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Un tram contre la ville ?

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L’asbl urbAgora a présenté à la presse, le mercredi 19 octobre 2011, son analyse des études techniques du tram de Liège. Le document (16 pages) peut être téléchargé au format pdf en cliquant sur l’icône située en haut à droite de cette page.

1. Introduction

Montpellier, plan de rue. On voit que le tram rentre dans les quartiers, passe au plus près des pôles d’attraction, s’arrête fréquemment et devient le principal élément de lisibilité de l’espace urbain.

C’est à l’été 2008 que le gouvernement wallon, et son ministre de la mobilité, M. André Antoine (CDH), a fait connaître sa volonté de réaliser un tram à Liège. Cette première annonce faisait suite à une année de débats intenses sur la mobilité au cours de laquelle les positions des principaux acteurs politiques liégeois avaient grandement évolué, au point de former un consensus — jusque là notoirement absent — en faveur de la réalisation d’un tramway à Liège. L’asbl urbAgora, née début 2008 d’un mouvement actif depuis l’été 2007 en faveur du transport public et particulièrement du tramway, a contribué à l’établissement de ce consensus et a depuis lors défendu avec constance le principe du tram.

Ce consensus, il ne faut pas l’oublier, répond à une urgence : celle de la saturation de certaines lignes de bus (dont la fréquentation de cesse de croître en dépit de la dégradation préoccupante des performances de certaines d’entre elles). Les usagers de certaines lignes de bus ont aujourd’hui besoin qu’on en augmente la capacité technique.

L’année qui a suivi l’annonce de l’été 2008 a été une année électorale et, si un budget a été décidé (500 millions d’euros, via le — plus que discutable — mécanisme du « PPP »), le projet est resté d’ordre théorique. Le tracé présenté dès le début ne semblait qu’indicatif et appelé à évoluer en fonction des études : il n’a jamais bougé. C’est donc au nouveau ministre, M. Philippe Henry (Ecolo) qu’est revenue la tâche de mettre en oeuvre la décision de principe prise par son prédécesseur. Compte tenu des déclarations pré-électorales des Verts (en faveur d’un tram plus urbain, plus maillé, passant dans les quartiers, etc), on s’attendait à ce que le projet fut profondément modifié, en tenant compte des apports du Plan urbain de mobilité (PUM) qui venait de s’achever. Il n’en fut rien.

La fameuse ligne de fond de vallée, progressivement sanctuarisée, franchit depuis lors les étapes une à une et arrive à présent, après la désignation en avril d’un comité exécutif et d’un consortium d’assistance à la maîtrise d’ouvrage (AMO) dans une phase décisionnelle, sans pour autant que le tracé n’ait jamais fait l’objet d’un réel débat public (le Conseil communal de Liège, par exemple, n’a jamais tenu un débat en séance publique sur ce sujet) ni d’une concertation digne de ce nom : aucune séance d’information ouverte au public n’a jamais été tenue, le site web d’information promis à maintes reprises par le ministre n’a jamais été réalisé et les conclusions de l’« atelier urbain » tenu avec des représentants de la « société civile » en octobre 2010 ont été prestement enterrées dès lors qu’elles étaient opposées à la voie choisie par le gouvernement. Si urbAgora ne les avait publiées sur le web (grâce au concours d’un informateur anonyme), les études techniques seraient probablement restées secrètes — y compris pour des acteurs du dossier, comme par exemple les conseillers communaux, dont plusieurs nous ont remercié pour la mise à disposition des documents — jusqu’à la décision définitive.

Cette décision définitive, elle est annoncée pour les prochaines semaines sinon les tous prochains jours (sans les divergences internes au comité de pilotage du tram, elle serait sans doute déjà tombée il y a une dizaine de jours). C’est donc dans une urgence certaine que nous tenons cette conférence de presse, en n’ayant pris qu’une semaine pour analyse les études — analyse forcément sommaire. Sur base des études, il est cependant possible, à présent, de réagir de façon très détaillée et objective. Nous ne sommes plus dans la conjecture ou la tentative d’interprétation les rares informations disponibles. Nous pouvons aujourd’hui commenter un projet. La présente conférence de presse vise donc principalement à présenter la lecture que fait urbAgora de ces études. Et ces études, disons-le, sont fortement décevantes à plusieurs égards. Nous pointons en particulier les trois faiblesses suivantes.

  • Primo, ces études, même si l’on n’est qu’au stade de l’avant-projet (mais un avant-projet suffisamment détaillé que pour justifier, aux yeux du ministre, une décision définitive), sont loin du niveau d’exhaustivité qu’on attendrait pour un projet de pareille ampleur. En particulier, elles n’examinent, dans de nombreuses situations, qu’un nombre très limité de scénarios possibles. Des hypothèses qui mériteraient de toute évidence d’être étudiées ne sont même pas évoquées — a fortiori ne sont pas réfutées. À titre d’exemple, à notre connaissance, aucune étude commanditée par les pouvoirs publics ne s’est penchée sur la faisabilité d’un passage du tram à travers le quartier Saint-Léonard (ce qui n’empêche pas certains conseillers de plastronner en affirmant, sur la seule foi de leur autorité, que ce scénario est « impossible »). C’est pour le moins interpellant quand on sait que le projet actuel (le passage par les quais) va significativement dégrader la desserte TC dans ce quartier et passe à côté de la possibilité d’un pôle modal extrêmement intéressant sur la place Vivegnis (nous y reviendrons).
  • Un deuxième problème posé par ces études se trouve dans les grilles de critères utilisés, dont le manque d’objectivité saute aux yeux. Ainsi, lorsqu’une hypothèse amène une réduction plus importante du nombre de places de stationnement, elle se voit notée d’une note négative. Et inversement. On sait pourtant — si l’on en croit les exemples alémaniques (Freiburg, Zurich, Karlsruhe, Heidelberg,...) où un report modal réel a été obtenu, qu’il faut également réduire l’accessibilité des centres à la voiture |1|. Ces préoccupations est absente de l’étude que nous avons eue entre les mains.
  • Un troisième défaut majeur de ces études, c’est qu’elles se focalisent beaucoup trop sur le tram et ses contraintes techniques et examinent beaucoup trop peu pas l’interaction de celui-ci avec les autres modes de transport en commun. On parle d’une réorganisation du réseau de bus ? Il n’en que ponctuellement et superficiellement question dans les études. La complémentarité avec le chemin de fer, quant à elle, ne semble tout simplement pas retenir l’attention des auteurs. Et puis ces études ne s’inscrivent pas non plus dans le cadre d’un projet d’ensemble pour l’agglomération et leur horizon temporel est celui de la première ligne et rien d’autre : l’articulation avec les lignes futures du réseau ne fait pas partie de l’objet de la réflexion. Face à ce constat, l’absence de coordination avec les bureaux ayant travaillé sur l’axe 2 (ou à tout le moins de prise en compte de leurs conclusions) et la non-publication du PUM apparaissent comme des fautes, des actes qui laisseront des traces négatives à long terme dans le développement du projet, dans le chef des pouvoirs publics régionaux.
Montpellier, une avenue où passe le tram : maintien du végétal, il ne reste plus qu’une seule bande de circulation. L’espace est remarquablement apaisé et agréable pour ses habitants et usagers.

Face à cette approche lacunaire et discutable, il faut rappeler la nécessité d’envisager les transports en commun à l’échelle intercommunale, et même provinciale, notamment autour de la question du REL. Il faut rappeler que les effets du tram déborderont largement les quelques communes traversées et qu’il importe donc que le débat se passe à une échelle plus large, de développer une analyse globale concernant tous les quartiers. Il faut enfin exiger un plan à 20 ou 30 ans — absent à ce jour —, incluant tous les modes de transports et dans lequel le projet actuel s’inscrirait comme une première phase. Le Plan urbain de mobilité (PUM), martelons-le, aurait pu servir de base à ce nécessaire horizon mais il semble que sa publication n’interviendra qu’après qu’une décision définitive soit tombée dans le cadre du dossier du tram. C’est d’autant plus regrettable que le PUM prône un maillage urbain, qui est très éloigné du plan actuelle de ligne unique en fond de vallée. Il aurait pu en conséquence offrir une occasion d’éviter les erreurs que l’on est en train de commettre.

Soit dit en passant, on soulignera que les lignes de Bus à haut niveau de service (BHNS), annoncées avec fracas il y a deux ans, semblent à présent tombées dans l’oubli. En tout cas, il n’en a plus été question publiquement depuis belle lurette et nous n’en avons pas trouvé trace dans les études.

Bref, nous avons le vif regret de devoir constater que le projet actuel, malgré un budget très conséquent, ne semble pas apporter les réponses dont a besoin l’agglomération liégeoise en matière de mobilité urbaine. Nous constatons en outre que ce constat négatif est unanimement partagé parmi les intervenants associatifs ou universitaires qui se sont exprimés ou avec qui nous avons pu avoir des échanges ces derniers jours. L’avis du GTF, par exemple, parle d’un projet dont « l’objectif principal, la vraie mobilité des gens, parait être supplanté par des objectifs périphériques ponctuels : une expo éphémère et la peur d’affronter l’opinion pendant les travaux », évoque « le syndrome de la création du métro léger de Charleroi : une date pour une vitrine et un tracé dans des zones sans habitat », déplore l’absence de connexion avec la gare d’Herstal, l’absence de desserte du quartier Saint-Léonard. Etc.

2. Les grandes lignes du projet

Nous rappelons brièvement ici les grandes lignes de notre position sur l’approche d’ensemble du projet, position qui se voit confirmée voire dans certains cas renforcée par le projet (quasi) définitif (ou plutôt : présenté comme tel) qui est aujourd’hui sur la table.

2.1. L’absence de complémentarité avec le chemin de fer

Tramway de Montpellier.

La sous-utilisation évidente du chemin de fer est évidente : le tram est pensé comme une ligne parallèle ignorant le rail. Cela donne une l’impression d’une mise en concurrence de deux infrastructures. Que la SNCB n’ait pas été invitée à rejoindre le comité de pilotage du tram, que la distance entre stations du tram soit extrêmement élevée, qu’aucune interaction avec un éventuel REL ne soit évoquée,... confirme malheureusement cette impression.

2.2. Une rive droite ignorée

Alors qu’elle est plus peuplée que la rive gauche, alors qu’on y rencontre des situations de congestion devenues ingérables au quotidien (la rue Grétry à l’heure de pointe, par exemple), l’investissement tram ignore royalement la rive droite (avec la petite exception du passage du Pont Atlas, sur lequel nous reviendrons). Le risque de relégation territoriale nous semble réel.

2.3. Une échéance qui pousse à faire n’importe quoi

« Liège 2017 », même s’il s’agit d’une opportunité pour la ville, ne peut tout justifier. Et certainement pas le gaspillage de plusieurs centaines de millions d’euros. C’est pourtant ce qui est en train de se passer : au nom de cette échéance — incertaine, de surcroît —, des décisions capitales pour l’avenir de Liège sont en train d’être prises dans une précipitation indescriptible et avec un déficit — une absence — de concertation publique qui augure des lendemains difficiles lorsque des problèmes non pris en compte lors des phases d’étude viendront perturber le calendrier des travaux. Nous plaidons dès lors, depuis un an, pour une approche pragmatique à cet égard : réaliser pour 2017 le seul tronçon central (Guillemins-Coronmeuse + dépôt) et reporter le reste des travaux, ce qui se justifie d’autant que les tracés les plus incertains se trouvent au niveau des extrémités de la ligne.

2.4. Un « PPP » non justifié

Rien de neuf à cet égard, forcément, dans les études techniques. Mais on attend toujours une justification du pouvoir politique sur le choix du « partenariat public privé », budgétairement défavorable aux finances publiques (répétons-le : en plus du maintien complet dans le giron public, le financement « classique » est moins coûteux que ce « partenariat » qui n’en a que le nom). Ajoutons que la recherche absolue de vitesse commerciale (au détriment de la desserte et donc du nombre d’usagers concernés) semble curieusement destinée à « vendre » le projet à l’hypothétique partenaire privé qui sera appeler à financer le projet.

2.5. La restructuration (annoncée par le ministre) du réseau TEC ?

Il s’agit d’une bonne nouvelle sur le principe (ça ne semblait pas nécessairement acquis dans tous les discours), mais il faudra voir ce que ça signifie exactement. Une restructuration du réseau pratiquerait le rabattement et la hiérarchisation systématiques, par exemple, dégraderait la qualité de l’offre.

3. Les options du tracé : la vitesse avant tout

3.1. La vitesse commerciale, un critère très discutable

La « vitesse commerciale » (référentiel principal des études) n’a d’intérêt que financier. Il faut au moins autant tenir compte du temps de parcours réel, de porte à porte, pour les usagers (intégrant donc : temps de marche pour rejoindre l’arrêt, temps d’attente et temps de correspondance). Et, encore mieux, du « temps de parcours subjectif » (pondérant les temps en fonction de leur qualité ressentie par les usagers).

3.2. Un parcours tangentiel aux quartiers

Certes, le réseau viaire liégeois étant ce qu’il est, le passage au cœur des quartiers est souvent difficile, impose des arbitrages forts, parfois des expropriations. C’est pourtant une nécessité si l’on veut que le tram soit utilisé, a fortiori là où il remplacera le bus : il doit aller au plus près de ses usagers potentiels, des activités humaines (logement, bureaux, commerces, services publics,...). C’est loin d’être le cas, avec des tracés tangentiels choisis presque systématiquement.

3.3. La hiérarchisation du réseau (le « rabattement »)

La recherche scientifique est unanime sur ce point |2| : Les ruptures de charge sont très pénalisantes pour les usagers. Le projet tel qu’il se présente va pourtant entrainer une dégradation des performances offertes sur une série de liaisons très sensibles : la suppression du bus 58 (vers le Sart-Tilman) par rabattement forcé sur la ligne de tram à Sclessin risque de s’accompagner d’un allongement du temps d’accès au Sart-Tilman (mais surtout d’une dégradation du temps subjectif). Nous proposons de n’opérer le rabattement que lorsqu’il bénéficie aux usagers, c’est-à-dire lorsque le temps gagné dans le tram est supérieur au temps moyen de la correspondance.

Quant aux points où s’opèrent les (néanmoins inévitables) ruptures de charge, ils doivent être organisés en des endroits où les choix de lignes de transport public sont multiples et donnent accès à la plupart des pôles urbains. Ce n’est notamment pas le cas de Sclessin où serait prévu un pôle d’échange tram/bus très mal placé, car contraignant à une double ou triple rupture de charge pour joindre certains pôles.

3.4. La distance entre stations

On compte dans le projet 24 stations pour 17,1 km de ligne, soit, en moyenne, une station tous les 743 mètres. Il s’agit d’une distance très élevée, à comparer avec, par exemple, celle de la ligne A de Bordeaux (447 m) ou la ligne 1 de Montpellier, la plus fréquentée de France (524 m), en dépit de longueurs comparables.

Ajouté au choix de ne pas entrer dans les quartiers, ce chiffre nous paraît extrêmement préoccupant pour la ville et ses habitants, qui seront souvent très éloignés du premier arrêt de tram, même quand la ligne passe dans leur quartier. Nous plaidons dès lors pour l’ajout de 10 à 12 arrêts supplémentaires sur la ligne, de façon à atteindre une distance interstation moyenne comprise entre 450 m 520 m — couplée à un tracé desservant les quartiers au lieu de les ignorer.

3.5. L’absence de mesures fortes concernant la voiture

L’orientation générale des études est de conserver une accessibilité voiture importante partout où passe le tram. La comparaison avec les villes alémaniques et françaises |3| est pourtant sans équivoque : les seules villes qui ont réussi à provoquer un report modal significatif sont les villes qui ont mis en place, en même temps que des transports en commun de bonne qualité, des mesures jugulant la place de la voiture en ville.

3.6. Largeur des caisses

On dispose à présent d’un chiffre : ce sera 2,65 m de large (soit le standard le plus large actuellement disponible). C’est une bonne nouvelle, pour la capacité des rames, mais aussi pour le confort et l’accès des PMR, notamment.

3.7. Absence de caténaire ?

La volonté d’une exploitation sans caténaire dans le centre-ville a été exprimée à plusieurs reprises. Nous tenons cependant à mettre en garde le pouvoir politique : une telle option (que ce soit via le système APS d’Alstom ou par un système de condensateurs) implique plus que probablement le recours à une solution brevetée, dépendant d’un constructeur unique ! Par conséquent, si une telle technologie est choisie, il sera difficilement possible de passer des marchés publics de matériel dans de bonnes conditions. Ce point — s’il se justifie sur le plan financier — doit donc être conditionné à la publication d’un standard technologique (par exemple pour la captation du courant dans le sol) par le constructeur, permettant, dans le futur, à d’autres constructeurs de produire un matériel roulant adapté.

4. Le tracé détaillé

4.1. Herstal

Même si nous ne pensons pas — nous l’avons souligné d’abondance depuis trois ans — que la demande prévisible sur le réseau TEC justifie le déploiement du tram à Herstal dès la première phase, les enjeux posés par son passage dans cette commune sont importants et méritent un examen détaillé.

Deux tracés sont envisagés dans l’étude : le « tracé de base » (tracé historique, proposé dès le projet Antoine) au Nord et le tracé « Zénobe Gramme », neuf dans le débat, le long du canal Albert.

Aucun de ces deux tracés n’offre cependant une desserte satisfaisante des principaux pôles urbains d’Herstal (Gare, Place Jaurès, Licourt, mais aussi Pré-Madame, Athénée royal ou clinique André Renard). Si le « tracé de base » passe par la gare, il emprunte ensuite un chemin situé largement au Nord de la place Jaurès ou de la Licourt, même s’il présente l’avantage de rentrer au cœur de la zone urbanisée d’Herstal, notamment en passant au milieu du site du « Pré Madame » (New Market) et du site des ACEC, permettant donc une valorisation foncière qui est l’un des critères indispensables à rencontrer si l’on veut justifier la pertinence d’un tram dans Herstal. Son insertion urbaine s’avère cependant désastreuse en plusieurs points, notamment avec la création, très surprenante, d’un arrêt de tram (Laixheau) en coeur d’îlot, une solution qui dégrade la qualité de vie des riverains, déchiquète le tissu urbain et réduit gravement la lisibilité de l’espace public, comme le souligne d’ailleurs l’étude.

L’accès à la gare d’Herstal, dans le « tracé de base », est obtenu au prix d’un tracé particulièrement alambiqué, traversant les îlot et dont l’impact urbain est assez malheureux.
L’arrêt « Laixheau », en plus d’être situé à 400 m au Nord de la place Jaurès, est situé en coeur d’îlot, entrainant une déstructuration significative du tissu bâti.

Le tracé « Zénobe Gramme » quant à lui ne dessert pas la gare (située à 600 m du premier arrêt), alors qu’il s’agissait pourtant du seul réel point d’interconnexion avec le réseau ferroviaire depuis les Guillemins, ni la place Jaurès (située à 400 m du premier arrêt) mais bien la Licourt et les infrastructures qui l’entourent (IPES, hôpital du Château rouge,...). Mais surtout, en choisissant de longer le canal, ce tracé s’éloigne fortement des quartiers d’habitat. À cet égard, nous pensons pouvoir affirmer que ce nouveau tracé, introduit par l’étude, est pire encore que le « tracé de base ». Ajoutons que ce tracé « Sud » suppose la mise à double sens du boulevard Albert Ier, c’est-à-dire qu’il ouvre une nouvelle pénétrante automobile depuis l’autoroute vers le centre de l’agglomération.

Au vu des caractéristiques respectives des deux tracés envisagés, il nous semble clair que le travail est loin d’être abouti et que les études doivent examiner d’autres hypothèses (autres hypothèses dont il n’est fait, soulignons-le, nulle mention dans lesdites études).

Nous proposons d’étudier un tracé plus central, passant par la rue Hayeneux, la place Jaurès, la Voie de Liège, desservant le site du « Pré Madame » et trouvant un terminus (provisoire, dans l’hypothèse d’un dépôt unique localisé à Bressoux) à la Licourt (le tracé pouvant être ultérieurement poursuivi vers les ACEC et Basse-Campagne lorsque l’urbanisation de ces zones le justifiera). Des repérages sommaires nous laissent penser que ce tracé est techniquement réaliste, même s’il est significativement contraignant sur plusieurs points. Il imposera des expropriations en nombre non négligeable (quoique probablement inférieur à celles qu’impose le tracé Nord). Il obligera à des modifications conséquentes des flux automobiles, qui devront être systématiquement rabattus, dans le coeur de ville, vers le boulevard Zénobe Gramme (avec, à l’avenant, la création éventuelle d’une ou deux voiries transversales supplémentaires). Il modifiera significativement le fonctionnement d’un axe commercial important et suscitera donc probablement des réactions négatives importantes de la part des commerçants ; même si cette option — et la piétonnisation d’une partie de l’axe dont elle s’accompagnerait — devrait leur bénéficier et et si la création d’espaces de stationnement à proximité immédiate de cet axe est possible, pour compenser les places de stationnement perdues avec la piétonnisation.

Mais ce tracé — ou une variante passant également par les principaux pôles urbains de la ville — nous semble s’imposer si l’on veut que le tram offre un service pertinent, c’est-à-dire desserve les lieux les plus fréquentés de la commune.

Tracé alternatif proposé par urbAgora (avec les moyens graphiques disponibles dans le court laps de temps dans lequel le présent document a été élaboré). La ligne noire représente la ligne de chemin de fer (avec la gare actuelle et un arrêt à réouvrir à La Préalle).

4.2. Gare de Bressoux

Des trois sites étudiés pour l’implantation d’un « centre de maintenance et de remisage » (avec Tilleur et Basse-Campagne), celui de la gare de Bressoux apparaît assez clairement comme le plus pertinent. Il s’agit en effet du site qui, par sa position centrale, minimise la circulation à vide des rames qui vont prendre leur service mais aussi de celui qui pourrait desservir une deuxième ligne sans avoir à multiplier les infrastructures, ce qui permet des économies d’échelle. Nous approuvons donc le choix qui semble se dessiner en faveur de Bressoux, même si d’autres sites auraient pu — dû — être étudiés dans le cadre de cette étude, en particulier Sclessin (et dans une moindre mesure les parkings de l’actuel CHC à Fontainebleau, pour la seconde ligne).

Le projet actuel pose cependant trois problèmes de taille.

Primo, il semble que la zone de la gare de Bressoux soit actuellement considérée comme une zone purement technique ne méritant pas une réflexion urbanistique digne de ce nom. Il semble que les équipements qu’on projette d’y installer soient disposés sans grande réflexion et sans nulle prise en compte de l’exceptionnel potentiel du lieu. Nous demandons donc que soit adopté, préalablement à tout développement sur le site, un Master Plan pour l’ensemble de la zone de la gare de Bressoux, allant jusqu’à la Meuse et visant à la production d’un quartier urbain, aux fonctions mixtes (services métropolitains tels que P+R, dépôt de tram, FIL ou gare, mais aussi activité économique voire logement), entre la gare et l’autoroute. Il s’agit évidemment d’un enjeu qui doit être pris en compte dans le cadre du projet « Liège 2017 ».

Secundo, le tracé retenu pour le franchissement de la Meuse présente le risque sérieux d’une relégation des quartiers de Bressoux et du Nord d’Outremeuse, qui se verraient pratiquement condamnés à ne pas voir le passage du tram. Ce message pourrait notamment compliquer encore plus la naissance d’un projet de logement sur le site de Bavière. S’il nous semble clair que le tram doit rejoindre la gare de Bressoux, il ne peut le faire par le pont Atlas. Il doit plutôt franchir la Meuse dès le Pont des Arches, desservir le Boulevard de la Constitution et la rue des Bonnes-Villes et traverser Bressoux (la piétonnisation de la rue De Gaulle étant la meilleure option pour ce faire) pour rejoindre Droixhe et enfin la gare de Bressoux. Ajoutons que le passage du tram par le pont Atlas, en divisant par deux le nombre de bandes de circulation, amènerait logiquement un report de trafic vers le pont Maghin.

Tertio, l’implantation actuellement envisagée, si elle était retenue telle quelle, hypothéquerait la faisabilité d’un franchissement ferroviaire de la Meuse, dont la nécessité s’imposera selon nous à moyen ou long terme (cf. notre étude sur les enjeux ferroviaires liégeois, octobre 2011). Il importe donc de tenir compte de cette opportunité et de respecter une zone de réservation qui garantira, dans la futur, la possibilité de créer cette liaison ferroviaire.

4.3. Saint-Léonard

Rien de neuf, en Saint-Léonard : le choix du passage par les quais va entraîner, avec la suppression de la ligne de bus numéro 1, une dégradation sérieuse de la desserte du quartier. Nous ne pouvons que répéter une fois encore que le tram doit passer à l’intérieur du quartier, qu’il doit y trouver un point de correspondance avec le train place Vivegnis et que c’est techniquement faisable. On notera, sans surprise, qu’aucune variante au tracé via les quais n’a été étudiée pour le quartier St Léonard. Cela se passe de commentaires.

4.4. Feronstrée

Trois hypothèses sont envisagées : un tracé par la place du Marché et Feronstrée (celui qui a été privilégié jusqu’à présent), un tracé par la rue Léopold, la rue de la Cité et les quais (qui est néanmoins rejeté en raison d’un rayon de courbure trop serré au carrefour Léopold-Cité et de son impact trop important sur le marché dominical) et un tracé intermédiaire, avec une voie de chaque côté, prévoyant une exploitation en voie unique, par Feronstrée, le dimanche pendant la Batte.

C’est cette dernière solution intermédiaire (dite « variante dissociée ») qui semble, d’après les échos qu’en a donné la presse, avoir la préférence du pouvoir politique (même si le comparatif proposé par l’étude est loin de la faire ressortir comme la plus évidente). Cette solution nous semble pourtant problématique car elle n’anticipe pas les possibles extensions futures du réseau. D’une part, l’exploitation en voie unique (même limitée au dimanche) implique une perte de capacité, au point qu’on peut craindre que le passage alterné sur une voie empêchera, à l’avenir, de brancher de nouvelles antennes (par exemple venant du pont Maghin) sur ce tronçon. D’autre part, la connectivité avec des extensions futures (en particulier vers le Pont des Arches) n’est pas envisagée, en sorte que la possibilité même d’étendre à l’avenir le réseau vers Outremeuse (si ce n’est dès la première phase comme nous le suggérons un peu plus haut) sera compliquée. Cette possibilité d’extension est pourtant indispensable au développement futur du réseau des tramways liégeois. On peut enfin ajouter que cette option pose un problème de lisibilité (le réseau de tram comme repère dans la ville) et de desserte (vu la tangentialité partielle avec le fleuve).

« Variante dissociée » pour le passage entre Saint-Lambert et Déportés.
Passage du tram dans le coeur historique de Freiburg : les piétons et le tram partagent le même espace.

Nous plaidons par conséquent pour le passage continu par Feronstrée. Ce passage est techniquement réaliste, quoi qu’en disent les études. La largeur de 6,5 m d’emprise — prise comme minimum par celles-ci et leur permettant de conclure à l’impossibilité de cette option —, n’est pas sérieuse. On signalera par exemple qu’avec des caisses de même largeur (2,65 m), le réseau de Karlsruhe dispose localement d’un pont ferroviaire où le site ne fait que de 5,5 m de large. En toute hypothèse, 6,0 m est tout à fait suffisant (débordements latéraux en position statique de 0,6 m, entrevoie de 1,5 m => 5,7 m + marge de sécurité de part et d’autre de 2 x 0,15 m).

Cette solution — impliquant la cohabitation des piétons et d’un tram qui roule à vitesse modéré — est en outre urbanistiquement intéressante (et viable pour autant que le tronçon ne soit pas trop long). Différents exemples de cohabitation entre le tram et les piétons (Freiburg, Amsterdam,...) en attestent.

On signalera que des solutions peuvent être apportées pour la livraison des commerces (des emplacements dans les rues latérales, notamment) ou les déménagements.

Quant au parking pour les visiteurs de la Batte, il pourra être reporté un peu plus loin (grâce au tram). Une option intéressante serait notamment l’utilisation des parkings de la Citadelle, en conjonction avec le téléphérique.

4.5. Le quartier des Guillemins

Nous avons exprimé à de nombreuses reprises notre préférence pour un tracé par la rue des Guillemins (avec arrêt intermédiaire). Cette option semble éliminée. Nous nous étonnons des critères retenus pour le choix. En particulier, arguer, comme le font les auteurs de l’étude, que le passage du tram par l’esplanade permettra le maintien du commerce dans la rue des Guillemins, nous semble non fondé. Au contraire, sans mesures fortes en sa faveur, la rue des Guillemins risque de perdre sa fonction commerciale, qui se déplacera progressivement vers l’esplanade.

Nous nous interrogeons encore sur la desserte de la place des Franchises et sur la manière de maintenir un service bus dans le quartier. Quid du partage des sites propres par tram et bus ?

4.6. Sclessin, Tilleur et Seraing

Disons-le tout net : le dispositif envisagé les soirs de matches du Standard (une interruption du service tram et des bus de substitution) relève du mauvais gag. Dès lors que rien ne justifie le passage du tram au-delà de Sclessin (ni la densité de population, ni les opportunités foncières, ni la fréquentation actuelle des lignes TEC), on serait bien inspiré d’arrêter la ligne de tram au niveau du Standard (la Ville de Seraing trouvant de bien meilleures opportunités avec un réseau REL qu’avec un tram mal pensé et n’allant même pas en rive droite). Et d’envisager, pour les phases ultérieures du projet, un passage du pont d’Ougrée qui ouvre des perspectives beaucoup plus intéressantes (et est accessoirement compatible avec un maintien du service les soirs de match), tant en termes de population desservie, de connexion avec d’autres modes de transports (la ligne 125A est toute proche), de localisation d’équipements métropolitains (dans les Ateliers centraux, notamment), de structuration urbanistique (autour du boulevard). Mais nous ne faisons ici que nous répéter. Et l’on se contentera donc de renvoyer à nos précédents publications sur le sujet.

Au niveau même du stade de Sclessin, un ensemble intégrant intelligemment le stade dans sa nouvelle configuration (si du moins cette option se confirme après le rachat du club), un P+R, le terminus tram, des arrêts bus mieux aménagés qu’actuellement, quelques services (commerces de proximité), voire un dépôt de tram (curieusement, cette possibilité n’a pas été étudiée alors qu’elle semble a priori intéressante et que l’emprise foncière est disponible) devrait être envisagée.

5. Ce que nous demandons

  • Un concept intégré de transport en commun — en ce compris le rail — pour l’agglomération liégeoise ;
  • Un accord supra-communal d’ensemble (différents modes, différentes phases) permettant d’avancer la où l’investissement est le plus pertinent, au bénéfice de l’intérêt général, sans que personne ne se sente lésé ;
  • Un phasage permettant de rencontrer l’échéance de 2017 sans bâcler les parties du projet qui ne sont manifestement pas mûres ;
  • 10 à 12 arrêts supplémentaires sur la ligne ;
  • Une étude d’une variante intermédiaire, à Herstal, desservant ses principaux pôles urbains ;
  • Un master plan pour la gare de Bressoux ;
  • Le passage vers Bressoux via Outremeuse et non via le pont Atlas ;
  • Amorcer dès la première phase une seconde ligne Fontainebleau-Guillemins (empruntant la boucle du 4 en rive droite) pour apporter des solutions dans le Longdoz ;
  • Le maintien de lignes de bus traversantes et le recours au rabattement uniquement lorsqu’il bénéficie aux usagers, le maintien d’un lien direct et rapide vers le Sart-Tilman ;
  • Le passage du tram dans le quartier St Léonard ;

6. Conclusion

Le projet de tram tel qu’il se présente aujourd’hui — avec son tracé tangentiel aux quartiers et ses interstations extrêmement élevées — semble plus pensé pour desservir des parkings « de dissuasion » (?) situés en périphérie et non pour apporter des solutions de mobilité dans les quartiers. C’est pourtant là que l’on connaît, quotidiennement, la saturation du réseau TEC. Le message semble être : « allez habiter à 20 km du centre-ville, vous disposerez de meilleurs services publics que dans les quartiers denses. » Cette attitude est incompréhensible dans le chef d’autorités communales confrontées depuis des décennies à une péri-urbanisation qui tue la ville à petit feu mais que personne n’ose ouvertement affronter. Car, dans le même temps, les habitants d’Outremeuse, de Bressoux, du Longdoz, du quartier St Léonard ou de Ste Marguerite,... vont continuer à voir la qualité de leurs transports en commun se dégrader lentement, avec des performances qui font qu’aujourd’hui, entre ces quartiers, une personne en bonne forme ira souvent plus vite à pieds qu’en bus.

Il semble donc qu’à vouloir aller trop vite, on finit par bâcler le travail. La SRWT — dont le leadership sur le projet est évident — a manifestement décidé de concurrencer le transport ferroviaire plutôt que de chercher les complémentarités avec lui. C’est une option doublement nuisible à la ville. Parce que, ce faisant, elle hypothèque la possibilité de créer un REL à Liège, qui est pourtant indispensable. Et parce qu’elle va sérieusement dégrader la desserte des quartiers urbains (le cas du quartier St Léonard est emblématique).

En conclusion, nous ne pouvons apporter notre soutien à un projet tel que celui-ci. L’argent public — surtout quand on le dépense en aussi grandes quantités — doit être mieux utilisé qu’il ne le sera avec ce projet.

|1| Frenay P., Le tram, outil au service du développement urbain durable ?, AGORA SA, décembre 2004.

|2| Lire la dernière livraison de la revue « Articulo » (numéro 7, 2011), disponible sur http://articulo.revues.org/, et notamment l’article de Frédéric Dobruszkes, Michel Hubert, François Laporte et Caroline Veiders, « Réorganisation d’un réseau de transport collectif urbain, ruptures de charge et mobilités éprouvantes à Bruxelles », qui propose un éloquent passage en revue de la littérature scientifique sur la question.

|3| Frenay, op. cit.

 

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