les citoyens liégeois à se mobiliser avec nous en ce sens. À cette fin, le site BAVIERE.BE permet dès à présent aux personnes intéressées par le dossier de se faire connaître.
Mathilde Collin
présidente de l’asbl urbAgora