À deux semaines de l’inauguration de la gare, l’on ne peut que se réjouir de la mise en activité |1|, promise de longue date |2|, de la Société de développement de Liège-Guillemins (SDLG) pour orchestrer « le développement, la réalisation et l’exploitation de l’espace immobilier définis au périmètre de remembrement urbain » |3|.
En effet, à l’exception de l’initiative Europan sur les terrains dits « Balteau » (entre la rue Paradis et la rue de Serbie) et pour autant qu’elle aboutisse sur un projet concret |4|, la façon dont vont procéder les pouvoirs publics pour construire le nouveau quartier est toujours on ne peut plus floue — et l’on souhaite ardemment que la SDLG y travaille dès à présent, vu la nécessaire préparation qu’un projet d’une telle ampleur demande : définition des enjeux, des objectifs, des moyens par temps de crise, de la planification dans le temps, du processus de mise en œuvre, de la concertation, de la communication, du chantier, etc. Et la manière dont a été désigné récemment le constructeur (promoteur et architecte) de la future cité des finances n’est hélas pas là pour nous rassurer… |5|
Ce n’est pas tant le gabarit qui pose ici problème |6| que le mode de sélection du projet. En cause, un processus de désignation du promoteur, élaboré par la Régie des bâtiments, qui a été mal ficelé sur un point fondamental : c’est au privé que l’on a demandé de localiser la construction de la cité des finances |7|. Or, au-delà du fait qu’il est regrettable de laisser au privé de décider là où doivent s’implanter les administrations publiques, ce n’est un secret pour personne : la Ville de Liège, comme Euro-Liège TGV, a toujours manifesté son souhait de voir s’installer le bâtiment en bordure de la future esplanade — là d’ailleurs où elle se situe aujourd’hui — pour en faire une locomotive du nouveau quartier et contribuer à la réalisation de l’esplanade projetée. Même si elle n’est pas partagée par tous |8|, c’est une option qui se défend.
Alors pourquoi la Régie a-t-elle proposée cette procédure, s’obstinant dans une voie dont l’issue était connue de tous |9| ? Le résultat était écrit d’avance : en l’absence de la remise du projet Plan incliné en toute dernière minute |10|, la Régie des bâtiments a évidemment choisi le projet Fedimmo — le dernier candidat en lice, propriétaire de l’actuelle cité des finances rue Paradis.
Dans un tel processus, la question architecturale est forcément reléguée au second plan, alors qu’elle devrait être centrale — tant pour les habitants du quartier que pour les futurs usagers du site. Un concours d’architecture ou une procédure similaire |11|, organisé par Fedimmo, à condition qu’il soit bien encadré par les pouvoirs publics, aurait permis — s’il avait été mis en œuvre, mais il est encore temps |12| — de mettre en concurrence plusieurs propositions architecturales et de choisir in fine celle qui convient le mieux pour le site. Et non de se contenter comme à ce jour d’une seule et unique proposition, celle connue de tous, des architectes Jaspers & Eyers, habitués à ces grands ensembles de bureaux en Belgique, comme la tour des finances à Bruxelles, la Médiacité à Liège, etc.
S’il serait présomptueux de définir ce qu’est une bonne ou mauvaise architecture, il est clair qu’avec une seule proposition architecturale pour le site, il est difficile d’être convaincu que ce soit la meilleure. C’est la raison pour laquelle de nombreux pouvoirs publics en Belgique et à l’étranger utilisent des procédures de concours ou similaires pour choisir les bâtiments qui incarneront leurs valeurs.
Comment un nouveau bâtiment peut-il incarner une politique publique, ici celles des finances, dont la finalité est de servir la population et l’Etat ? Comment le service au citoyen peut-il être amélioré par la construction de ce bâtiment ? Comment ce bâtiment intégrera-t-il les défis de la durabilité — de la mobilité douce aux économies d’énergies, en passant par le bien-être de ses utilisateurs ? Comment s’articulera-t-il avec le quartier existant, avec la Meuse qui le borde ? Comment incarnera-t-il l’architecture de ce début de siècle, dans ce nouveau quartier de Liège ? Etc. Voilà autant de questions dont l’on souhaiterait voir les pouvoirs publics se saisir par la même occasion, à la Régie des bâtiments comme à la SDLG qui pilote aujourd’hui les autres développements immobiliers du quartier.
Il serait en conséquence heureux que la SDLG affiche dès à présent ses intentions pour le quartier et mette en place une politique architecturale, avec la nécessaire exigence de professionnalisme que celle-ci requiert pour avoir une légitimité et une crédibilité publique |13|, en tirant profit de ce qui s’est fait de mieux ailleurs, de façon à rejoindre les ambitions locales et européennes affichées pour cette nouvelle porte de la ville. Avec pour premier objectif, fondamental : celui d’y améliorer la qualité de vie des habitants et des usagers du site |14|.